Place du mythe et du complexe d’Œdipe à partir de la conception de la psychanalyse de Nicolas Abraham et de Maria Torok

Maria Torok
Nicolas Abraham

Place du mythe et du complexe d’Œdipe à partir de la conception de la psychanalyse de Nicolas Abraham et de Maria Torok

Préambule

La psychanalyse est d’abord la découverte que les symptômes psychiques manifestes , mais aussi les rêves, les ratés des activités de la vie quotidienne et les mots d’esprit ont un sens qui peut être découvert grâce à la méthode psychanalytique qui propose au patient d’associer librement et tient compte des manifestations transférentielles du patient ainsi que de la résonance qu’elles induisent chez l’analyste.

A partir de là, des résultats cliniques se sont accumulés qui ont conduit à des élaborations théoriques successives chez Freud. Le choix d’une version du mythe grec d’Œdipe – celle reprise dans l’Œdipe-Roi de Sophocle- pour établir un « complexe d’Œdipe » est un choix théorique de Freud que la clinique n’imposait pas. Freud l’a justifié comme étant le résultat de son auto-analyse mais on sait aussi son intérêt antérieur pour l’antiquité égyptienne, grecque et romaine. Le choix d’un mythe d’une civilisation disparue permettait au demeurant d’éviter les conflits que n’aurait pas manqué de susciter le choix d’un élément d’une des religions ou des philosophies existantes de son temps. Enfin, le choix du héros aux pieds blessés a fait évoquer à Maria Torok la crypte freudienne où gisait l’histoire de l’oncle Joseph condamné à la prison renforcée qui comportait le port de fers aux pieds.

L’ Œdipe chez Maria Torok et Nicolas Abraham

Dès les débuts de son œuvre, Maria Torok

Torok M. (2002). Une vie avec la psychanalyse, inédits et introuvables présentés par N.Rand, Paris, Aubier

(1959) a dégagé une conception des fantasmes qu'elle a précisée par la suite. Pour elle , les fantasmes sont de deux sortes : les fantasmes qui constituent l'anticipation d'une satisfaction à venir ; les fantasmes qui constituent un écran mensonger pour se défendre d'une réalité traumatique amère, qui ne peut être élaborée psychiquement (introjectée). La distinction entre fantasme et réalité traumatique est exemplifiée à propos du rapt d'enfant : quand le journal annonce l'enlèvement d'un enfant, parents et enfants sont angoissés ; par contre, quand un enfant fantasme être enlevé par les bohémiens, il s'imagine vivant une aventure et son désir caché est d'être libre par rapport à ses parents sans avoir à en prendre personnellement la responsabilité. En 1966, Torok fera une conférence intitulée « Réflexions sur le "conflit oedipien " » dont elle critiquera plus tard, dans une note manuscrite, le caractère de compromis peu satisfaisant dans le mesure où la fidélité à la pensée et à la terminologie freudiennes s'accordaient mal avec la nécessité ressentie de les infléchir. Le problème de l'enfant est de gagner son autonomie par rapport à sa mère. Sur ce chemin, la découverte du plaisir masturbatoire est la découverte d'un plaisir qu'il n'a pas connu avec la mère et qu'il peut se procurer seul : il ne s'agit pas pour lui d'un désir de relation sexuelle avec la mère, mais de lui faire reconnaître et de lui offrir ce qu'il vient de découvrir. Si sa découverte est bien accueillie, il peut progresser tranquillement . L'interdiction de la masturbation, assortie de menaces, joue un rôle néfaste. Il en est de même de l'absence de réponses convenables aux questions que l'enfant se pose au même âge. La séduction sexuelle par l'adulte, outre les souffrances qui peuvent l'accompagner, fait perdre à l'enfant son autonomie sexuelle en voie d'être acquise.

