CMPP, médico-social, psychiatrie, Santé Mentale: ce qui s'annonce. L'homme ou le rat ?

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CMPP, MEDICO-SOCIAL, PSYCHIATRIE, SANTE MENTALE : CE QUI S'ANNONCE.

L'homme ou le rat ?

« Une grande vague…, un raz de marée ! ».

C'est ainsi que l'on nous a annoncé, au CMPP de Morlaix à la fin de l'année le décret d'octobre 2003 relatif à la gestion budgétaire du Médico social appliquant la loi de 2002 dite de « rénovation sociale ».

L'expression a le mérite d'apprécier et de transmettre l'importance du phénomène. Pourtant quel rapport y a t il entre, un cataclysme naturel comme un raz de marée, résultant d'un séisme qui dépasse notre entendement, et cette volonté d'humains pour d'autres humains d'organiser le psychisme selon un modèle de planification et de gestion des comportements pour « raison d'économies » ?

Le rapprochement conduit à penser dans les deux cas « On n'y peut rien c'est inévitable ! ».

Le développement qui suit concerne la psychanalyse non seulement parce qu'elle traverse et imprègne historiquement la conception institutionnelle des CMPP qui va de pair avec la pratique de la psychanalyse d'enfant, mais aussi parce que le bouleversement qui s'annonce annule la psychopathologie clinique dans son approche structurelle de l'inconscient et sa lecture du symptôme.

Ce bouleversement va bien au delà d'une querelle de spécialistes, c'est une enjeu humain.

La référence essentielle dans les différents rapports au DSM 4 ou CIM10 comme outils diagnostics et le mode d'évaluation des traitements selon des normes dites « scientifiques » élaborés par l'ANAES et L'INSERM pour définir les « bonnes pratiques » sont incompatibles avec une approche singulière du psychisme telle que toute l'histoire de la psychanalyse et de la psychopathologie nous l'enseigne.

Ce renversement, qui fait passer d'une clinique de l'histoire à une clinique de l'instant, interroge de fait la psychanalyse dans son rapport au social et au politique.

Pour autant il n'est pas question ici de parler des psychanalystes qui ont déjà fort à faire.

Au moment de l'annonce de ce décret surgissaient dans les médias à une vitesse saisissante, différents amendements et autres rapports pour réorganiser le champ de la santé avec beaucoup de « bon sens, courage, rigueur » , le tout en ordre dispersé suffisamment pour s'y perdre.

-Amendement Accoyer puis Mattei pour la normalisation des psychothérapies afin « d'éviter les dérives sectaires »

-Rapport Clery- Melin, Kovess et Pascal pour le « développement » et la « promotion » de la santé mentale qui réorganise le champ institutionnel public et privé avec, pour tout un territoire, un psychiatre coordinateur qui gère, conseille et supervise, éventuellement par téléphone, tous les professionnels( ?) , en lien avec un CMP RESSOURCE chargé des diagnostics et de l'orientation vers les spécialistes reconnus selon une liste de « bonnes pratiques » établies avec l'ANAES.(propositions 1-04 et 1-05, p16 et 17)

-Rapport Berland concernant le « transfert de tâches et de compétences » déqualifiant les responsabilités médicales pour les remplacer par des professions moins rémunérées et moins formées.

-Rapport de l'Inserm portant sur l'évaluation de trois types de psychothérapies (26 février 2004) qui affirme « scientifiquement » que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont plus « efficaces » que l'approche psychanalytique pour des troubles aussi peu rigoureusement définis que « l'hyperactivité », « la dépression légère », « les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) », termes associés sans discernement à des approches structurelles précises et complexes comme l'autisme et la schizophrénie, le tout globalement référé aux catégorisations américaine du DSM4.

Le rapport Cléry- Melin y ajoute « les Troubles envahissant du développement (TDE) ».

