Le comité de Vigilance des CMPP de l’Ouest depuis un an.

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Le comité de Vigilance des CMPP de l'Ouest depuis un an.

Nous avons multiplié les rencontres et les réflexions auprès des collègues et des institutions sur le plan Régional et National et constitués avec d'autres une coordination Ouest.

Nous avons rencontré des élus et responsables politiques de tous bords. Ces derniers se sont le plus souvent montrés accueillants, attentifs et surpris de nos observations toujours argumentées d'exemples quotidiens, simples et clairs. Chacun s'est montré même concerné.

En sortant, nous nous sentions presque entendus.

Aucun diable n'est sorti d'aucune boîte. Nous avons presque toujours reçu ensuite un petit courrier reprenant l'argumentaire pour le transmettre aux Ministres compétents.

Il s'agissait souvent de la même formulation.

Le discours de M Douste-Blazy du 5 Février qui apparaît comme un étrange revirement, est totalement démenti par la réalité actuelle des décrets. Il intervient à un moment ou une large prise de conscience s'opère et qu'une résistance s'organise.

Ces mobilisations qu'elles soient de corporations « psy » comme les forums ou d'institutions avec les rencontres qu'elles supposent, se rejoignent. Nous pouvons aujourd'hui constater qu'elles ne sont pas sans effets, à l'intérieur des institutions d'abord, ainsi qu'auprès de ceux qui en ont la responsabilité qu'ils soient de droite ou de gauche. Notre travail est loin d'être inutile, il interroge et surtout convoque une position éthique.

Nous pensons qu'il devient urgent de développer le débat en place publique parce qu'il nous paraît déplacé, voir stratégiquement organisé par des logiques de « communication ».

Roland Gori nous a fait le plaisir d'accepter de participer à une table ronde ouverte à tous. Nous y inviterons également l'actuel Ministre de la santé et un autre intervenant, dont le nom n'est pas encore définitivement fixé autour de la question des institutions et le bouleversement actuel de la place du sujet dans le social. Nous relaierons amplement cet événement qui aura lieu le 4 Juin à l'Université Victor Ségalen. Nous en préciserons bientôt les modalités.

Ceci parallèlement m'a poussé à reprendre cet article demandé il y a quelques mois par Laurent Le Vaguerèse pour expliquer le sens et le contexte de la pétition de Janvier 2004.

La donne n'ayant pas fondamentalement changé bien que s'alourdissant de jour en jour (je prends connaissance aujourd'hui du rapport Benisti) j'ai essayé d'aller un peu plus loin pour tenter d'affiner l'analyse d'un mécanisme d'autant plus préoccupant qu'il déloge le sujet presque silencieusement, chacun œuvrant pour son « bien être ». Ceux qui ont déjà lu la première partie peuvent aller à la seconde P.9.

Avec d'autres je me demande comment :

-Repérer la logique de la peur et de la culpabilité comme vecteur d'un pouvoir ?

-Ce qui fait passer du collectif à l'isolement en détruisant un outil clinique fondamental : l'Institution ?

-Faire entendre les constructions de nos pratiques singulières inscrites historiquement dans la nécessité d'une construction sociale cohérente après la guerre contre le Nazisme.

-Maintenir une recherche en psychopathologie qui n'a jamais cessé d'avancer sans accepter de l'enfermer dans des protocoles standardisés vides de sens pour le sujet ?

-Refuser des règlements pervers produits « au nom de la Loi » qui favorisent en retour au mieux des réactions paranoïaques sur le mode du « porter plainte », au pire la déstructuration psychique ou le passage à l'acte… pas seulement du côté du patient !

-Chercher des stratégies collectives et dénoncer les effets de collusion avec une technocratie mortifère « au nom de la rationalisation scientifique et du bien être de l'usager » ?

parce que « le silence des chaussons peut être plus inquiétant que le bruit des bottes. » (D. Mermet)

Vers une « Valorisation » de la santé mentale et la logique du « consentement éclairé ». L'homme ou le rat ?

Etienne Rabouin Psychologue en CMPP à Brest et Morlaix, Psychanalyste et actuel Président du comité de vigilance des CMPP de l'Ouest.30 Janvier 2005.

La peur et la culpabilité comme vecteur du pouvoir.

« Une grande vague…, un raz-de-marée ! ».

C'était bien avant la tragédie des côtes de l'Océan Indien.

Une phrase dite « comme ça » évidemment sans arrière-pensée consciente. C'était en 2004.

À cet instant-là il s'agissait encore d'une « simple » métaphore pour annoncer au CMPP de Morlaix le décret d'octobre relatif à la gestion budgétaire du Médico social appliquant la loi de 2002 dite de « rénovation sociale ».

Aujourd'hui la métaphore prend évidemment un autre poids. Personne même ne s'autoriserait un tel cynisme tant le réel qu'elle tentait de voiler y paraît presque à découvert… et pourtant !

L'expression avait le mérite d'apprécier l'importance du phénomène et surtout, derrière le phénomène, la méthode d'exercice d'un pouvoir : l'injonction par la peur, la soumission naturelle devant l'incontournable « ordre des choses ».

Mais quel rapport y a t il entre un cataclysme naturel comme un tsunami, résultant d'un séisme qui dépasse notre entendement, et cette volonté d'humains pour d'autres humains d'organiser le psychisme selon un modèle de planification et de gestion des comportements ?

Où est le grand écart ? pour certains l'impossible à penser ? le refus délibéré d'annoncer la couleur ? la façon d'introduire l'insécurité suffisante pour produire un réflexe de défense au détriment de l'analyse ?

Le rapprochement conduit à dire dans les deux cas « On n'y peut rien c'est inévitable ! ».