Dans la conception de Nicolas Abraham

Abraham N. et Torok M. (1978) . L'écorce et le Noyau, Paris, Aubier-Flammarion

, la conscience est l'organe de l'Enveloppe et elle s'enracine dans le Noyau inconscient de la vie psychique. Dans les rapports qu'entretiennent les deux pôles, il y aurait des formes typiques parmi lesquelles Freud a privilégié le Complexe d'Œdipe. Avoir choisi le nom d'un mythe impose de se demander ce qu'il en est de la structure et de la fonction du mythe. Pour N.Abraham, le mythe vivant a une fonction sociale commandant la réalisation de rites qui organisent et maintiennent une situation. Son contenu manifeste est un agent de refoulement qui permet un retour symbolique d'un refoulé. A plus forte raison, prendre le mythe comme exemplaire de la situation psychique expose à confondre la théorie du psychisme (ou métapsychologie) avec les scénarios imaginaires qui se jouent de manière intermédiaire dans les relations complexes entre l'Ecorce et le Noyau. Pour Abraham, l'oedipe, la scène primitive et la castration sont des histoires que l'enfant se raconte conformément aux codes culturels en vigueur et qui masquent ce  dont il est véritablement question. En fait le discours mensonger de l'enfant, garçon ou fille, s'adresse à la mère dont il pressent la nécessité de se séparer , en lui proclamant son attachement. L’inceste n’est pas une satisfaction naturellement recherchée et , à un âge où il est impraticable, l’interdit vise en réalité le penchant maternel à prolonger le plaisir lié au maternement. Le problème anthropologique, c'est que tout humain sort d'une Enveloppe maternelle dont il s'approprie peu à peu les fonctions et, ensuite, s'engage dans l'appropriation du social (où le père joue un rôle particulier) pour se constituer une enveloppe sexuée. La version freudienne de l'oedipe correspond à l'âge où l'enfant a fait un premier tour de la question mais en donne une vision particulière .

L’Œdipe-Roi de Sophocle est précisément un ex-enfant auquel on a tu la vérité sur ses origines. Lorsque sa filiation adoptive est mise en doute, ses parents le laissent sans réponse. Œdipe- pied enflé- et aussi -celui qui sait répondre aux énigmes-, ne sait pas que l’énigme le concerne et il reste dans l’ambiguïté car il ne peut faire de lien entre ses pieds et son histoire. Le mythe soulève la question de la curiosité et de la connaissance. Il montre aussi la responsabilité du crime paternel que la colère des dieux fait retomber sur le fils. Œdipe est victime à la fois du crime de son père et de la sottise de ses parents adoptifs. La version freudienne méconnaît la plus grande partie de l’histoire et inverse les responsabilités. Freud va réaliser la même opération biaisée quand il examinera l’Hamlet de Shakespeare, méconnaissant les conflits des hommes de pouvoir et le rôle de la mère d’Hamlet. On peut soutenir avec Lacan « qu’Hamlet n’est pas animé par un désir pour sa mère mais qu’il est confronté au désir de sa mère », durement . Hamlet est sous le coup d’un Trauma majeur : le deuil d’un père disparu tragiquement. Mais il est surtout, comme Nicolas Abraham nous l’a appris, hanté par le Fantôme que constituent les secrets de sa famille et de son entourage qui ont précédé sa naissance.

Si l’on replace l’Œdipe dans la psychanalyse, avec ses différentes versions psychanalytiques, comme une série de modalités de construction fantasmatique que chacun peut se faire de la destinée humaine, il peut intervenir plus ou moins dans le travail des cures. Le mérite de la version freudienne, c’est de mettre l’accent sur la responsabilité de l’enfant, et donc du patient, dans ses mouvements d’amour et de haine et dans l’ambivalence de ses sentiments vis à vis des deux parents, des frères et soeurs et des deux sexes. Son défaut majeur est d’en faire une version exclusive méconnaissant ce que l’enfant dépendant a pu subir du fait des adultes dont il dépendait et des circonstances naturelles et sociales qui ont pu compromettre son accès à l’autonomie physique et psychique qui est supposée acquise au moment de l’Œdipe freudien où il est question des désirs personnels conscients et inconscients d’un être autonome. Par ailleurs cette version se prête particulièrement à ce que l’on oublie le caractère inconscient d’une grande partie de la vie psychique et que l’on conçoive sur un plan réaliste, interpersonnel, des affects qui se jouent par rapport aux images internes inconscientes de soi, de père et de mère qui se sont construites dans l’interrelation avec leurs représentants externes au cours des premières années