Pour faire un palier dans cette descente aux abysses, je propose un résumé (vérifiable par les textes) de cette organisation précise dont la logique ne semble pas faite pour être lisible.

1-L'INSERM, mandatée par la Direction Générale de la Santé, défini et donne sa caution « scientifique » sur trois approches thérapeutiques évaluations et statistiques à l'appui , en référence au DSM, (26/02/2004).

2-L'ANAES, « organisme officiel indépendant », défini précisément tous les protocoles (méthodes, contenus , évaluation, transmission et qualité), conditionnant les « bonnes pratiques » et leur nomenclature « description technique de référence, déroulement, durée de la séance, fréquence, durée prévisionnelle du traitement (Cléry – Melin P14) » pour accéder aux meilleurs résultats. Elle se réfère à l'INSERM.

3-LA LOI DE 2002 dite de « rénovation sociale » recentre le dispositif au nom de la « défense des usagers » et conduit à l'obligation « d'évaluer la qualité de prestation au regard des recommandations de « bonnes pratiques » (article L.312-8).

Elle fait basculer la santé du côté du registre du commerce et de la concurrence des prix en y impliquant la répression des fraudes (article 46 de l'annexe 1)

4-LE DECRET D'APPLICATION D'OCTOBRE 2003 de la loi verrouille le tout, ferme les enveloppes budgétaires oblige les établissements à constituer des « tableaux de bord » et des « indicateurs » pour permettre des comparaisons des prestations thérapeutiques proposées, selon leur qualité et leur prix (article 32)

5-L'ARH (ou plus tard l'ASR ?) qui concerne actuellement le secteur hospitalier, devient la clé de voûte de la régionalisation sanitaire (projet de loi 877 du 21 Mai 2003) et engloberait le médico-social .

L'ARH selon les « recommandations » de l'ANAES et le label de « bonnes pratiques » défini précédemment, attribue les accréditations tant vers un professionnel libéral (orthophoniste, psychologue , médecin généraliste etc…), une structure privée, un structure gérée par une association, ou un organisme publique. Ces accréditations sont prévues pour 5 ans et reconductibles seulement selon les résultats des évaluations. L'ARH est chargée de planifier la région selon les « besoins » qu'elle définit, en comparant le rapport « qualité – prix » selon les « tableaux de bord et indicateurs » fournis par les établissements.

6- La DDASS, pour l'instant, gère et vérifie les dépenses selon un nouveau critère : « l'ONDAM » apparu en 2003, (Objectif National des Dépenses nationales d'Assurance Maladie) qui aboutit à la notion d'enveloppe fermée et limitative sans reprise des déficits ni possibilité de conserver les excédents (prix de journées ou séances).

Chaque établissement devra donc « se débrouiller » notamment, concernant les indices de GVT (augmentation des salaires), l'application des 35 H ou l'augmentation de son loyer. Ceci infléchit dans les proches années la politique de recrutement et la nécessité de multiplier les contrats à durée déterminé.

De toute façon un « toilettage » du code du travail et des conventions collectives est prévu pour se rapprocher d'un vœu du MEDEF(cf les 44propositions du Medef) de développer le statut de « travailleur indépendant » avec une négociation « libre et directe » entre l'employeur et le demandeur d'emploi. (Le terme de liberté n'a jamais autant été employé)

6-Création d'un nouveau marché : Les cabinets d'audit et de « counseling » sont débordés de demande par toutes les directions d'établissements de France qui doivent rentrer dans les démarches « qualité » et sont préoccupées par l'idée de ne pas être assez tôt en bonne position face à un établissement hier complémentaire, demain concurrent.

7- Des milliers de professionnels spécialisés en France sont payés pendant plusieurs journées par an pour rentrer dans les protocoles et redéfinir des pratiques selon le vocabulaire de l'ANAES sans, bien évidemment, faire évoluer le moins du monde le champ thérapeutique. Les cliniciens (de toute profession) ont depuis des années leurs propres systèmes de « supervision » ou « contrôle » autrement plus impliquant (Il est beaucoup plus difficile de parler de ce qui dérange et sur lequel on bute que de cocher une case)

Dans les établissements les administratifs sont débordés par la nouvelle complexité d'une organisation sensée simplifier les choses.