Le développement qui suit concerne la psychanalyse non seulement parce qu'elle traverse et imprègne historiquement la conception institutionnelle des CMPP qui va de pair avec la pratique de la psychanalyse d'enfant, mais aussi parce que le bouleversement qui s'annonce annule la psychopathologie dans son approche structurelle de l'inconscient et sa lecture du symptôme.

Ce bouleversement va bien au-delà d'une querelle de spécialistes, c'est un enjeu humain.

La référence essentielle dans les différents rapports au DSM 4 ou CIM10 comme outils diagnostics et le mode d'évaluation des traitements selon des normes dites « scientifiques » élaborés par l'ANAES et L'INSERM pour définir les « bonnes pratiques » sont incompatibles avec une approche singulière du psychisme telle que toute l'histoire de la psychanalyse et de la psychopathologie nous l'enseigne.

Ce renversement, qui fait passer d'une clinique de l'histoire à une clinique de l'instant, interroge de fait les professionnels, les institutions de soins et la psychanalyse sur le statut politique et social accordé au sujet.

Il n'est pas un simple « changement de programme politique » entre un gouvernement de gauche et un gouvernement de droite c'est une question anthropologique et éthique.

Au moment de l'annonce de ce décret surgissaient dans les médias à une vitesse saisissante, différents amendements et autres rapports pour réorganiser le champ de la santé avec beaucoup de « bon sens, courage, rigueur », le tout en ordre dispersé suffisamment pour s'y perdre.

-Amendement Accoyer puis Mattei puis Giraud pour la normalisation des psychothérapies afin « d'éviter les dérives sectaires »

-Rapport Clery- Melin, Kovess et Pascal pour le « développement » et la « promotion » de la santé mentale qui réorganise le champ institutionnel public et privé avec, pour tout un territoire, un psychiatre coordinateur qui gère, conseille et supervise, éventuellement par téléphone, tous les professionnels (?), en lien avec un CMP RESSOURCE chargé des diagnostics et de l'orientation vers les spécialistes reconnus selon une liste de « bonnes pratiques » établies avec l'ANAES. (propositions 1-04 et 1-05, p16 et 17).

-Rapport Berland concernant le « transfert de tâches et de compétences » déqualifiant les responsabilités médicales pour les remplacer par des professions moins rémunérées et moins formées.

-Rapport de l'Inserm portant sur l'évaluation de trois types de psychothérapies (26 février 2004) qui affirme « scientifiquement » que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont plus « efficaces » que l'approche psychanalytique pour des troubles aussi peu rigoureusement définis que « l'hyperactivité », « la dépression légère », « les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) », termes associés sans discernement à des approches structurelles précises et complexes comme l'autisme et la schizophrénie, le tout globalement référé aux catégorisations américaine du DSM4.

Le rapport Cléry- Melin y ajoute « les Troubles envahissant du développement (TDE) ».

Pour faire un palier dans cette descente aux abysses, je propose un résumé (vérifiable par les textes) de cette organisation précise dont la logique ne semble pas faite pour être lisible.

1-L'INSERM, mandatée par la Direction Générale de la Santé, défini et donne sa caution « scientifique » sur trois approches thérapeutiques évaluations et statistiques à l'appui, en référence au DSM, (LE MONDE 26/02/2004).

2-L'ANAES, « organisme officiel indépendant », défini précisément tous les protocoles (méthodes, contenus, évaluation, transmission et qualité), conditionnant les « bonnes pratiques » et leur nomenclature « description technique de référence, déroulement, durée de la séance, fréquence, durée prévisionnelle du traitement (Cléry – Melin P14) » pour accéder aux meilleurs résultats. Elle se réfère à l'INSERM.

3-LA LOI DE 2002 dite de « rénovation sociale » recentre le dispositif au nom de la « défense des usagers » et conduit à l'obligation « d'évaluer la qualité de prestation au regard des recommandations de « bonnes pratiques » (article L.312-8).

Elle fait basculer la santé du côté du registre du commerce et de la concurrence des prix en y impliquant la répression des fraudes (article 46 de l'annexe 1)

4LE DECRET D'APPLICATION D'OCTOBRE 2003 de la loi verrouille le tout, ferme les enveloppes budgétaires oblige les établissements à constituer des « tableaux de bord » et des « indicateurs » pour permettre des comparaisons des prestations thérapeutiques proposées, selon leur qualité et leur prix (article 32)

5-L'ARH (ou plus tard l'ASR ?) qui concerne actuellement le secteur hospitalier, devient la clé de voûte de la régionalisation sanitaire (projet de loi 877 du 21 Mai 2003) et engloberait le médico-social.

L'ARH selon les « recommandations » de l'ANAES et le label de « bonnes pratiques » défini précédemment, attribue les accréditations tant vers un professionnel libéral (orthophoniste, psychologue, médecin généraliste etc…), une structure privée, une structure gérée par une association, ou un organisme publique. Ces accréditations sont prévues pour 5 ans et reconductibles seulement selon les résultats des évaluations. L'ARH est chargée de planifier la région selon les « besoins » qu'elle définit, en comparant le rapport « qualité – prix » selon les « tableaux de bord et indicateurs » fournis par les établissements.

6- La DDASS, pour l'instant, gère et vérifie les dépenses selon un nouveau critère : « l'ONDAM » apparu en 2003, (Objectif National des Dépenses nationales d'Assurance-maladie) qui aboutit à la notion d'enveloppe fermée et limitative sans reprise des déficits ni possibilité de conserver les excédents (prix de journées ou séances).