En ce sens, la version du complexe d’Oedipe de Mélanie Klein nous protège contre l’oubli de l’inconscient dans la mesure où la triangulation oedipienne est présente d’emblée avec une image interne de la mère porteuse du père en elle, image qui est un produit complexe des dispositions de l’enfant avec les attitudes de la mère et de l’environnement. Mouvements sexuels imaginaires vis à vis des deux parents existent pour elle très tôt chez les enfants des deux sexes. Son deuxième avantage est de différencier l’évolution psychologique du garçon de celle de la fille. Son troisième avantage est d’éviter de rendre les parents responsables de la psychopathologie de l’enfant. Son défaut principal est le risque de mettre l’ accent exclusif sur les fantasmes de l’enfant et de négliger ses expériences de vie effectives et la problématique du trauma en particulier ceux qui interviennent au-delà des premières années de la vie. Tout se passe comme si pour introduire ses découvertes, elle avait dû garder de Freud sa théorie des pulsions et l’accent principal sur la vie fantasmatique bien qu’elle ait parlé de l’interaction entre les facteurs internes à l’enfant et ceux provenant de l’entourage. A mon sens, elle n’a pas eu la possibilité de reprendre sa conception à partir de son élaboration finale de la position dépressive. Dans son texte sur l’Œdipe kleinien, Monique Lauret éclaire bien les liens que l’on peut faire entre l’0edipe kleinien et la position de Lacan.

La position de Nicolas Abraham et de Maria Torok nous met d’emblée, comme Mélanie Klein, à l’intérieur du psychisme complexe du bébé. Le point de départ de la vie psychique s’opère dans une forme originaire de la symbolisation. L’arché-symbole suppose une pulsation fusion-défusion symbolique entre les premières inscriptions de soi et les premières inscriptions de l’autre maternel . Il y a donc à la fois une temporalité de l’alternance et deux lieux d’inscription cérébrale. C’est le temps de l’angoisse originaire, qui n’est pas ce que nous appelons cliniquement l’angoisse, mais plutôt les terreurs sans nom de Bion, l’effondrement de Winnicott ou l’angoisse d’anéantissement. Cela correspond aussi à la « castration originaire » d’autres auteurs où ce qui menace , c’est l’anéantissement, l’extinction de toute excitation physique et psychique. Son existence est fondée sur l’incapacité motrice du nourrisson humain qui, à la différence de nos cousin les grands singes, n’a pas la possibilité de se cramponner activement à sa mère et se trouve donc dans une détresse sans remède à défaut d’une aide extérieure adaptée.

A partir de là, on peut considérer que l’angoisse est inhérente à la condition humaine. Chaque fois que notre libido- notre capacité d’aimer, de s’intéresser et de créer- ne trouve pas suffisamment d’occasion de s’élaborer intérieurement et de trouver des possibilités de réalisation extérieure, l’angoisse surgit, témoignant que nous sommes en vie mais en danger réel- si les circonstances nous réduisent à l’isolement- ou imaginaire – si ce sont les capacités psychiques qui nous font défaut pour dépasser un obstacle. Nous sommes alors renvoyés aux trois modes de défense primaires décrits par Mélanie Klein : la dépression, la persécution ou la défense maniaque.

Dans des conditions favorables, dès la fin du premier semestre, le bébé dispose d’une image interne de soi et d’une image de sa mère stabilisées qui lui permettent de maintenir sa vie psychique en l’absence de sa mère et de garder son sentiment de sécurité pendant un certain temps dans la solitude. On est passé de l’angoisse d’anéantissement à l’angoisse de la séparation. Ce passage s’opère lui-même dans l’angoisse d’esseulement liée à l’intervention de l’Autre de la mère qui arrache l’enfant à la mère entraînant un vécu persécutif de l’enfant. Quand l’absence du partenaire extérieur se prolonge et vient ébranler l’image de l’Autre à l’intérieur de soi et, secondairement, la possibilité de maintenir son image de soi, l’angoisse dépressive se manifeste. Sur le plan intérieur, intrapsychique, elle vise à reconstituer l’unité duelle entre le Moi et le Çà-mère mais, en même temps, il ne faut pas que cette unité s’accomplisse car elle entraînerait la destruction de la topique qui venait d’être instituée de sorte que l’angoissé dépressif se cramponne à la mère intérieure tout en la suppliant de garder le décramponnement institué et la relation avec le Tiers déjà installée. L’angoisse comporte toujours un mouvement de recul devant le danger et de fuite vers l’objet protecteur. Serge Tisseron a précisé l’assomption complète de la position dépressive : le bébé en l’absence de sa mère est un peu triste mais garde une image de sa mère attristée d’être séparée de lui et porteuse d’une image de son bébé attristé d’être séparé d’elle. Si la première partie de l’opération est le plus souvent acquise, dans des conditions défavorables , il est difficile que le bébé perçoive sa mère préoccupée de sa tristesse à lui alors qu’il la sent pleine de préoccupations qui lui échappent.