8-Le trou de la sécurité sociale paie !

Certains ne manqueront pas d'objecter qu'il y a une différence importante entre une loi, les décrets qui l'accompagnent et les projets de loi avec les rapports qui l'anticipent.

Il se pourrait par exemple que le rapport « Clery – Melin » soit « enterré » pour lâcher du lest après des élections désastreuses pour le gouvernement actuel.

Ceci ne changerait rien à l'analyse présente qui se situe globalement entre 1996 et 2004 et dont les grandes lignes directrices ne se trouvent pas démenties.

On peut par conséquent changer de veste ou les noms des auteurs d'un rapport, rien aujourd'hui ne nous invite à d'avantage d'optimisme.

A l'heure actuelle, des orthophonistes à Rennes se sont vues convoquées à la CPAM car elles n'avaient pas répondu aux normes imposées par l'organisme de contrôle. Dans le Finistère le CMP Ressource défini dans le projet « Cléry – Melin » a déjà les crédits nécessaires depuis décembre 2003. D'autre part, fin Avril 2004 (il y a une semaine) la Bretagne, avec deux autres régions est déclarée par la DGAS comme « zone de mise en place de l'expérimentation des indicateurs médicaux-sociaux ».

La pression des urnes et la décentralisation vont elles modifier la donne ?

Il est à souhaiter que les prochaines élections Européennes impriment un virage conséquent.

Un deuxième palier serait nécessaire ici pour aller plus loin :

Les textes qui déterminent la politique de santé et la gestion des associations en Europe et encore plus largement dans le monde sur la base de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS).

Aujourd'hui c'est en effet à ce niveau que les décisions se prennent… et qu'il faut intervenir.

Je laisse à plus compétent que moi le soin de développer.

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L'institution, un outil clinique fondamental.

Il faut resituer l'origine de notre pétition dans la pratique quotidienne d'un CMPP lorsque des parents en souffrance viennent nous consulter.

L'intérêt, et parfois le paradoxe, des CMPP est de faire travailler ensemble des professionnels d'horizons divers, d'obédiences variées qui ont appris à s'entendre et se parler.

Secrétaire, comptable, orthophoniste, psychomotricien, psychopédagogue, médecin et autre psychologue sont donc tout autant mêlés à l'affaire, comme les psychanalystes.

Il aura parfois fallu quelques années pour qu'une alchimie se fasse, s'efface, se retrouve autrement, entre tous les intervenants. Ceci n'est jamais partie gagné et demande un travail d'ajustage permanent ( là où certains préfèrent le terme d'évaluation de la qualité).

Elle est pourtant la condition essentielle d'un travail à plusieurs qui ne se décrète pas , comme l'ont montré F. Tosquelles et J. Oury en élaborant la psychothérapie institutionnelle.

L'institution est pour chacun, un outil de travail, un outil clinique et ce depuis des années.

Parfois les institutions aussi souffrent, ce qui rend le travail terne, source de tensions et peu créatif pour les professionnels donc pour les patients.

Ne serait il pas plus utile de favoriser une analyse des difficultés lorsqu'une équipe s'y sent prête, plutôt que de multiplier les « contrôles qualité » qui isolent les professionnels dans leurs spécialités et enkystent les problèmes, rendant « l'outil » institutionnel inopérant ?

Mais qui s'autorise actuellement à situer les enjeux institutionnels autrement qu'en termes de « ressources humaines » et de « management » ?

Ces termes ont pourtant fait reculer de plus d'un quart de siècle les pratiques concernant le fonctionnement d'un groupe humain tenant compte de l'inconscient.

