Un prophète de Jacques Audiard, 2009
Un prophète de Jacques Audiard, 2009. Angoisse On sort du film de Jacques Audiard bouleversé, un peu hébété. C’est une épreuve, une véritable expérience à vivre. Moins que l’enfermement, la prison, dont on découvre tout de même avec épouvante la réalité, l’abomination, la pauvreté tragique, c’est la perversion de tout ordre qui fait frémir, et la confusion du dedans et du dehors. Un critique, Jean-Baptiste Morain, s’est avisé justement, dans les Inrocks (en ligne) que le propos du film de prison se trouvait fondamentalement transformé : « Aujourd’hui, l’évasion n’est plus un thème pertinent...
Bancs publics Denis Podalydes
Film français. Genre : Comédie Durée : 1h 50min. Année de production : 2008 Distribué par UGC Distribution Imaginons que le Bricodream du coin de la rue se transforme en bricodrame, il suffirait d’une lettre, intervertie, bref d’un lapsus. Mais ici le rêve ne tournera pas au cauchemar, hormis pour un certain hamster et quelques poissons rouges, victimes d’une passion aveugle pour l’un, de trop de soin pour les autres. Sous ses dehors lestes (à la fois légers et un peu scabreux), de film d’été et de square, quelque chose que l’on aborderait pour se reposer, faire une petite sieste au soleil,...
Ne me liberez pas
Si ce titre peut paraître un peu abrupt, se référant de façon provocante aux multiples évasions de Michel Vaujour dont la cinéaste retrace l’histoire et recueille le témoignage, le film est en réalité infiniment plus subtil et l’expérience de ce repris de justice filmé de très près, et surtout écouté, donne à réfléchir. Je crois que ceux qui s’intéressent à la psychanalyse ne peuvent rester indifférents et trouveront à méditer à l’écoute d’une parole radicale et très pesée. L’expérience de l’analyse y trouve une sorte de répondant qui en même temps déconcerte. En effet, au-delà de l’émotion...
"Entre les murs"
Entre les murs, Laurent Cantet Certes, j’aurais beaucoup à dire sur le film de Laurent Cantet, comme tout le monde, parce que nous sommes tous allés en classe et que cette situation de classe nous intrigue, nous fascine, nous rappelle à tous tant d’émotions que le film renvoie. L’une des qualités et l’un des pièges du film, est précisément qu’il est un creuset pour tous nos fantasmes : on peut tout dire, à partir de ce huis clos, sur les élèves, sur l’enseignant, sur la crise de l’école, les réformes de l’enseignement, etc. D’autant plus qu’en France (en est-il ainsi ailleurs ?) tout le monde...
Paranoïd Park
Comme dans ses premiers films, Gus Van Sant observe, donne à voir et à ressentir sans élucider une situation, expliquer un personnage qui occupent cependant le premier plan, en gros plan même, pour celui-ci, en plan général pour celui-là. Qu’un jeune garçon, lycéen et passionné de skate-board soit peut-être impliqué dans un meurtre, suffit à entraîner le spectateur dans une attention et une tension, un désir de comprendre et de suivre une enquête. Les éléments de l’enquête ne manquent pas en effet : un crime, des traces d’adn, des suspects, un inspecteur et ses interrogatoires, un milieu à...
Retour en Normandie : Nicholas Philibert
Nicolas Philibert, Retour en Normandie J’ai accompagné bien volontiers ce « retour en Normandie » qui m’a touchée à bien des égards, parce que je suis moi-même normande et nostalgique de ces campagnes, des paysages et de ces vieilles pierres que le film de Nicolas Philibert ranime, mais également parce que mon adolescence a été marquée par le film de René Allio et par le livre de Foucault. J’ai travaillé autrefois, dans un atelier de théâtre lycéen, le texte étrange de Pierre Rivière et ces trois œuvres ont traversé mon adolescence comme des météores. Un palimpseste J’ai regretté dans...
Mémoire de nos pères
CLINT EASTWOOD : FLAGS OF OUR FATHERS, LETTRES D'IWO JIMA, 2006 : QU’EST-CE QUE L’ALTERITE ? Ayant su par la presse, dès la sortie de Flags of our fathers, traduit par Mémoire de nos pères, que ce film entrait dans un plus vaste projet et serait suivi d’un second film présentant la version japonaise du même événement, j’ai attendu, non sans une certaine impatience, la sortie de Lettres d'Iwo Jima, pour voir en un temps rapproché les deux films et appréhender le dispositif qu’il nous offrait pour penser cet événement. Il me semblait en effet que l’enjeu était de taille et consistait ni plus ni...
Inland Empire
David Lynch, 2006 : Inland Empire Olivier Séguret, dans Libération écrit : « INLAND EMPIRE (traduction littérale mais sans pertinence : “Empire du milieu” ») est un continent vaste et labyrinthique, où les séquences filmées, rêvées, délirées et “ réelles ” s’enchâssent si bien qu’elles forment toutes ensemble une quatrième dimension sans issue ». Il est étrange de récuser ce qui pourtant me semble essentiel dans le film de David Lynch, le fait que le labyrinthe dont il s’agit soit un monde intérieur. Qu’il s’agisse en anglais de désigner l’Empire du milieu, la Chine, ne serait pas totalement...
La fièvre dans le sang. Splendor in the grass
Elia Kazan : Splendor in the grass, La fièvre dans le sang, 1961 : qu’est-ce que le désir ? Les titres traduits sont souvent d’une indigence ou d’une brutalité incroyables et l’on aurait tort de s’y fier tant ils simplifient le propos des films. « La fièvre dans le sang », cela fait sensationnel, on s’attend à beaucoup de passion, et de la passion il y en a dans le film de Kazan. Mais c’est également une réflexion sur le désir et sur la vie, d’une profondeur que trahit ce titre accrocheur, sans doute plus affriolant que « Splendor in the grass », le titre original. « La fièvre dans le sang...

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