Avec cet ouvrage écrit dans une langue mordante parfois, mais toujours accessible, Maurice Corcos fait le point sur « le DSM ou l'invention d'une notice universelle pour les machines désirantes détraquées à l'usage de médecins informaticiens phobiques de la clinique »

Nous savons qu'aucune observation n'est « objective » en tant qu'elle implique l'observateur , et qu'aucun quadrillage de la perception clinique ne peut se laisser prendre dans une grille car tout savoir est une histoire . Or le DSM, qui se veut « scientifique », se prévaut d'une approche a-théorique, « purement descriptive de la maladie mentale privilégiant une vision physicaliste du patient sans aucune interface psychique »

M. Corcos souligne que le symptôme, tel qu'en lui-même il se présente « est un « récit » de ses origines historiques, de sa prise en charge psychique et corporelle par l'effet en avant, c'est-à-dire de son inscription physique ou psychique ici et maintenant et de sa fonction néo-organisationnelle en aval – visant à gérer au mieux (psycho somatiquement parlant) des relations que le sujet va devoir entretenir avec son environnement. »

En d'autres termes la vie d'un patient c'est-à-dire son histoire et celle qu'il raconte , est toujours plus intéressante que ses symptômes et « réduire un patient à ses symptômes, c'est le délier de son histoire …. et le début d'une désobjectalisation et d'une chosification de la personne propre.

M. Corcos attaque donc le réductionnisme des classifications DSM et CIM, dénonçant cette uniformisation des maladies mentales «  qui dénie de fait toute dynamique évolutive dans les processus morbides , aboutissant à ignorer la souffrance du patient et ses capacités à se défaire ou à se refaire pour se parfaire ». Il montre la collusion de ce découpage avec une vision gestionnaire de la maladie mentale . Le traitement devient l'unique analyseur nosologique. Cette approche centrée sur l'efficacité ( autoproclamée souvent) des molécules fonctionne pour la plus grande satisfaction de l'industrie pharmaceutique qui raisonne en terme de marchés à occuper ;

Dans une suite de chapitres Corcos montre sur les exemples de l'hystérie et des états limites comment le DSM se débarrasse par la même occasion du sexuel en évacuant ces entités.

Dans la foulée l'auteur revisite les troubles bipolaires , les troubles des conduites . Il montre les errances et les retournements d'un DSM à l'autre .

Tout au long de l'étude critique exhaustive qu'il conduit dans cet ouvrage , Maurice Corcos s'appuie sur une clinique ouverte aux différents courants de la psychiatrie ; il use aussi de références littéraires qui aident à restituer la souffrance et l'humanité du malade mental.

Un ouvrage à lire et à faire lire …..

 

Frédéric ROUSSEAU

 

Psychanalyste

Maitre de Conférences Université Paris 8