Les moins dupes savent aujourd'hui, qu'un « manager » aux Etats-Unis n'est ni plus ni moins qu'un « chef de rayon » dans une grande surface.

La fonction directoriale et ses responsabilités en ont pris quelques coups !

Si seulement cela permettait d'en interroger autrement son indispensable position symbolique !

Il est toujours très étonnant de constater de la part de gestionnaires éclairés qu'il leur semble plus économique de détruire des systèmes et d'en construire d'autres que d'améliorer ceux qui ont fait quelques preuves de leur utilité.

Je ne suis certes pas un gestionnaire éclairé, pourtant je constate que des constructions mal pensées coûtent très cher !

Ce que l'on identifie comme une institution est donc tout autre chose qu'une juxtaposition de techniques et de savoirs supposés se compléter pour faire « un plus ! ».

C'est une construction humaine vivante, c'est à dire un groupe d'hommes et de femmes qui s'organisent pour recevoir et en entendre d'autres, autour de quelque chose qui fait symptôme et ne peut se réduire à un confort existentiel. Combien de fois n'entendons nous pas , après plusieurs entretiens autour d'une demande apparemment bénigne, un drame humain ?

Les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (malgré un nom qui sonne plutôt comme une charge de cavalerie) ont historiquement évolués dans le sens d'un dépassement des juxtaposition vers un travail de plus en plus singulier, en souplesse qui respecte autant que possible les liens transférentiels qui s'établissent, tout en créant des ponts entre les intervenants selon leurs compétences et la position des demandeurs.

Il est impossible en effet de méconnaître dans nos pratiques, l'extrême difficulté qui consiste à parler de soi ou de son enfant en exposant ainsi un narcissisme blessé.

Une multiplicité d'intervenants « spécialisés », non attentifs à cela conduit à une catastrophe humaine.

La mise en place du « CMP Ressource » comme structure intermédiaire supplémentaire le serait tout autant et représenterait une nouvelle et inutile dépense.

Détruire et reconstruire coûte cher à tout point de vue !

La cure ambulatoire qui se pratique au cas par cas, de façon non standardisée, permet de soutenir un enfant ou adolescent en limite de rupture, au bord d'une décompensation et d'éviter l'exclusion scolaire ou le placement. Le travail thérapeutique ainsi proposé( qu'il passe par le corps, le travail autour des mots, du jeu, en individuel ou en groupe) se pense donc à plusieurs et la dynamique propre de chaque équipe est, en soi, un élément essentiel du dispositif.

Tout ce travail s'appuie nécessairement sur une relation de confiance.

La loi de 2002 a pour objectif le droit pour chacun d'accéder aux éléments d'un dossier qui le concerne. Elle remet en cause ainsi la toute puissance de savoirs institués. Ce qui est tout à fait respectable.

Pourtant, dans le domaine nécessairement subjectif de la santé mentale et au nom de « la protection de l'usager », cette loi fait basculer le travail thérapeutique vers une relation de méfiance anticipée (Article L.311-5), c'est- à- dire vers une judiciarisation sociale : avant de se parler il faut déterminer le médiateur qui interviendra en cas de conflit !

Le travail d'équipe dans la santé mentale va donc bien au delà de ce que l'on persiste à appeler « pluridisciplinarité », qui consiste à saucissonner des professions pour les additionner en une opération jugée positive, en contre point de ce que certains gestionnaires médicaux appellent « mono-thérapie ».

Chaque Centre comme chaque équipe a une histoire, un style, un mode de positionnement parmi les institutions locales qui lui est propre, même si les CMPP sont réglementés par des textes communs.

Le lien avec les autres structures locales publiques et privées (CMP, Hôpital de jour, clinique, école etc…), existe depuis la création de chaque institution. Il est inscrit dans les textes qui les régissent et restait, jusqu'ici très opérant.

La difficulté actuelle que nous rencontrons n'est donc pas un problème d'articulation ( contrairement à ce que pensent analyser les auteurs du rapport Clery-Melin) mais une question de demande exponentielle et la disparition de systèmes jusqu'ici cohérents.