Chaque établissement devra donc « se débrouiller » notamment, concernant les indices de GVT (augmentation des salaires), l'application des 35 H ou l'augmentation de son loyer. Ceci infléchit dans les proches années la politique de recrutement et la nécessité de multiplier les contrats à durée déterminée.

De toute façon un « toilettage » du code du travail et des conventions collectives est prévu pour se rapprocher d'un vœu du MEDEF (cf les 44propositions du Medef du 4 Mars 2004) de développer le statut de « travailleur indépendant » avec une négociation « libre et directe » entre l'employeur et le demandeur d'emploi.

(Le terme de liberté n'a jamais autant été employé)

6-Création d'un nouveau marché : Les cabinets d'audit et de « counseling » sont débordés de demande par toutes les directions d'établissements de France qui doivent rentrer dans les démarches « qualité » et sont préoccupées par l'idée de ne pas être assez tôt en bonne position face à un établissement hier complémentaire, demain concurrent.

7- Des milliers de professionnels spécialisés en France sont payés pendant plusieurs journées par an pour rentrer dans les protocoles et redéfinir des pratiques selon le vocabulaire de l'ANAES sans, bien évidemment, faire évoluer le moins du monde le champ thérapeutique. Les cliniciens (de toute profession) ont depuis des années leurs propres systèmes de « supervision » ou « contrôle » autrement plus impliquant (Il est beaucoup plus difficile de parler de ce qui dérange et sur lequel on bute que de cocher une case)

Dans les établissements les administratifs sont débordés par la nouvelle complexité d'une organisation censée simplifier les choses.

8-Le « trou » de la sécurité sociale paie… et ce « trou » nous en sommes responsables !

Ce « nous » si solennel, rassembleur est très précisément ce qui signe la culpabilisation.

Certains ne manqueront pas d'objecter qu'il y a une différence importante entre une loi, les décrets qui l'accompagnent et les projets de loi avec les rapports qui l'anticipent.

Ceci ne changerait rien à l'analyse présente qui se situe globalement entre 1996 et 2004 et dont les grandes lignes directrices ne se trouvent pas démenties.

On peut par conséquent changer de veste ou les noms des auteurs d'un rapport, rien aujourd'hui ne nous invite à d'avantage d'optimisme.

À l'heure actuelle, des orthophonistes à Rennes se sont vues convoquées à la CPAM car elles n'avaient pas répondu aux normes imposées par l'organisme de contrôle. Dans le Finistère le CMP Ressource défini dans le projet « Cléry–Melin » a déjà les crédits nécessaires depuis décembre 2003.Les élus locaux ne sont pas au courant.

D'autre part, fin Avril 2004 la Bretagne, avec deux autres régions est déclarée par la DGAS comme « zone de mise en place de l'expérimentation des indicateurs médicaux-sociaux ». Ceci, bien sûr sans la moindre concertation avec les institutions concernées.

Un deuxième palier serait nécessaire ici pour aller plus loin :

Les textes qui déterminent la politique de santé et la gestion des associations en Europe et encore plus largement dans le monde sur la base de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS).

Aujourd'hui c'est en effet à ce niveau que les décisions se prennent… et qu'il faut intervenir.

Je laisse à plus compétent que moi le soin de développer.

L'institution, un outil clinique fondamental en passe de destruction.

Du collectif à l'isolement.

Il faut resituer l'origine de notre pétition dans la pratique quotidienne d'un CMPP lorsque des parents et des enfants en souffrance viennent nous consulter.

L'intérêt, et parfois le paradoxe, des CMPP est de faire travailler ensemble des professionnels d'horizons divers, d'obédiences variées qui ont appris à s'entendre et se parler.

Secrétaire, comptable, orthophoniste, psychomotricien, psychopédagogue, médecin et autre psychologue sont donc tout autant mêlés à l'affaire, comme les psychanalystes.

Il aura parfois fallu quelques années pour qu'une alchimie se fasse, s'efface, se retrouve autrement, entre tous les intervenants. Ceci n'est jamais partie gagnée et demande un travail d'ajustage permanent (là où certains préfèrent le terme d'évaluation de la qualité).

Elle est pourtant la condition essentielle d'un travail à plusieurs qui ne se décrète pas, comme l'ont montré F. Tosquelles et J. Oury en élaborant la psychothérapie institutionnelle.

L'institution est pour chacun, un outil de travail, un outil clinique et ce depuis des années.

Parfois les institutions aussi souffrent, ce qui rend le travail terne, source de tensions et peu créatif pour les professionnels donc pour les patients.

Ne serait-il pas plus utile de favoriser une analyse des difficultés lorsqu'une équipe s'y sent prête, plutôt que de multiplier les « contrôles qualité » qui isolent les professionnels dans leurs spécialités et enkystent les problèmes, rendant « l'outil » institutionnel inopérant ?

Mais qui s'autorise actuellement à situer les enjeux institutionnels autrement qu'en termes de « ressources humaines » et de « management » ?

Ces termes ont pourtant fait reculer de plus d'un quart de siècle les pratiques concernant le fonctionnement d'un groupe humain.

Les moins dupes savent aujourd'hui qu'un « manager » aux Etats-Unis n'est ni plus ni moins qu'un « chef de rayon » dans une grande surface.

La fonction directoriale et ses responsabilités en ont pris quelques coups, sans pouvoir

en interroger autrement son indispensable position symbolique, aujourd'hui mise à mal !

Il est toujours très étonnant de constater de la part de gestionnaires éclairés qu'il leur semble plus économique de détruire des systèmes et d'en construire d'autres que d'améliorer ceux qui ont fait quelques preuves de leur utilité.

