F(l)ammes : le théâtre est vivant à Vincennes

F(l)ammes

Théâtre de la Tempête.

Cartoucherie de Vincennes

Salle Serreau • Durée : 1h45
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

0143283636

Jusqu’au 17 décembre

F (l) ammes : Le théâtre est vivant à Vincennes.

 

Oui, ce n’est pas faux, aller à l’un des théâtres qui ont élu domicile dans l’ancienne Cartoucherie de Vincennes demande un peu d’organisation. Mais, pour ma part je n’ai jamais été déçu de mes efforts. À Vincennes, le théâtre est vivant, inventif, créatif. Que ce soit à L’Aquarium, à La Tempête ou au Théâtre du Soleil, le plaisir de la découverte est toujours au rendez-vous. C’est, depuis des lustres, Ariane Mouchkine et sa troupe qui ont fait la réputation du lieu. Mais les deux autres scènes n’ont rien à envier à leur célèbre voisine.

 

F (l)ammes, en constitue un exemple tout à fait illustratif. J’avais retenu cette pièce du fait de son sujet : Entendre parler de ces jeunes femmes qui vivent en banlieue et que l’on présente toujours sous une forme quelque peu misérabiliste, me semblait un enjeu à la fois passionnant et risqué. Ahmed Madani auteur du texte et de la mise en scène explique comment il a écrit cette pièce : « pendant deux années, j’ai mené dans plusieurs villes des rencontres, sous forme de stages avec des jeunes femmes nées en France de parents immigrés (…) et c’est par ce chemin de la parole et des émotions partagées qu’il m’a été donné de rassembler une troupe de dix jeunes femmes (...) La puissance volcanique qui jaillit d’elles est tellurique ; »

 

Il est important, je crois, d’aller au théâtre comme on commence un entretien avec un patient, en essayant de ne pas avoir d’idée préconçue et en accueillant la parole de l’autre, de façon à ce qu’elle puisse se déployer sans obstacles. Parfois, avec les enfants en particulier, ce n’est pas simple tant le message est parfois brouillé par l’apport pourtant nécessaire venu de l’entourage . Au théâtre aussi, il faut se méfier de ce qui peut mettre un obstacle à la rencontre à laquelle on participe.

 

F (l)ammes c’est avant tout une scène animée par des actrices absolument formidables, mais, et c’est cela aussi qui nous transporte, elles le sont chacune à leur manière. Leur expérience est différente, leur culture « d’origine » est différente qu’elles soient ou non nées en France, leur couleur de peau est différente et leurs corps si divers, si expressifs, leur façon de s’habiller, de se coiffer, de bouger disent quelque chose d’elles. Chacune vient d’un pays pourvu d’une culture originale. Chacune d’elles raconte de façon singulière comment elle vit la confrontation entre sa culture d’origine, celle transmise par ses parents, leur statut social, comment elle s’est ou non adaptée, comment elle s’est cachée ou au contraire violemment affirmée pour trouver sa place. Une jeune femme sympathique et rigolote d’origine haïtienne fait rire la salle en racontant que dans Haïti elle entendait seulement les deux lettres, E T et qu’elle se prenait pour une  extraterrestre !

 

Une autre, évoque à mot couvert le drame de l’excision. La découverte qu’elle fait de son corps meurtri, elle qui se souvenait à peine de ce voyage « au bled » alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Une autre encore évoque la violence qui s’installe entre un père et sa fille que l’amour rapproche mais où il faut faire face à la violence de la tradition qui donne à l’homme et à la femme des places dont l’immuabilité est remise en question.

 

De cette diversité naît un ensemble riche et percutant, qui donne au théâtre son vrai visage celui d’une rencontre avec des êtres de chair et de sang, dont les corps se donnent à voir et dont les paroles nous touchent parce qu’elles nous sont directement adressées.

 

Laurent Le Vaguerèse