Cliniquement la différenciation entre « demande et besoin de soins » pour planifier l'offre et la demande » (p10-106) et la redistribuer en redéfinissant des articulations n'est pas possible, injustifiable et source de dérapages incontrôlés.

Plus gravement encore, elle constitue un refus d'entendre et de tenter l'analyse d'un malaise social et identitaire profond qui ne concerne pas seulement le médico-social et la psychiatrie mais interroge une société sur les dysfonctionnements qu'elle génère et son rapport à la folie.

Que dire par exemple au sujet de l'augmentation considérable de la consommation de psychotropes en France, des prescriptions d'anti-dépresseurs pour les enfants ou des demandes systématiques de « ritaline » lorsqu‘un enfant angoissé s'agite et qu'après une émission de télévision, instituteur (trice), médecin généraliste puis parents diagnostiquent une « hyper activité ».

La pharmacologie a de beaux jours devant elle.

Devant ces questions fondamentales, le manque de moyens est avancé par l'état pour « libérer les établissements d'un contrôle à posteriori » (la sémantique est d'une richesse fabuleuse ! autrement dit « débrouillez vous avec ces questions à moindre frais, nous nous continuons nos réformes pour redresser cette France en déclin ! ».

Nos questions , concernant les articulations avec les autres services sont assez simples :

« Que décide t on lorsqu'il n'y a plus de place à l'hôpital pour une urgence ou que le médecin avec qui l'on travaille en confiance depuis des années nous dit qu'il n'est plus en mesure de garantir le suivi thérapeutique parce que les décisions sont désormais prises par l'administration gestionnaire ? »

« Quoi répondre lorsqu'une mère vous dit que sa fille adolescente suicidaire sort de l'Hôpital au bout de 2 jours, sans suivi et sans possibilité de rendez vous, tant en public qu'en libéral avant 3 mois voire plus et que vous savez ceci exact ? ».

Les restructurations technocratiques empêchent de se parler pour élaborer, sans être en concurrence, des solutions face à une pénurie (du moins présentée comme telle) qui semble surtout utilisée pour viser la culpabilité individuelle et la résignation pour obtenir l'acquiescement. (On n'y peut rien c'est inévitable ! »)

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Histoire de pratiques.

Les CMPP ont une sensibilité certaine à l'approche singulière et aux liens extérieurs nécessaires.

La lecture du symptôme d'un enfant dans son environnement et dans son histoire s'inscrit des 1946, avec la création du CMP Claude Bernard dirigé par Georges Mauco avec l'aval du Général De Gaulle qui fait coopérer trois ministères : santé publique, éducation nationale, travail et sécurité sociale. Les actes pluridisciplinaires y sont remboursés. De nombreux psychanalystes y interviennent (dont F. Dolto).

J'emprunte à Catherine Thimmer, psychothérapeute en CMPP dans le Morbihan la citation qui suit (qui date de décembre 1970) de Georges Mauco et qui me paraît significative :

« L'idée des promoteurs en 1945 était d'aider la jeunesse qui avait particulièrement souffert de l'occupation lorsque cette jeunesse ne pouvait pas être aidée médicalement ou pédagogiquement :

Les maîtres disent « tel élève pourrait mieux faire, c'est en vain qu'on lui donne des conseils »

Le médecin porte la même appréciation et ne trouve pas de cause de maladie précise pour expliquer l'origine des troubles de l'enfant.

Les parents ont la même attitude : « on a tout essayé ! ».

L'intéressé lui même, en général, ne peut par un acte de volonté modifier un comportement perturbé ni réduire l'angoisse ou l'agressivité qui l'habite et encore moins réduire ses symptômes(tics, bégaiements etc…).