Je ne suis certes pas un gestionnaire éclairé, pourtant je constate que des constructions mal pensées coûtent très cher !

Ce que l'on identifie comme une institution est donc tout autre chose qu'une juxtaposition de techniques et de savoirs supposés se compléter pour faire « un plus ! ».

C'est une construction humaine vivante, c'est-à-dire un groupe d'hommes et de femmes qui s'organisent pour recevoir et en entendre d'autres, autour de quelque chose qui fait symptôme et ne peut se réduire à un confort existentiel. Combien de fois n'entendons-nous pas, après plusieurs entretiens autour d'une demande apparemment bénigne, un drame humain ?

Les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (malgré un nom qui sonne plutôt comme une charge de cavalerie) ont historiquement évolué dans le sens d'un dépassement des juxtapositions vers un travail de plus en plus singulier, en souplesse qui respecte autant que possible les liens transférentiels qui s'établissent, tout en créant des ponts entre les intervenants selon leurs compétences et la position des demandeurs.

Il est impossible en effet de méconnaître dans nos pratiques, l'extrême difficulté qui consiste à parler de soi ou de son enfant en exposant ainsi un narcissisme blessé.

Une multiplicité d'intervenants « spécialisés », non attentifs à cela conduit à une catastrophe humaine.

La mise en place du « CMP Ressource » comme structure intermédiaire supplémentaire l'est tout autant et représente une nouvelle et inutile dépense.

Détruire et reconstruire coûte cher à tout point de vue !

La cure ambulatoire qui se pratique au cas par cas, de façon non standardisée, permet de soutenir un enfant ou adolescent en limite de rupture, au bord d'une décompensation et d'éviter l'exclusion scolaire ou le placement. Le travail thérapeutique ainsi proposé (qu'il passe par le corps, le travail autour des mots, du jeu, en individuel ou en groupe) se pense donc à plusieurs et la dynamique propre de chaque équipe est, en soi, un élément essentiel du dispositif.

Tout ce travail s'appuie nécessairement sur une relation de confiance.

La loi de 2002 a pour objectif le droit pour chacun d'accéder aux éléments d'un dossier qui le concerne. Elle remet en cause ainsi la toute puissance de savoirs institués. Ce qui est tout à fait respectable.

Pourtant, dans le domaine nécessairement subjectif de la santé mentale et au nom de « la protection de l'usager », cette loi fait basculer le travail thérapeutique vers une relation de méfiance anticipée (Article L.311-5), c'est-à-dire vers une judiciarisation sociale : avant de se parler il faut déterminer le médiateur qui interviendra en cas de conflit !

Le travail d'équipe dans la santé mentale va donc bien au-delà de ce que l'on persiste à appeler « pluridisciplinarité », qui consiste à saucissonner des professions pour les additionner en une opération jugée positive, en contre point de ce que certains gestionnaires médicaux appellent « mono-thérapie ».

Chaque Centre comme chaque équipe a une histoire, un style, un mode de positionnement parmi les institutions locales qui lui est propre, même si les CMPP sont réglementés par des textes communs.

Le lien avec les autres structures locales publiques et privées (CMP, Hôpital de jour, clinique, école etc…), existe depuis la création de chaque institution. Il est inscrit dans les textes qui les régissent et restait, jusqu'ici très opérant.

La difficulté actuelle que nous rencontrons n'est donc pas un problème d'articulation

(contrairement à ce que pensent analyser les auteurs du rapport Clery-Melin) mais la disparition de systèmes jusqu'ici cohérents.

Cliniquement la différenciation entre « demande et besoin de soins » pour planifier l'offre et la demande » (p10-106) et la redistribuer en redéfinissant des articulations n'est pas possible, injustifiable et source de dérapages incontrôlés.

Plus gravement encore, elle constitue un refus d'entendre et de tenter l'analyse d'un malaise social et identitaire profond qui ne concerne pas seulement le médico-social et la psychiatrie mais interroge une société sur les dysfonctionnements qu'elle génère et son rapport à la folie.

Que dire par exemple au sujet de l'augmentation considérable de la consommation de psychotropes en France, des prescriptions d'anti-dépresseurs pour les enfants ou des demandes systématiques de « ritaline » lorsqu ‘un enfant angoissé s'agite et qu'après une émission de télévision, instituteur (trice), médecin généraliste puis parents diagnostiquent une « hyperactivité ».

La pharmacologie a de beaux jours devant elle.

Devant ces questions fondamentales, le manque de moyens est avancé par l'état pour « libérer les établissements d'un contrôle a posteriori » (la sémantique est d'une richesse fabuleuse !) autrement dit : « débrouillez-vous avec ces questions à moindre frais, nous nous continuons nos réformes pour redresser cette France en déclin ! ».

Nos questions, concernant les articulations avec les autres services sont assez simples :

« Que décide-t-on lorsqu'il n'y a plus de place à l'hôpital pour une urgence ou que le médecin avec qui l'on travaille en confiance depuis des années nous dit qu'il n'est plus en mesure de garantir le suivi thérapeutique parce que les décisions sont désormais prises par l'administration gestionnaire ? ».

« Que répondre lorsqu'une mère vous dit que sa fille adolescente suicidaire sort de l'Hôpital au bout de 2 jours, sans suivi et sans possibilité de rendez-vous, tant en public qu'en libéral avant 3 mois voire plus et que vous savez que c'est exact ? ».

Les restructurations technocratiques empêchent de se parler pour élaborer, sans être en concurrence, des solutions face à une pénurie (du moins présentée comme telle) qui semble surtout utilisée pour viser la culpabilité individuelle et la résignation pour obtenir l'acquiescement, le fameux « On n'y peut rien c'est inévitable ! »

Histoire de pratiques.