Bien que le bébé ait déjà une préconception des deux sexes et de leur relation, l’ enfant a à s’installer dans le monde avec son propre sexe, à l’exclusion de l’autre qu’il ne possède pas, avec ce qui lui est possible et ce qui lui manque ainsi que la mortalité commune. Juliette Favez-Boutonnier a donné un article sur l’Œdipe qui éclaire bien ce dont il est question. Pour elle , il s’agit pour l’enfant des deux sexes d’une quadruple opération : il est amené à éprouver de l’amour et de l’hostilité à l’égard de ses deux parents, c’est l’ambivalence névrotique des sentiments dans le cadre de laquelle il est souhaitable que l’amour l’emporte habituellement sur l’hostilité . Le désir de meurtre de parents aimés qui est le deuxième pôle de l’Oedipe freudien vise davantage à être débarrassé de certains interdits parentaux  qu’ à se débarrasser du parent de même sexe pour prendre sa place: l’enfant en colère désire voir le parent au diable mais il ne souhaite nullement sa disparition effective dont la représentation l’angoisse follement. il est amené à s’identifier tour à tour à ses deux parents même s’il est souhaitable socialement que l’identification au parent de même sexe que lui soit dominante. Il en résulte que tout un chacun est porteur d’une part d’homosexualité affective. L’orientation homosexuelle dominante ou exclusive de la vie sexuelle obéit à des déterminations plus complexes à analyser dans chaque cas. On a par ailleurs remarqué depuis longtemps que les identifications étaient souvent croisées : le fils qui s’identifie sexuellement à son père ayant souvent un caractère plus proche de celui de sa mère et réciproquement pour la fille. Avant l’âge adulte, avec le tournant de l’adolescence prolongé dans les sociétés de type occidental, les limites ad hoc, posées par les parents et par la société, ne sont pas seulement négatives, elles protègent la croyance des jeunes dans leurs potentialités ( je pourrais si on ne me l’interdisait pas) alors qu’ils ne sont pas encore pleinement en mesure de les réaliser et d’en accepter les limites.

Maria Torok1 a réalisé une étude de l' « envie du pénis » chez la femme et précisé des points concernant la sexualité féminine ce qui a été aussi l'occasion de traiter du problème de la « castration ». Il est important de souligner que tout en critiquant la conception de Freud, l'auteur affirme avec lui les fonctions psychiques du sexueL. Nous avons déjà vu l'importance de la découverte de la masturbation dans l'enfance. Alors que l'union mère-bébé du début entraîne du plaisir, ce dernier ne peut être attribué qu'à la dyade ; avec l'autoérotisme en l'absence de la mère, l'enfant éprouve un plaisir qui lui est propre et le Moi et l'objet, l'enfant et la mère vont se différencier. Un troisième pôle apparaît : le sujet qui hallucine et prend plaisir en reconstituant l'unité mère-enfant en l'absence de la mère. Les trois pôles sont alors : » le Je , représentant tantôt la mère tantôt l'enfant ; un Me représentant l'enfant pour la mère ou la mère pour l'enfant et le Moi , metteur en scène de la relation doublement complémentaire du Je-Me » (o.c.p98). Le désir est lié à l'espoir de la constitution orgastique de soi. On peut parler de « castration » non par rapport à un organe , mais par rapport à la privation de la possibilités des actes qui conduisent à l'orgasme et permettent l'introjection d'une expérience : la coïncidence du touchant (Je) et du touché (me).