C'est que la cause du trouble devait être recherché dans l'inconscient, ce qui a l'époque était très révolutionnaire… L'idée était donc de s'attaquer non plus aux symptômes mais à leur cause par une compréhension de l'origine profonde du trouble de l'enfant… »

Cependant, c'est dans les années 1960 que les CMPP se sont vraiment développés avec des missions définies très clairement (contrairement à ce qu'affirme le rapport Clery – Melin qui ne cite les CMPP que 3 fois dans le secteur de la santé infanto – juvénile en écrivant (P49) qu'il faut « clarifier leur mission ») :

Je cite la circulaire n°35bis du 16 Avril 64 : « le souci de la santé mentale de la population exige la mise en place de dispositifs propres à assurer la prophylaxie, le dépistage, le diagnostic et le traitement de certains troubles neuropsychiques et troubles du comportement qui compromettent franchement l'adaptation de l'individu au milieu qui l'environne, ou s'il s'agit d'un enfant, ses chances de bonne insertion dans l'entourage familial, professionnel et social… ».

On peut utilement compléter ce texte par la circulaire du 11 décembre 92 de B. Kouchner

« Les CMPP allient dans le cadre d'actions ambulatoires de prévention et d'intégration des techniques psychothérapeutiques et rééducatives qui prennent en compte l'environnement familial, scolaire et social. Ils accueillent un nombre important d'enfants et d'adolescents relevant du champ d'intervention de la santé mentale( 50 % des demandes) : s'ils occupent une place particulière au sein du dispositif, le fonctionnement de leurs équipes trouve de nombreux points de convergence avec celui des équipes des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile.

Aussi, j'insiste sur la nécessité de faire participer les CMPP plus étroitement à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de santé mentale ».

C'est dans une période si féconde pour la recherche clinique, vers 1970, que les CMPP ont profité de l'apport de psychanalystes Français plus particulièrement orientés vers les enfants et les adolescents, comme F. Dolto, M. Mannoni, MC. Ortigues, C. Chassagny (pour rester dans le médico-social). J'en oublie forcément.

Ceux ci ont, avec d'autres, initiés une recherche clinique vers des troubles aussi complexes que la psychose infantile qui va bien au delà d'une description sémiologique et d'une rééducation comportementale. Cette recherche liée à un travail clinique permanent n'a jamais cessé depuis et fait l'objet de multiples publications que les « experts » de l'INSERM semblent avoir oublié de lire.

Que devient la recherche en psychopathologie ?

Le Plan d'action sépare radicalement, recherche et clinique. Je cite (rapport Cléry- Melin p91) :

« Si la clinique est certainement le lieu d'où se doivent d'émerger les questions de recherche, cette créativité ne constitue pas une recherche dans le sens où l'entendent les instituts de recherche ( ? ?)… cette distance doit être comblée… par un protocole permanent permettant d'y répondre suivant les principes de l'évaluation : groupe de contrôle, hypothèse alternative pour ne nommer que quelques uns ».

Dans les sciences humaines est donc chercheur celui qui est payé par un organisme et expert en évaluation celui qui s'appuie sur ces recherches. La logique est lumineuse.

Je me demande comment Freud, Ferenczi, Winnicott, Dolto et Lacan ont pu exister SANS l'ANAES ?

Que deviennent ainsi plus d'un siècle de recherches cliniques en psychopathologie et en psychanalyse rayés d'un trait de plume ?

La recherche clinique en psychopathologie, faut il le rappeler, implique rigoureusement la subjectivité du clinicien, au plus près des mots employés dans une situation singulière.

Le langage, sous toute ses formes permet de tourner au plus près d'un objet à jamais manquant, différent pour chacun mais condition de son inscription dans les rapports humains.

Pour le chercheur expérimental, le dispositif consiste en une objectivation de données. Le regard et la pensée de l'observateur, ou du concepteur du dispositif, étant considérés comme extérieur au dispositif, c'est à dire « scientifiquement neutre ». Il s'agit de construire l'objet de la recherche et de le vérifier. Les projections et fantasmes du chercheur ne sont pas pris en compte dans l'expérimentation.