D'un mouvement social issu d'une reconstruction à la reconnaissance du singulier comme condition incontournable du collectif.

Les CMPP ont une sensibilité certaine à l'approche singulière et aux liens extérieurs nécessaires.

La lecture du symptôme d'un enfant dans son environnement et dans son histoire s'inscrit des 1946, avec la création du CMP Claude Bernard dirigé par Georges Mauco avec l'aval du Général De Gaulle qui fait coopérer trois ministères : santé publique, éducation nationale, travail et sécurité sociale. Les actes pluridisciplinaires y sont remboursés. De nombreux psychanalystes y interviennent (dont F. Dolto).

J'emprunte à Catherine Thimmer, psychothérapeute en CMPP dans le Morbihan la citation qui suit (qui date de décembre 1970) de Georges Mauco et qui me paraît significative :

« L'idée des promoteurs en 1945 était d'aider la jeunesse qui avait particulièrement souffert de l'occupation lorsque cette jeunesse ne pouvait pas être aidée médicalement ou pédagogiquement :

Les maîtres disent « tel élève pourrait mieux faire, c'est en vain qu'on lui donne des conseils ».

Le médecin porte la même appréciation et ne trouve pas de cause de maladie précise pour expliquer l'origine des troubles de l'enfant.

Les parents ont la même attitude : « on a tout essayé ! ».

L'intéressé lui-même, en général, ne peut, par un acte de volonté, modifier un comportement perturbé ni réduire l'angoisse ou l'agressivité qui l'habite et encore moins réduire ses symptômes (tics, bégaiements etc).

C'est que la cause du trouble devait être recherchée dans l'inconscient, ce qui a l'époque était très révolutionnaire… L'idée était donc de s'attaquer non plus aux symptômes mais à leur cause par une compréhension de l'origine profonde du trouble de l'enfant… »

Cependant, c'est dans les années 1960 que les CMPP se sont vraiment développés avec des missions définies très clairement (contrairement à ce qu'affirme le rapport Clery – Melin qui ne cite les CMPP que 3 fois dans le secteur de la santé infanto – juvénile en écrivant (P49) qu'il faut « clarifier leur mission ») :

Je cite la circulaire n°35bis du 16 Avril 64 : « le souci de la santé mentale de la population exige la mise en place de dispositifs propres à assurer la prophylaxie, le dépistage, le diagnostic et le traitement de certains troubles neuropsychiques et troubles du comportement qui compromettent franchement l'adaptation de l'individu au milieu qui l'environne, ou s'il s'agit d'un enfant, ses chances de bonne insertion dans l'entourage familial, professionnel et social… ».

On peut utilement compléter ce texte par la circulaire du 11 décembre 92 de B. Kouchner

« Les CMPP allient dans le cadre d'actions ambulatoires de prévention et d'intégration des techniques psychothérapeutiques et rééducatives qui prennent en compte l'environnement familial, scolaire et social. Ils accueillent un nombre important d'enfants et d'adolescents relevant du champ d'intervention de la santé mentale (50 % des demandes) : s'ils occupent une place particulière au sein du dispositif, le fonctionnement de leurs équipes trouve de nombreux points de convergence avec celui des équipes des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile.

Aussi, j'insiste sur la nécessité de faire participer les CMPP plus étroitement à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de santé mentale ».

C'est dans une période si féconde pour la recherche clinique vers1970 que les CMPP ont profité de l'apport de psychanalystes Français plus particulièrement orientés vers les enfants et les adolescents comme F. Dolto, M. Mannoni, MC. Ortigues, C. Chassagny (pour rester dans le médico-social). J'en oublie forcément.

Ceux-ci ont avec d'autres, initier une recherche clinique vers des troubles aussi complexes que la psychose infantile qui va bien au-delà d'une description sémiologique et d'une rééducation comportementale. Cette recherche liée à un travail clinique permanent n'a jamais cessé depuis et fait l'objet de multiples publications que les « experts » de l'INSERM semblent avoir oublié de lire

La recherche en psychopathologie

De l'écoute analytique singulière aux protocoles standardisés ?

Le Plan d'action sépare radicalement, recherche et clinique. Je cite (rapport Cléry- Melin p. 91) :

« Si la clinique est certainement le lieu d'où se doivent d'émerger les questions de recherche, cette créativité ne constitue pas une recherche dans le sens où l'entendent les instituts de recherche (?) cette distance doit être comblée… par un protocole permanent permettant d'y répondre suivant les principes de l'évaluation : groupe de contrôle, hypothèse alternative pour ne nommer que quelques uns ».

Dans les sciences humaines est donc chercheur celui qui est payé par un organisme et expert en évaluation, celui qui s'appuie sur ces recherches. La logique est lumineuse.

Je me demande comment Freud, Ferenczi, Winnicott, Dolto et Lacan ont pu exister SANS l'ANAES ?

Que deviennent ainsi plus d'un siècle de recherches cliniques en psychopathologie et en psychanalyse rayées d'un trait de plume ?

La recherche clinique en psychopathologie, faut-il le rappeler, implique rigoureusement la subjectivité du clinicien, au plus près des mots employés dans une situation singulière.

Le langage, sous toutes ses formes permet de tourner au plus près d'un objet à jamais manquant, différent pour chacun mais condition de son inscription dans les rapports humains.

Pour le chercheur expérimental, le dispositif consiste en une objectivation de données. Le regard et la pensée de l'observateur, ou du concepteur du dispositif, étant considérés comme extérieur au dispositif, c'est-à-dire « scientifiquement neutre ». Il s'agit de construire l'objet de la recherche et de le vérifier. Les projections et fantasmes du chercheur ne sont pas pris en compte dans l'expérimentation.

