- Œdipe
- Prix
- Vidéos
- Lire
- Actualités
- Critiques
- Dossiers
- Grande traversée - Moi, Sigmund Freud
- Lettre de démission de l'Ecole Freudienne de Paris J. Favret-Saada
- Hyperactivité de l'enfant
- Loi du 5 juillet 2011 : interview
- Décrets relatifs à l'usage du titre de psychothérapeute
- L'affaire Onfray
- Mai 68 : sommaire
- Dossiers Interview de jacques Sedat à propos de la parution des travaux de François Perrier
- Le cas 'Richard'
- Chronologie
- Autisme et Psychanalyse
- Colloque : « Du Séminaire aux séminaires. Lacan entre voix et écrit »
- Documents concernant Jacques Lacan
- Livres de psychanalyse
- Revues de psychanalyse
- Newsletters
- Enseignements
- Adresses
- Questions
- Loisirs
Encore un forfait politique
Encore un forfait politique
Encore un forfait politique
Dans l'oubli de la valeur humaine de la folie
Dans l'oubli de l'importance de la rencontre avec la folie pour qu'un processus d'humanisation réciproque soit possible
Les politiques publiques ont naguère disjoint lieu de vie et lieu de soin.
Des lieux de soin ont été fermés. Ils étaient des lieux d'accueil et d'hébergement pour des personnes en difficulté d'existence.
Un forfait a été imposé pour séjourner dans les lieux de soin visant à dissuader ceux qui étaient réputés abuser de la collectivité alors qu'ils y survivaient sans y être véritablement…
Les politiques publiques ont séparé dans leur financement champ sanitaire et champ social en 1975. Les malades atteints de maladies de longue durée ont ainsi été classés « handicapés ».
Discrimination dite positive, devenue en 2000 discrimination négative lorsque le hasard des chiffres a choisi le montant de l'Allocation aux Adultes Handicapés comme seuil de privation d'accès au droit à la CMU complémentaire dispensant du paiement du forfait hospitalier.
Les malades en grand nombre ont quitté les hôpitaux. Interdits de séjour hospitalier pour accueillir et soigner leur folie activement, ils se sont alors retrouvés nombreux à la rue.
Tosquelles disait le gain d'humanisation et de thérapeutique, la véritable révolution qu'avait permis, en 1942 à Saint-Alban en Lozère, « la transformation de la salle commune en club thérapeutique ». Saint-Alban, seul hôpital de France où aucun malade n'est mort de faim pendant la dernière guerre.
Les salles communes sont désormais dans les rues, les gares, les places, les métros de nos grandes villes... Rupture existentielle, rupture sociale, rupture de transfert et de tout processus thérapeutique…
« Lieu sans lieu de l'être perdu », déréliction de l'aliénation psychique au-delà même de l'aliénation sociale. Innombrables, et plus que jamais non inscrits, nulle part… L'angle d'un mur, d'une porte, d'un couloir, est leur dernier refuge.
On a dû inventer le SAMU social. Le législateur, l'État, les pouvoirs publics ont organisé les PRAPS (Programmes Régionaux d'Accès à la Prévention et aux Soins).
La nécessité d'aller vers ceux qui ne demandent plus rien requiert beaucoup d'investissement : pouvoir entrer en contact, nouer une confiance, redonner l'espoir qu'une continuité d'accueil et qu'une thérapeutique aux transferts renoués sont encore possibles.
« Quinze jours et nuits à la rue requièrent, si tout se passe bien, deux ans de reconstruction psychique patiente et attentive ».
La Sécurité sociale, œuvre du Conseil National de la Résistance.
Saint-Alban, son hôpital psychiatrique « Haut-Lieu de la Résistance »
La Sécurité sociale réformée, oubliée son histoire. Oubliés les 40 à 60 000 malades psychiatriques morts de faim pendant la guerre, par respect des réglements administratifs.
Sur ce fond d'oubli, les nouvelles lois s'énoncent pour changer les comportements : « Leur but est de responsabiliser les malades et de leur faire payer un forfait de 1€ (pour commencer) pour consulter leur médecin… et pas plus de 50 € par an pour ceux qui souffrent de maladie de longue durée … il ne s'agit pas de manquer d'humanité » !