Ce qui est problématique ici n'est pas la validité ou la comparaison de ces approches.

N'ayant pas le même objet, elles ne peuvent être comparées. L'une s'intéresse au fonctionnement et à la causalité psychique propre à chacun, l'autre à une rééducation d'un comportement autour de stimulus – réponse, mise en place d'échantillons, groupes contrôles etc… Pourraient elles être complémentaires ?

Tous les débats où tentatives d'études autour de cela sont, à mon sens, très pauvres, voire stériles et peu dignes du statut de recherche nationale qui montre dans beaucoup d'autres domaines une toute autre rigueur. ( cf le dernier rapport de l'INSERM de Février 2004).

On peut très bien concevoir l'intérêt d'une approche comportementale pour permettre à une personne de dépasser un envahissement d'angoisse tel qu'il l'empêche d'entrer dans le champ de la parole, voire de sortir de chez lui. On peut cependant penser ensuite à l'intérêt d'un travail sur le sens du symptôme et sa fonction (son utilité) psychique dans une histoire singulière, ne serait ce que pour éviter des déplacements ou retours parfois désastreux.

On perçoit aussi l'intérêt du comportementalisme dans des campagnes d'éducation comme la sécurité routière.

Il y a peut être un terrain très large utile à ce mode d'approche d'une espèce, de groupes constitués, « d ‘échantillons ». Je ne m'y connais pas.

Scientifiquement, je trouve cependant toujours énigmatique le statut de cet expérimentateur extérieur à son expérience humaine. C'est une question épistémologique. Mais j'oubliais que je ne suis qu'un clinicien, et non conforme à un institut de recherche… !

Lorsqu'une telle approche veut généraliser ses méthodes à une gestion généralisée du psychisme humain cela devient autrement plus inquiétant. D'avantage encore lorsque s'y associe un appel à la délation chez les travailleurs sociaux. Ce type de rationalisation préfigure t-il le retour du pire ?

Normes ISO pour les établissements de soin, tableaux de bord comparatifs, contrôle « qualité », recommandation de « bonnes pratiques » selon des experts auto déclarés, codification des comportements, éviction de la psychopathologie clinique par une nosographie réductrice type DSMIV ou CIM 10 : toute cette ouverture de marché se fait sous caution « scientifique » et au nom de la « protection de l'usager ».

Un usager sans fantasmes, sans histoire, sans culture, avec des troubles et des dysfonctionnements.

Qui peut aujourd'hui accepter de rester dupe ?

Le 23 Avril 2004, une lettre de la DGAS est arrivée dans les établissements Bretons concernant la « mise en place expérimentale des indicateurs médicaux – sociaux ». Elle concerne trois régions Françaises.

Les directions et associations se posent des questions de stratégie « Faut-il ou non collaborer » ?

Nous venons d'écrire à la Direction Régionale pour dire tout simplement NON !

La pétition du comité de vigilance finistérien a recueilli aujourd'hui près de 1200 signatures émanant de plusieurs centaines d'établissements en France (CMPP, IME, IR, Hôpitaux, cliniques, syndicat d'orthophonistes, orthophonistes libéraux, médecins, psychanalystes). Des directeurs administratifs comme des médecins directeurs ou des chefs de secteur infanto -juvénile s'y sont joints. D'autres comités se sont créés dans de nombreux départements.

Nous n'en resterons pas là, il est urgent d'enrayer cette spirale.

Vous aussi pouvez agir de votre côté, avec d'autres collègues, d'autre collectifs et d'abord en soutenant cette pétition à l'adresse internet : vigilancecmpp@yahoo.fr

Ou à l'adresse postale : Comité de vigilance Finistérien, 204 rue de Verdun 29200- BREST

Etienne Rabouin. Psychologue ( Membre du comité de vigilance des CMPP du Finistère).