Ce qui est problématique ici n'est pas la validité ou la comparaison de ces approches.

N'ayant pas le même objet, elles ne peuvent être comparées. L'une s'intéresse au fonctionnement et à la causalité psychique propre à chacun, l'autre à une rééducation d'un comportement autour de stimulus – réponse, mise en place d'échantillons, groupes contrôles etc… Pourraient-elles être complémentaires ?

Tous les débats où tentatives d'études autour de cela sont à mon sens, très pauvres, voire stériles et peu dignes du statut de recherche nationale qui montre dans beaucoup d'autres domaines une tout autre rigueur. (cf le dernier rapport de l'INSERM de Février 2004).

On peut très bien concevoir l'intérêt d'une approche comportementale pour permettre à une personne de dépasser un envahissement d'angoisse tel qu'il l'empêche d'entrer dans le champ de la parole, voir de sortir de chez lui. On peut cependant penser ensuite à l'intérêt d'un travail sur le sens du symptôme et sa fonction (son utilité) psychique dans une histoire singulière, ne serait-ce que pour éviter des déplacements ou retours parfois désastreux.

On perçoit aussi l'intérêt du comportementalisme dans des campagnes d'éducation comme la sécurité routière.

Il y a peut-être un terrain très large utile à ce mode d'approche d'une espèce, de groupes constitués, « d ‘échantillons ». Je ne m'y connais pas.

Scientifiquement, je trouve cependant toujours énigmatique le statut de cet expérimentateur extérieur à son expérience humaine. C'est une question épistémologique. Mais j'oubliais que je ne suis qu'un clinicien, et non conforme à un institut de recherche… !

Lorsqu'une telle approche veut généraliser ses méthodes à une gestion généralisée du psychisme humain cela devient autrement plus inquiétant. D'avantage encore lorsque s'y associe un appel à la délation chez les travailleurs sociaux. Ce type de rationalisation préfigure t-il le retour du pire ?

Normes ISO pour les établissements de soin, tableaux de bord comparatifs, contrôle « qualité », recommandation de « bonnes pratiques » selon des experts auto-déclarés, codification des comportements, éviction de la psychopathologie clinique par une nosographie réductrice type DSMIV ou CIM 10 : toute cette ouverture de marché se fait sous caution « scientifique » et au nom de la « protection de l'usager ».

Combien coûte une névrose obsessionnelle, une psychose ? Le diagnostique paraît urgent, il s‘agirait d'une question de gestion.

Laisser une place au doute, une place vide pour penser autrement, entendre et voir hors savoir institué (rôle de la recherche clinique), garder le temps nécessaire pour déconstruire les identifications, repérer les modes de construction de la petite enfance, les identifications primaires et les points d'ancrage ou de désarrimage du Narcissisme ? Prendre la texture du temps subjectif d'un sujet qui n'est JAMAIS modelé sur les données informatiques de la sécurité sociale… Est-ce encore possible ?

« Dites-moi immédiatement si mon fils est psychotique… »

Ne pas vouloir ou pouvoir répondre à cela relève aujourd'hui soit de l'incompétence soit de la rétention d'information. Il faut (faux ?) tout dire à l'usager qui est « en droit » de l'exiger, au risque de sa mort psychique mais qu'importe puisque le professionnel est en règle.

Si vous dites à un patient que vous ne savez pas, il ira voir ailleurs en multipliant les consultations « spécialisées » pour tenter de combler son angoisse dans une véritable addiction consultative.

Les « centres de références », récemment financés et implantés en sont un exemple clinique parfaitement illustratif… et peu économes de bilans en tout genre !

Nous pouvons déjà constater les dégâts : la relation transférentielle avec le thérapeute, nécessairement en confiance, est soumise désormais au contrôle du « super-spécialiste » qui gère le département (le centre de référence local), attribue des satisfecit ou conseille d'avantage de séances voir quelques bilans complémentaires en neuro-psychologie… au cas où !

L'angoisse et les résistances à l'analyse flambent ; Il paraît que c'est pour raison d'économie.

Les effets des règlements pervers « au nom de la Loi ».

En réponse la logique paranoïaque, la déstructuration psychique ou le passage à l'acte.

La loi de 2002 veut mettre « l'usager au cœur du système » et le protéger de la toute puissance des savoirs scientifiques en lui reconnaissant ses droits.

Noble cause humanitaire et vraie question éthique.

Cependant quel est l'envers du décor ?

À soumettre les professionnels à l'injonction de produire un discours d'apparence Scientifique et de l'énoncer au nom du droit de l'usager, on dépossède du même coup ce dernier de son savoir inconscient. Autrement dit de tout ce qu'il a à nous apprendre lorsqu'il nous parle librement… De ce qu'il nous apprend et de ce qui dérange. On le dé-subjective.

On réifie un « discours scientifique » (en fait protocolaire) du côté du professionnel tout en prétendant en protéger l'usager grâce à « son » droit. Du même coup, on lui vole sa propre vérité (on l'annule) avec son consentement contractuel.

Faut-il rappeler que de tout temps la vérité inconsciente (le désir, le fantasme, l'imprévisible du sexuel, l'idée de la mort…) dérange les normes sociales et ne peut s'y résoudre.

Il y a si peu on brûlait les sorcières. Seule la psychanalyse a reconnu en leurs paroles et leurs maux une valeur de vérité, au sens de la vérité du sujet de l'inconscient. De ce fait elle reconnaissait un statut scientifique au symptôme en lui prêtant une oreille attentive et subjective mais analytique et non caritative.

