Arthur Bispo

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une exposition remarquable au Musée du Jeu de Paume à Paris (9 juillet – 28 septembre 2003)

Le mardi 9 septembre à 19 heures au musée du jeu de Paume place de la concorde aura lieu une visite commentée de l'exposition des oeuvres de Arthur Bispo de Rosario, visite commentée par la peintre brésilienne Eloisa Novaes. Voici comment Karl Jung a évoqué les oeuvres des "malades mentaux" sud américains lors du 2° congrés de psychiatrie à Zurich : "J'ai été impressionné par les peintures des schizophrènes brésiliens car elles présentent à première vue d'autres caractéristiques que celles des peintres schizophrènes. Il y a une harmonie dans les formes et les couleurs qui ne sont pas habituelles. Dans quelle atmosphère pratiquent-ils leur peinture? Je ne peux que supposer qu'ils travaillent entourés de sympathie et de personnes qui n'ont pas peur de l'inconscient."

Sous ce titre emprunté à Breton, cette exposition regroupe « des travaux de malades mentaux provenants de la collection du Centre hospitalier Sainte-Anne » et l'œuvre d'une beauté esthétique unique de Arthur Bispo do Rosario

Ce dernier est né vers 1909 à Japaratuba dans le Nordeste du Brésil. Il fut d'abord marin et boxeur . Le 22/12/38 il a une vison mystique où Dieu lui apparaît escorté de 7 anges auréolés de bleu . Atteint d'un délire il erre pendant deux jours dans les rues de Rio avant de se présenter à un monastère qui le renvoie sur l'Hôpital psychiatrique .

En 1939 il a de nouvelles visions : des anges lui ordonnent d'offrir à Dieu une représentation du monde le jour de son passage dans l'au-delà.

Il va alors être définitivement interné avec l'étiquette de schizophrénie paranoïde . Il refusera toute médicamentation et toute intervention psychothérapeutique pour se consacrer jusqu' à sa mort en 1989 à la production de son œuvre. Une obsession traverse celle-ci : enregistrer son passage sur terre pour le jour de son ascension au Ciel, moment pour lequel il a préparé son majestueux « Manteau de Présentation » (voir photo), où se trouve inscrite une partie de l'histoire universelle.

Il passait ainsi des heures interminables isolé et enfermé dans sa cellule, en faisant de la couture et en construisant des objets les plus variés. Il défaisait les fils de son uniforme bleu de l'hôpital et s'en servait pour tisser et broder des textes, des panneaux. des étendards des manteaux . Bispo avait une passion pour les rebuts il rassemblait divers matériaux en fouillant les poubelles, récupérait des boutons des manches à balai, des bâtons en bois pour la construction de petits chariots et de bateaux ; ainsi il montait des pièces et composait des assemblages avec des bottes, des sandales, des cuillères, des sacs, des boucles de ceinture, des cintres, des seringues, des peignes, des outils, des chapeaux, des jouets en plastique……….déposés sur des présentoirs mobiles que l'artiste appelait ses vitrines. L'oeuvre dispose d'une solide unité : un même fil d'une couleur bleu infiniment passé extrait de sa tenue hospitalière lui sert à broder sur des cotonnades grèges d'étranges collections soigneusement rangées tantôt à la manière des planches qui illustrent les vieux dictionnaires , tantôt énumérant sur des oriflammes dates, trajets noms de personnes, pour finalement envelopper intégralement des objets de la vie quotidienne sur d' immenses panneaux .

C'est une oeuvre foisonnante, passionnante, surprenante, symbolique et décalée, qui n'en finit pas de nous fasciner par son attractif mystère . En marge de toute influence elle redéploie subjectivement toute une série de préoccupations artistiques du XX° siècle. Le regard est entraîné dans ces collections qui nous renvoient à l'évolution même de ce siècle des destroyers de la guerre 14 aux présentoirs de vêtement de mode c'est tout un univers qui capté par l'attention de l'artiste se transforme et nous emporte paradoxalement dans une grande sérénité

L'œuvre d'Arthur Bispo do Rosario, à de rares exceptions près, n'a été connue de la critique qu'après son décès en 1989 . Après une première présentation au Brésil, elle fut révélée au public international en 1995 à l'occasion de la 46e Biennale de Venise. L' exposition que je vous invite à voir est la première à lui être consacrée en France. Elle offre, à travers un choix de 79 œuvres, un aperçu quasi complet des différentes directions qu'il donna à sa production tout au long de son internement.

La comparaison avec les œuvres issues des collections de Saint Anne repose la question : chez certains aliénés peut on reconnaître directement le créateur, l'artiste ? Ou faut il d'abord évoquer les circonstances de l'élaboration et parler d'œuvre produite par un aliéné ?

Il me semble que la question pourrait être posée symétriquement pour l'œuvre d'un certain nombre d ‘artistes où une part de folie irrigue le processus de création Part souffrante ? Part sublimée ? Noyau malade ? Toutes ces dénominations ne serviraient elles pas à nous protéger de la peur d'être confronté à cette relation d'inconnu dont nous parle Rosolato ?