Oubliée, la réduction récente de 2€ du forfait hospitalier en psychiatrie.
Oubliée, la pétition remise pour l'obtenir au Ministère.
Oublié, le contact avec la secrétaire d'État aux handicapés qui s‘était montrée sensible à cette problématique.
Oubliée, l'adoption d'une des 22 mesures d'urgence votées le dimanche 8 juin 2003 à l'unanimité des États Généraux de la Psychiatrie réunis à Montpellier en présence des Présidents de la Fédération Croix-marine, de l'UNAFAM, de la FNAP Psy :
« Les bénéficiaires de l'A.A.H. et des minima sociaux doivent pouvoir être dispensés du paiement du forfait hospitalier de manière à ne pas compromettre leur insertion lorsqu'ils ont besoin d'une hospitalisation en psychiatrie. ».
Oubliée mais pas obsolète : il faudrait lui ajouter aujourd'hui :
« Pour favoriser la continuité des soins actifs des maladies psychiatriques qui sont chroniquement suraiguës, et qui exposent les personnes qui en sont atteintes aux plus grands risques de désespoir, il est nécessaire de les dispenser du paiement du « forfait consultation ».
Il est éthiquement irrecevable de les contraindre à renoncer à se soigner pour des raisons économiques et de leur faire risquer leur vie dans des passages à l'acte ou des décompensations graves liés aux retards de leur thérapeutique. Comme il serait économiquement paradoxal d'augmenter le nombre des urgences dont nous savons le coût exorbitant au regard des prétendues économies que le forfait consultation est sensé apporter à la collectivité nationale.
Réaffirmons haut et fort que la santé mentale des personnes ayant une pathologie psychiatrique avérée n'est accessible que par la mise en œuvre de soins actifs au long cours. Ce qui suppose une liberté d'initiatives thérapeutiques et d'accès aux soins, partagée avec les professionnels que ces malades connaissent. Ces décisions thérapeutiques doivent pouvoir se réaliser dans le respect de la singularité d'une situation clinique, les circonstances en sont imprévisibles et ne peuvent dépendre de normes générales protocolisées
Il n'y a, en ces questions concernant « la valeur humaine de la folie », que rencontres, cheminements partagés des malades avec ceux qu'ils fréquentent dans leur « constellation transférentielle sanitaire et sociale » et accueil, en toute circonstance, des possibilités d'émergence de leur « désir d'être-avec-autrui ».
Lorsque l'aliénation sociale est trop exigeante, ils risquent leur vie. Ils ne sont pas en effet confrontés à la chronicité banale de toute existence humaine, mais menacés par la « sédimentation », qui expose au risque de « tomber hors du monde ». Cette exclusion altère, à leur insu, l'humanisation des « biens portants » oublieux qui se pensent eux-même inscrits dans une existence qui vaut la peine d'être vécue.
En psychiatrie, la prévention n'est pas réduite à une morale à laquelle, en connaissance de cause, chacun devrait se soumettre pour ne pas tomber malade. Mais elle résulte d'une éthique où des soins actifs se mettent en œuvre collectivement pour ceux dont l'équilibre a été rompu par l'émergence de la maladie.
En psychiatrie, soigner activement une personne malade, c'est soigner son entourage, sa famille et faire ainsi de la prévention active pour ses collatéraux et les générations futures.
Penser la maladie en terme de handicap social et ne plus offrir réellement la possibilité de se soigner activement, est de nature à compromettre l'équilibre dynamique personnel de tout un chacun et les potentialités désirantes des générations suivantes, condamnées à des dettes inconscientes qui resteront « hors d'atteinte ».
Pour ne pas oublier, il faut compléter la mesure d'urgence toujours d'actualité des Etats Généraux de la Psychiatrie et dire :
« En psychiatrie, aucune initiative thérapeutique d'un malade, souffrant ou non d'une Affection de Longue Durée, ne saurait être sanctionnée par une mesure financière visant à le faire renoncer à une consultation ou à la différer sans lui faire prendre un risque grave pour sa santé ou sa vie. »
Dr Michel LECARPENTIER
La Borde, le 8 septembre 2004
- Connectez-vous ou inscrivez-vous pour publier un commentaire