À propos de la pièce "Effroyables jardins" Un point de vue différent

J'y suis allée, et ne le regrette pas. C'est un beau texte, et la prestation de J.P.Farré est excellente. Mais j'ai été très gênée par la référence nominale à Papon et à son procès, à cette façon de cibler sur un homme réel, un individu entre autres dans l'Histoire du nazisme et de l'Occupation. D'une part, rien ne désigne Papon comme le responsable de ce qui est arrivé au père (le rôle de Papon dans la déportation des juifs est d'une autre dimension que celle d'une affaire d'otages dans un village du Nord de la France, affaire où la judéité n'est pas en cause), d'autre part, l'affaire Papon est assez trouble et assez sordide pour ne pas en rajouter dans la publicité. Il ne me paraît pas judicieux, ni pour l'Histoire, ni pour la crédibilité psychologique de la transmission, de confondre ce qui relève de l'épuration raciste, crime contre l'Humanité, avec ce qui concerne la Résistance, et le fait de guerre qu'est une prise d'otages après un attentat. L'héritage pour les descendants ne saurait être le même.

Par ailleurs, le père faisant le clown livre un message incompréhensible à son fils, message sur lequel le récit de l'ami apporte une certaine clarté : inlassablement et répétivement, cet homme se souvient de l'épisode traumatique de son arrestation comme otage, et de sa responsabilité involontaire -connue dans l'après-coup - dans la mort d'un homme. Et c'est cet homme-là, non le "clown" allemand, qui les a aidés mais non sauvés, lui et son copain. S'il y a dette, c'est envers ce mort. Est-ce payer la dette, pour le copain, que d'épouser la veuve ? Ne lui laissant à lui que le rôle d'un clown ? Il pourrait y avoir là une certaine cohérence dans le souvenir de paroles de réconfort du soldat-clown. Mais quel sens peuvent avoir les "clowneries" du fils, de surcroît devant un Trbunal qui juge une affaire totalement étrangère à son histoire familiale ? Et en quoi le récit élucidant le comportement de son père, au lieu de le libérer de cette image grotesque, peut-il ainsi le condamner à une telle répétition, qui, d'un point de vue psychanalytique, n'est pas exactement le signe d'une identification réussie au père ? Encore une fois, le texte est beau, littérairement parlant, mais du point de vue de la transmission, de la fidélité, etc., complètement à côté de la plaque !