Nicolas Abraham a introduit l’idée d’une sensation de culpabilité originaire inhérente au fait que le bébé a intériorisé une image interne de sa mère de sorte que sa dépendance à son égard se réduit. Cette sensation de culpabilité est renouvelée secondairement à l’occasion de la découverte de la possibilité de se donner un plaisir autoérotique autonome. C’est ce qui explique que l’enfant a besoin d’une reconnaissance extérieure pour aller de l’avant dans sa maturation. Il n’est pas nécessaire que la famille mette l’accent sur la sexualité, il suffit qi’elle manifeste du contentement devant le développement physique et affectif de l’enfant. Les difficultés ne résultent pas pour Maria Torok des avatars des stades du développement psychosexuel tels que les ont décrits Freud et Karl Abraham, elles résultent des situations affectives vécues par l’enfant lors de l’acquisition de la maîtrise sphinctérienne comme lors des autres acquisitions. Un cas de femme inconstante dans sa vie sexuelle et sentimentale est finalement ramené à l’histoire d’un bébé victime de l’inconstance de sa mère et qui traite ses amants comme des “mères” qu’elle peut se procurer et congédier à son gré, avec un résultat final évidemment insatisfaisant. La maturation et l’activité sexuelles peuvent être aussi gênées par une honte familiale secrète (même si son contenu n’a rien de sexuel), les zones de honte étant confondus par l’enfant avec un interdit frappant la masturbation. A travers ses symptômes, le sujet hanté par un secret de famille peut assumer à son insu le rôle de tel ou tel membre de la famille et c’est ce que l’analyse a à découvrir.

Dans cette vision , ce n’est pas la difference anatomique des sexes qui est déterminante, mais les capacités orgastiques. Or, contrairement à l’infériorité attribuée aux femmes, les petites filles connaissent très tôt l’orgasme, les garcons en sont troublés puis rejettent cette réalité tout comme l’entourage adulte. Le refoulement de la sexualité orgastique de la fillette est la source cachée de son “envie” du pénis dont le discours adressé à la mère serait: “Donne moi le sexe du garcon, ce doigt qui ne serait pas sujet à tes tentatives d’enlever mon propre doigt de mon sexe”. La “castration” de la femme n’est rien d’autre que l’interdit qui frappe sa masturbation. Maria Torok rappelle à cette occasion l’article de Liliane Rotter (1933) passé inaperçu et encore sousestimé quand elle le fait paraître en français en 1975 qui montre la fillette fière de son pouvoir auprès des hommes, voulant confirmer la valeur de son vécu orgastique et non recevoir une réponse sexuelle adulte comme Ferenczi l’avait bien vu .

L’angoisse de “castration”, c’est à dire l’angoisse de perdre quelque chose d’essentiel tel que la vie ne vaudrait plus d’être vécue, est l’angoisse de perdre ses capacités orgastiques, voire même de la capacité de désirer (l’aphanisis de Jones). Après l’angoisse d’anéantissement du bébé et l’angoisse de separation, c’est la forme la plus évoluée d’angoisse. Il vaudrait mieux l’appeler angoisse d’accession (ce qui marquerait son caractère positif) car, à chaque palier de sa vie personnelle, familiale et sociale, l’humain des deux sexes retrouve la sensation de culpabilité de se réaliser soi en dehors des parents du passé et en rivalité avec ses contemporains.

La théorie freudienne du complexe de castration est grosse de confusions entre psychanalystes et d'incompréhension avec les autres scientifiques. Les représentations psychiques du corps et des fonctions corporelles permettent un jeu infini de la fantasmatisation commune et individuelle des patients et de leurs analystes, dont les fantasmes de castration ne sont que l'une des modalités importantes. Mais il convient de distinguer les fantasmes des réalités matérielles et psychiques

Bibliographie

Abraham N. et Torok M. (1978). L'écorce et le noyau, Paris, Aubier-Flammarion (2° edition 1987, Champs Flammarion 1999), p132-171 et 203-226.

Nachin C. (1992) Angoisse de séparation, théorie des pulsions et particularités sexuelles, Communication prépubliée pour le LII° Congrès des Psychanalystes de langue française des pays romans, Rome, 1992, in Bulletin de la Société psychanalytique de Paris, 24, avril 1992, 67-72.

Torok M. (2002). Une vie avec la psychanalyse, inédits et introuvables présentés par N.Rand, Paris, Aubier, p76-91 , 95-122 et 211-227.

"La psychanalyse nous a appris à apprécier de plus en plus l'importance fondamentale du complexe d'oedipe et nous pouvons dire que ce qui sépare adversaires et partisans de la psychanalyse, c'est l'importance que ces derniers attachent à ce fait"

Claude Nachin
- S. Freud
  • 1.

    Nicholas Rand et Maria Torok ont réalisé un travail liant « la théorie de la féminité et l’auto-analyse de Freud » (1988-1993), publié dans Maria Torok, une vie avec la psychanalyse, Paris, Aubier, 2002.