Il fallut Charcot puis Freud et à leur suite, presque à la même époque et différemment, Saussure et Lacan pour repérer cliniquement qu'il y a dans tout discours une construction extrêmement organisée et toujours singulière qui préfigure le symptôme et peut l'inscrire dans le corps. Encore faut-il apprendre à l'écouter analytiquement, ce qui suppose une formation adéquate : être passé soi-même par une demande d'analyse et convoquer son inconscient.

Ce travail et cette formation, qui ne peuvent être que continues sont forcément en deçà des effets didactiques souhaités, sans assurance préalable de les obtenir et toujours dans un effet d'après coup.

C'est dans l'acceptation de ce risque et de ce travail que se loge l'éthique du clinicien.

En ce sens la formation analytique personnelle indissociable d'une position clinique en psychopathologie la différencie fondamentalement d'un cursus Universitaire qui vise la recherche d'une validation par un diplôme qui peut, par ailleurs être très utilement complémentaire mais garantie seulement… de la capacité à le passer.

Un diplôme de médecine, voir de psychiatrie ou de psychologie n'offre en aucun cas, en soi, la compétence à écouter analytiquement quelqu'un. Il permet par contre une mise en perspective et la référence à des savoirs historiquement et socialement constitués… et d'y contribuer, ce qui est fondamentalement nécessaire à une société démocratique.

Dans ce contexte de très grande confusion des registres de compétence, de formation et de validation de titres, le débat concernant la légalisation d'un statut de psychothérapeute (amendement Accoyer puis Mattei puis Giraud « pour éviter les charlatans et les dérives sectaires ») a surtout servi certainement « en toute bonne conscience », a détourné l'attention du grand public, c'est-à-dire de l'ensemble de la population, d'une tout autre question qui la touche de plein fouet.

Ainsi pendant ce temps, est venu aux oreilles des médias le statut du psychothérapeute qui passe pour une affaire interne de spécialistes nantis. Au plus aujourd'hui vient émerger le bruit d'un microcosme de salons Parisiens ou une énième querelle d'école dans le « Landerneau » des psys et tout le monde s'en moque : la plupart des professionnels de tous les secteurs sont estampillés depuis longtemps…

Mais que se passe t il si l'on déplace l'oreille d'un quart de tour vers le patient ?

Si l'on s'intéresse non plus au « thérapeute » mais à la parole de n'importe lequel d'entre nous ou de nos proches ?

Ce léger déplacement change tout !

Pourquoi l'Etat se prétend-il aujourd'hui aussi concerné par notre intimité fut-elle souffrante pour raison de sécurité alors que des lois existent déjà contre les sectes ?

Pourquoi quelques mois plus tard faudrait-il transformer le secret professionnel en « secret partagé » (rapport Benisti de Novembre 2004).

Il ne s'agit plus d'une question qui relève d'un débat surréaliste au sujet d'un statut qui n'existe pas, mais de l'éviction d'un enjeu social fondamental qui concerne toute la population.

Récemment, Élisabeth Roudinesco dans son livre « Le patient, le thérapeute et l'Etat » puis Roland Gori et Marie José Del Volgo dans leur essai « La santé totalitaire- essai sur la médicalisation de l'existence » développent amplement des analyses avec de nombreuses mises en perspective historiques qui vont, me semble-t-il dans le sens de ces propos.

À fétichiser le savoir par des organismes de certifications selon les normes « iso 9000 » et auto validées comme l'ANAES, on bâillonne tout simplement le sujet dans ses propres revendications et on le contractualise.

On renvoie « l'usager qui voudrait encore rester sujet » vers le juriste de service qui comme tous les autres professionnels et tels des poupées gigognes « ouvrent le parapluie ».

Pour faire court, comme on le ferait d'un garrot, on s'arrange pour qu'il s'étrangle !

De ce fait on se prive scientifiquement de l'outil le plus indispensable à la compréhension du symptôme : son dire !

Sur ce point on lira aussi avec un grand intérêt l'entretien entre Jacques -Alain Miller et Jean -Claude Milner dans l'ouvrage « Voulez vous êtres évalués ? », notamment le passage des professionnels par des protocoles obligatoires et les conséquences de ce processus (concept de la black box).

On notera aussi comme autre effet entre le patient et le thérapeute, la transformation d'une parole référée à une Loi dont la symbolique est toujours à chercher, à une parole référée à l'application d'un contrat (type « Darty : satisfait ou remboursé ! »).

Dès lors l'application de la loi 2002 sur les « contrôles qualité et les bonnes pratiques », le nouveau plan de santé mentale, le rapport de l'INSERM et parmi d'autres, les débats sur une validation légale d'un statut de Psychothérapeute se rejoignent.

Il s'agit de standardiser des comportements humains au prix de l'élimination du sujet !

L'enjeu est autrement dramatique.

Reviendrait-on avec les « charlatans » au temps des bûchers ?

Non. La barbarie d'aujourd'hui peut aussi revêtir d'autres aspects plus subtils, une forme d'humanisme mais sans les traits du bourreau. Sans sa symbolique non plus. Il n'y a pas de responsables, juste un système et « l'ordre des choses ».

Nous sommes déjà depuis quelques temps dans l'idéologie du « zéro mort », aux traces « sales » on préfère la traçabilité et des victimes au « consentement éclairé » (c'est le terme que nous signons avant toute intervention médicale) » donc pas de coupables.

Cette organisation Hygiéniste, dans une idéologie de la transparence qui ne voile plus le voyeurisme le plus cru- en particulier de la bêtise, au-delà du sexuel- est d'une violence inouïe. D'autant plus lorsqu ‘elle développe un discours au nom « du Bien ».

