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Everybody knows 2
Asghar Farhadi, Everybody knows, 2018. On se demande pourquoi un cinéaste iranien fait un film en Espagne et lui donne un titre en anglais. De tout cela, il s’est expliqué dans la presse et, dans le fond, le caractère méditerranéen, les peaux sombres, les yeux noirs, la vie d’une province rurale proche du clan ou de la tribu, les regards suspicieux à l’égard des étrangers et des intrus, bien des traits font de ces scènes espagnoles un drame qui aurait pu se jouer en Iran ou dans d’autres contextes villageois. Ce n’est pas cela qui m’a déçue dans ce film d’un cinéaste qui m’a passionnée jusqu’...
la camera de Claire
Mister so and so Le cinéma du Coréen Hong Sang-Soo nous apporte une vraie bouffée d’air. Pour qui a suivi la série de ses films depuis In another country , déjà tourné avec Isabelle Huppert sur un mode léger, puis Un jour avec, un jour sans , Seule sur la plage la nuit , et maintenant, La caméra de Claire , ce réalisateur apporte quelque chose au cinéma. Série n’est peut-être pas le terme adéquat, car le style de Hong Sang-Soo se situe aux antipodes dédites « séries », autrefois appelées « feuilletons » dont on nous rebat les oreilles et qui rendent tant de...
12 jours
Raymond Depardon, 12 jours : Beckett au parloir. Je ne sais pas ce qui me révolte du film ou de la procédure qu’il décrit, ou bien encore s’il s’agit de la procédure dans le dispositif bref, d’un film qui me concède une position intenable, m’enfermant avec lui dans la boîte à images et accessoirement la boîte à folie. Dans Les Habitants déjà, Depardon enfermait les gens dans une boîte, une sorte de photomaton/caravane dans lequel ils échangeaient des propos le plus souvent d’une pauvreté désarmante et pitoyable, complètement pris dans les stéréotypes, la misère de leur...
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Happy end Michael Haneke
Michael Haneke, Happy end , 2017 (pour ceux qui ont déjà vu le film ou qui n’ont pas peur de connaître la fin) La critique ne semble pas avoir tellement aimé le dernier film de Haneke. Il n’apporterait rien de plus à l’œuvre du cinéaste, n’aurait pas la grandeur du Ruban blanc , ainsi qu’une comparaison nous en avertit, dans Le Monde qui publie, le même jour (ce mercredi 4 octobre 2017) un article sur le premier, donné sur Arte et sur le second qui sort en salle. Il se trouve que j’ai vu Happy End en avant-première, au cinéma Utopia de Bordeaux, il y a une...
Un beau soleil intérieur, Claire Denis
Un beau soleil intérieur , Claire Denis « — et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie » Si je cite Nerval, El Desdichado , en épigraphe, ce n’est pas tant pour placer sous le signe de la « mélancolie », le film de Claire Denis, que pour signaler qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil… de la névrose. Si l’on s’identifie au personnage d’Isabelle, — et comment ne le ferais-je pas ? — que le film est agaçant ! Documentaire sur la névrose ordinaire d’une femme d’aujourd’hui, ses errances sentimentales, sa quête amoureuse aussi persistante...
barbara
Barbara , Mathieu Amalric, Jeanne Balibar : « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ! » Le film Barbara n’est pas seulement un beau film, émouvant, en hommage à la grande chanteuse, mystérieuse et douloureuse, c’est un film d’amour, une histoire d’amour ou de l’amour. Il n’est pas indifférent que le public sache que Mathieu Amalric et Jeanne Balibar ont été un couple. Le spectateur se demande ce qui a bien pu séparer ces deux êtres magnifiques et qui semblent s’aimer, l’un offrant à l’autre, tous les deux également, ce film qui lui ressemble. Peut-être devine-t-on que...
Cet été, l’art contemporain fête, à Bordeaux, la « grande vitesse ». En réalité, la plupart des artistes et des commissaires d’exposition ont à peu près ignoré la nouvelle ligne de la SNCF, et ont pris leur temps. Quelques œuvres somptueuses de Richard Long prennent place à l’hôtel de ville, au grand théâtre et à l’espace Saint-Rémy, outre les installations pérennes du CAPC, sans aucun souci des accélérations et des liaisons ferroviaires : la mémoire, les cairns, les paysages minéraux, ancestraux, le poids des stèles et la lenteur de la contemplation installent, au contraire, dans des lieux...
John Edgar Wideman, Écrire pour sauver une vie, le dossier Till
John Edgar Wideman, Écrire pour sauver une vie, le dossier Till , traduit par Catherine Richard-Mas, 2017, Du Monde entier, Gallimard. John Edgar Wideman est un écrivain noir américain. Il a publié de nombreux romans ou récits dont la complexité, la poésie et l’opacité tragique sont les caractéristiques. Cet auteur n’a cessé d’être aux prises avec une matière autobiographique et sociale atroce dont il tente de dénouer le piège : son frère croupit en prison, et son fils, assassin schizophrène de son camarade de chambrée également. De quoi désespérer et se demander pourquoi, lui,...
Village, visages
Agnès Varda et JR, Villages visages De l’émotion qui ne serait pas du pathos Quoi de plus difficile à définir que l’émotion et plus encore l’émotion esthétique ? Beethoven était extrêmement fâché contre Goethe qui lui avouait avoir « pleuré » en écoutant l’une de ses œuvres : « les artistes sont de feu, ils ne pleurent pas » [1] . Beethoven détestait les Viennois qui larmoyaient au concert, détestait ce sentimentalisme. Il voulait que l’on écoute et comprenne sa musique, que l’on ressente un autre type d’émotion qui ne relèverait pas du pathos mais inciterait à l’action...
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Chez nous Lucas Belvaux
/*--> */ Nul doute que ceux qui ont vu ou verront le film de Lucas Belvaux, Chez nous , n’en ressortent avec un trouble et des pensées nombreuses. La salle était bien remplie, dimanche dernier, à l’Utopia, et si quelques applaudissements ont éclaté à la fin, ainsi que des commentaires : « pas de ça chez nous ! », j’étais pour ma part trop affectée pour y prendre part et surtout pour adhérer à quoi que ce soit. C’est un sentiment de désolation, qui m’habitait. Je me sentais triste parce que je ne vois pas...

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