A propos de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg (2005)

"La guerre des mondes" Steven Spielberg

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Amen

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À propos de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg (2005) ou Des extra terrestres bien de chez nous...

Steven Spielberg place l'action de son dernier film sur la côte Est (New Jersey), face à New York/Ground Zéro. Celle-ci doit faire face à une attaque d'extraterrestres aux rayons exterminateurs. Le nom du film est repris du roman de H.G.Wells (1898) où l'invasion des Martiens avait Londres pour cible !

Dans ce film, Spielberg continue de nous montrer les horreurs, la terreur, l'exode de populations entières dans l'Europe nazie, et aussi un écho sans détours au 11 septembre 2001, risque nucléaire inclus… D'où ces images de guerre très actuelles de l‘armée US et ses soldats dans la tenue de ceux-là mêmes présents en Irak mais ici combattant ces tripodes extraterrestres monstrueux.

Bref rien de bien gai, mais est-ce définitif ? Si ce cinéaste filme toujours nos peurs et nos joies enfantines, désormais il les situe dans nos liens à la Cité, au politique, comme dans Minority Report (2002), ou Amistad (1998).

Dans la veine de précurseurs prestigieux tel Byron Hoskin et son film « War of the Worlds » (1954) dont l'action se déroule en Californie, et tout en faisant événement autant que George Lucas et la saga « Stars Wars », Spielberg reste fidèle à l'enjeu présent dans nombre de ses films : injecter dans notre imaginaire sollicité par sa mise en scène, du lien père-enfants pour protéger ces derniers contre un monde extérieur immensément destructeur.

Dès lors réparer « du père » et réparer le monde sont en équivalence et se jouxtent sans cesse, au bord de leur néantisation réciproque. Monde psychique et monde de la réalité tangible s'entrecroisent à la recherche de leur survie, qui, comme le dit Wells, provient d'un autre monde, infiniment étranger et petit, les bactéries, nos chères amies bien de chez nous, qui anéantissent les extra-terrestres. Mais sait-on si dans un million d'années les envahisseurs ne vont pas revenir et bien vaccinés cette fois !.

Nous sommes là au plan politique. Nos ennemis, s'ils ne sont pas du tout immunisés contre nous, c'est qu'ils ne peuvent pas s'identifier à l'espèce humaine. Leurs tripodes, tueurs et anonymes, ne veulent que notre mort en masse. Spielberg, semble-t-il, veut nous dire une évidence : que l'ennemi du genre humain, le nazi d'il y a 60 ans c'est le kamikaze aujourd'hui.

Côté Terrien/espèce humaine la leçon est apprise : cette destruction évitée de justesse figure le cauchemar darwinien d'une humanité qui s'autodétruit rejoignant Freud qui de son côté lie étroitement Éros et thanatos.

***

C'est que espace vital à la Darwin et espace psychique à la Freud se moulent l'un l'autre.Ce nouage est d'ailleurs à l'œuvre dans tout ouvrage de Science-fiction et ces monstres si étrangers sont bien aussi une part de nous-mêmes. Renvoi ici à notre certitude d'être le centre de l'univers… alors que nous en sommes si exilés que nous inventons de fort belles œuvres pour découvrir encore plus cet exil si présent en nous, soit la structure même de notre manque à être.

Tout ici se passe sur la Terre qui n'en peut mais de recevoir tant de bruits et de vacarmes des armes des deux cotés. Et ce devant les yeux éblouissants de clarté d'une Rachel de 11 ans. Au point que son père, héros convoqué à la protéger, lui met un bandeau sur les yeux, ou plutôt sur son regard afin que le notre, celui du spectateur enfin actif, soit bien le témoin de ceci : sa bouche par sa parole et ses chants en dit bien plus sur le monde qui l'attend que ses parents ne veulent le voir. Un retournement de la plainte mélancolique se voit alors en passe de devenir …tendresse qui s'entend…

Fille et père sont dans une cave, havre de repos pour quelque temps. Regard de Rachel qui ici se filme lui-même puisqu'il est présentifié par une sorte de webcam au bout du tentacule d'un tripode extraterrestre : L'humain en son propre regard ne voit que son désarroi, celui du spectateur tout autant que des personnages. Ici se perçoit combien monde psychique de l'enfant et monde réel se font miroir l'un l'autre… D'où l'attrait pour ces bruits et ces fureurs offerts par la Science Fiction si apparemment loin de notre quotidien alors qu'elle nous y plonge excellemment

L'ancien enfant en Spielberg, si présent dans E.T. ou Rencontre du 3è Type est toujours là au rendez-vous. Il met en scène l'opposition entre ces vacarmes bibliques avec ce tout petit moment dans notre univers : Une famille séparée/recomposée : La mère inquiète de l'incurie de son ex lui confie à contre cœur la garde de leurs enfants pour le week-end.,

Les points de rencontre entre la famille, le privé, et le collectif, dans cette version Spielberg, restent cependant mal noués contrairement à E.T., A.I., Rencontres du 3ème Type, la fin du film quelque peu bâclée n'étant au final qu'un banal happy end.

À la question « Pourquoi la guerre/Warum Krieg ?» question lancée à Freud et à Einstein, par la SDN en 1933 nous mène à conclure sur cette autre et terrible question : « comment donc la paix » ?

Jean Jacques Moscovitz (Psychanalyste)

Derniers ouvrages parus : « Hypothèse amour » ed. Calman-Lévy, Paris 2001, « Lettre d'un psychanalyste à Steven Spielberg, ou comment dé-pervertir le futur» Bayard Presse Paris sept 2004.