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Catherine Millot : « La logique et l'amour et autres textes » - Editions Cécile Defaut - 207 p.

Psychanalyste franchement littéraire ou écrivain ? Catherine Millot est aussi une philosophe qui a intégré la psychanalyse. Ce qui est la moindre des choses. En ces temps de basses eaux intellectuelles, voici un recueil de portraits chatoyants, d’écrivains, de psychanalystes, de philosophes, très référencé, sur le mode de la critique ou du récit de souvenirs intellectuels et personnels. Certains touchent de manière originale quelquefois à la méditation. Là où Freud disait que pour aborder la psychanalyse il fallait étudier la psychiatrie mais aussi la littérature, l’histoire de l’art, la philosophie, cet ouvrage redonne la part belle à ce programme.

Chaque thème, chaque sujet, chaque auteur semble être une énigme, une expérience inédite en manque d’élaboration, en écho avec les expériences propres de Catherine Millot. C’est là qu’elle intervient : La grâce de l’amour au-delà de la disgrâce dans un tableau de Ghirlandaio, la mystique de Ferenczi en désaccord avec Freud, Anne-Lise Stern ou une Cassandre qui aurait annoncé le passé et qui nous introduit, on n’ose le dire, à la poésie des camps, la proximité Lacan-Bataille, Michel Foucault qui reconstruit sur les ruines du Sujet laissé par Freud, Pierre Klossowsky et ses dilemmes résolus dans la création d’une œuvre, un pèlerinage autour des lieux et personnages qui furent ceux de Lacan, le même Lacan qui parlait comme une bouteille de Klein “Pour nous passer l’envie de comprendre”. On s’aperçoit que nous sommes aujourd’hui à des années-lumière de ces années-là. Le titre de l’ouvrage, tout un programme, est lui un emprunt à une conférence de Lacan.

On poursuit par une visite chez les Heidegger avec une façon de mêler la théorie, les rencontres, l’amitié, les dîners en ville de l’époque, les souvenirs, qui rend cette théorie mieux assimilable. Les détails et les fragments ont toujours une importance. Suit Jean Genet ou la détresse qui se retourne en extase, le bout du rouleau comme bouée de sauvetage. Seuls les paradoxes intéressent Catherine Millot, les contraires, là où les choses se retournent dans des points de réel affleurant. Le dedans est dehors, les commencements sont des fins et les gouffres des sommets.

L’écriture de Catherine Millot, quelquefois erratique, semble un moyen, un véhicule, pour dérouler un fil qui l’amènera à trouver ce qu’en bonne analyste elle ne cherchait pas. Elle se laisse surprendre. Une autre façon de conquérir par l’écriture les continents perdus de l’inconscient. Chez elle, écrire a cette fonction. On ne saisit pas tout de suite. Elle dit ce qui lui passe par la tête, d’un seul trait, hésite, questionne son questionnement, ce qui peut donner lieu à des niveaux de réflexion qui s’entremêlent parfois. Mais elle suit toujours son fil. Le rapport entre psychanalyse et écriture est intéressant et évident. Ce livre a le mérite de le mettre au travail. Également, cet ouvrage nous aide à connaître certains auteurs dont on n’a pas forcément envie de lire la totalité de l’œuvre mais inversement on comprend les limites d’une telle galerie de portraits quand on démultiplie les références.

Catherine Millot est ici une sorte de chroniqueuse en série qui n’est pas vissée à la théorie tout en s’y inscrivant de manière allégée, plus libre. Dans cette manière d’être qui est la sienne, elle ouvre des perspectives avec un style et un éclairage moins “psychopathologique” sans être réductrice au “traitement des névroses”. Dans un genre éloigné des essais psychanalytiques, des passages théoriques non dogmatiques, des passages drôles, des petites choses fondamentales, une galerie de portraits comme des photos retrouvées dans une boîte, une sorte de fabuleux destin de Catherine Millot. Ceci peut former également un accès plus aisé bienvenu pour ceux qui ne connaissent pas bien la psychanalyse.

Catherine Millot est philosophe de formation, psychanalyste, élève de Jacques Lacan. Elle est entre autres l'auteur de Freud anti-pédagogue (Champs-Flammarion 1997) et de cinq ouvrages publiés dans la collection l'Infini (Gallimard) : La vocation de l’écrivain (1991), Gide, Genet, Mishima (1996), Abîmes ordinaires (2001), La vie parfaite (2006), et O Solitude (2011, Folio 2012).