Cette organisation évidemment échoue. On le constate aux Etats-Unis et au Canada. Elle suscite en retour une violence à la même démesure. (hors refoulement) qui ne peut qu'exister que dans l'horreur du spectaculaire.

Cette logique de transparence, au nom de la ratio-nalisation et le voyeurisme qui l'accompagne devient, sans paradoxe et en même temps, le point aveugle de notre civilisation et son impensé.

Il est donc tout aussi logique que ce soit par ce point que l'on cherche à l'atteindre.

La forme prise par un grand nombre d'attentats, dont la « castration réalisée » des « Twin Towers » peut y faire penser, certaines exécutions d'otages filmées et retransmises aussi.

On répare l'usager, on l'organise, on relève ses indices de satisfaction (qualité oblige) Ainsi repus et comblé pour un temps. Il se tait.

Le concept d'usager dans le champ de la souffrance psychique relève du meurtre propre, du gavage sucré, de l'obèse engraissé puis rendu coupable de son obésité et qu'il faudrait faire maigrir sans un cri, sans une parole à écouter… C'est une logique de la perversion.

Mais voilà, l'inconscient lui, insiste, cherche une voie de passage parfois désespérément.

Que reste-t-il, comme voie autre que le symptôme pour faire entendre une souffrance et se défendre contre une agression invisible ? comment et où se plaindre pour être enfin entendu. ?

La réponse est presque évidente et cliniquement déjà observable au mot à mot depuis plusieurs années : PORTER PLAINTE.

Et dans les textes tout est déjà prévu. Dans les livrets d'accueils des établissements, conformément à la loi de 2002 le médiateur doit être nommé en cas de conflit dès les premiers entretiens.

On passe ainsi de la perversion d'un système à d'autres logiques de défense rigidifiées (celle de la paranoïa en est une dans le meilleur des cas) ou à leur déstructuration (Clochardisation, passage à l'acte).

Jeux de mots ? certainement et non sans conséquences : demandez aux médecins libéraux et hospitaliers l'augmentation phénoménale du montant de leurs assurances en « Défense – Recours » et interrogez-les sur la judiciarisation des pratiques.

Récemment un député de Landerneau, médecin de son métier nous disait que depuis longtemps il travaillait avec l'image d'un avocat derrière la porte. Ce n'était qu'un constat.

Même si l'« on est dans un système » Il est cependant toujours utile de se demander à qui vont les bénéfices. Ils sont nombreux.

L'« usager » aujourd'hui est un sujet sans fantasmes, sans histoire, sans culture, avec des troubles et des dysfonctionnements. Un usager que l'on trie selon son coût.

Il convient par souci de gestion, d'avoir une image des flux des consommateurs de soins, de séparer l'utile et l'inutile, le besoin et l'accessoire (« les bleus de l'âme » comme le disait si joliment M Accoyer).

ont créé des tableaux de bord » et des « contrôles radar » dans les établissements. Pour faire dans une poétique voyageuse et une pédagogie à deux sous il s'agit de « s'imaginer à la barre d'un navire pour mesurer les écarts de barre raisonnés et raisonnables ». Je n'invente rien ! (Cf les tableaux expérimentaux de la DRASS envoyés en Bretagne en Avril 2004).

On normalise les institutions, fait taire les différences et les originalités de recherche clinique au nom de la MAITRISE budgétaire.

En clair et pour sortir de ces discours infantiles il s'agit à terme, de pouvoir paramétrer ce qui crée du déficit à la fois en ce qui concerne le soin et d'estimer le coût du risque social

Mais où est le terme du tri, la dernière gare ?

Le passage à l'acte fou, un autre procès d'Outreau, la prison (déjà amplement surchargée de cas psychiatriques), le suicide (en augmentation notable), la clochardisation… ?

Quel sera le prix de ce silence, de cette objectivation des mots, de ce refus d'entendre sous couvert du droit, de la « vérité scientifique » saupoudrés d'attention bienveillante pour « l'usager consommateur » ?

Toute statistique se fait en mesurant un écart à la moyenne. Cela constitue une courbe, une trace.

Le spectre serait il l'ultime représentation de ce qui reste d'un sujet parlant ?

Questions de stratégies

Qui peut aujourd'hui accepter de rester dupe ?

Le 23 Avril 2004, une lettre de la DGAS est arrivée dans les établissements Bretons concernant la « mise en place expérimentale des indicateurs médicaux – sociaux ». Elle concerne trois régions françaises. Evidemment sans même l'avis des professionnels concernés.

Les directions et associations se posent des questions de stratégie « Faut-il ou non collaborer » ?

Nous venons d'écrire à la Direction Régionale pour dire tout simplement NON !

La pétition du comité de vigilance finistérien a recueilli aujourd'hui près de 2000 signatures émanant de plusieurs centaines d'établissements en France (CMPP, IME, IR, Hôpitaux, cliniques, syndicat d'orthophonistes, orthophonistes libéraux, médecins, psychanalystes). Des directeurs administratifs comme des médecins directeurs ou des chefs de secteur infanto -juvénile s'y sont joints. D'autres comités se sont créés dans de nombreux départements.

Nous n'en resterons pas là, il est urgent d'enrayer cette spirale.

Vous aussi pouvez agir de votre côté, avec d'autres collègues en créant d'autres collectifs et en soutenant la pétition à l'adresse internet : vigilancecmpp@yahoo.fr.Vous pouvez aussi adhérer pour la somme de 10 euros au Comité de vigilance des CMPP de l'Ouest, 204 rue de Verdun 29200- BREST. Un reçu vous sera envoyé.