1- Dolto ou « Lorsque Françoise paraît » 

Le festival d’Avignon a encore brillé cette année, le In avec à sa direction, le nouveau directeur, Tiago Rodrigues metteur en scène portugais, successeur d’Olivier Py. de nombreuses perles se sont révélées parmi les 1600 spectacles vivants dans le « Off ». Témoin de l’immense travail en amont des compagnies. 

1- Dolto ou « Lorsque Françoise paraît » 

Texte et mise en scène d’Eric Bu, Atelier théâtre actuel et le Théâtre Lepic. 

Des flyers /tracts sont distribués au hasard des rues d’Avignon intra-muros, nous sommes fin juillet, les théâtres se tairont dans quelques jours libérant les artistes épuisé/es par trois semaines pleine d’activité.  Au verso du tract de cette pièce, quelque mots jetés, énoncés par Catherine Dolto*: « Pas facile de voir un spectacle qui fait revivre vos êtres chers...». 

Se pose la question, pourquoi Éric bu, auteur metteur en scène, a-t-il choisi le destin de Francoise Marette épouse Dolto après s’être consacré à Arlety [1} ? Dans le livre[2] consacré à la pièce, on lit que dès l’âge de 10 ans il s’est passionné pour cette femme, médecin, invitée pilier de l’émission « Lorsque l’enfant paraît » diffusée dans les années 1976/77. Jacques  Pradel menait l’interview de la pédiatre psychanalyste. Catherine Dolto, 3ème enfant du couple Françoise-Boris, a nourri les dialogues avec le souvenir des paroles de sa mère. Car il s’agit de la vie de la grande dame, Le fil de son existence est tiré depuis ses rapports ravageurs avec sa propre mère, ses liens familiaux, sa vie professionnelle jusqu’à sa place dans les médias. Françoise M.était la quatrième de la fratrie de 7. Enfants auxquels leur mère austère dispensait une éducation rigide de la fin du 19 ème- telle qu’elle avait dû la recevoir, et ce, particulièrement à ses filles. Elle s’est montrée très dure et même rejetante, car déroutée par cette enfant Françoise, trop éveillée à son goût, qui osait poser des questions impertinentes, dérangeantes. La fillette relevait les contradictions des adultes et ne se privait pas de le leur dire.

Devenue adulte, indulgente, intelligente, Francoise Marette posa un regard de thérapeute sur sa mère, une femme en deuil dans une infinie douleur due à la perte de sa fille aînée Jacqueline, la belle Jacqueline. Francoise, Vava, l’était moins jolie, sa mère s’est acharnée : Allait-on pouvoir la marier? Dans les années d’après grande guerre où tant de jeunes hommes étaient morts durant le conflit cette jeune fille aspirait à devenir médecin d’éducation. « Une fille? Vous n’y pensez pas, et puis cette spécialité n’existe pas. D’ailleurs le mot médecin ne se décline pas au féminin ». Mise à la porte du foyer familial mais protégée discrètement par son père Henri, elle ne céda pas sur son désir, et poursuivit ses études de médecine, sous une pluie de reproches et insultes de Suzanne la mère exultante. Assise sur les bancs de la faculté de médecine avec son frère Philippe, elle choisit la pédiatrie à une époque où « les enfants n’intéressaient personne » (sic) à l’hôpital Trousseau, Paris XII ème. La psychanalyse est entrée dans sa vie à une période où elle allait très mal et avançait péniblement dans ses études. Son père lui conseilla d’aller consulter le psychanalyste René Laforgue. Psychanalyste de son frère également. Enfin, compagne de route de Jacques Lacan, ils fondèrent ensemble une théorie psychanalytique nouvelle. René Boris, son époux, d’origine russe, rhumatologue, apporta une influence très audacieuse à la médecine physique de rééducation et fonda l’école Boris Dolto, d’orthopédie et de massages. Une galerie de pas moins de 23 personnages constitue le socle de la pièce, soulignons la représentation de Boris, leur fils Carlos, leur fille Catherine, et surprise, le BAG ou Bon ange gardien qui l’accompagna tout au long de sa vie. Au moment de mourir, Françoise confie à sa fille. « C’est juste une fin de vie qui se déroule ...c’est à la fois Jouissif et inquiétant.» (sic)

La petite troupe de trois comédiens, trois seulement, est emmenée par le dynamisme de Sophie Forte dans le rôle de Françoise tout au long de sa vie. Christine Gagne-pain défend le rôle ingrat de Suzanne Marette, puis de la journaliste « D’aujourd’hui Madame », la mère d’un bébé en consultation, enfin Catherine Dolto…

Stéphane Giletta joue successivement, Henri Marette, Édouard le promis, le journaliste Bernard Pivot, René Laforgue, Jacques Lacan, un curé, Jean Rostand, il passe de l’un à l’autre avec une agilité déconcertante.  

*Catherine Dolto a dit avoir  ressenti une vive émotion en assistant au spectacle de cette pièce qui la touche beaucoup: « tout n’est pas exact, mais en définitive tout est vrai, c’est le principal. » En effet sa mère était moi ns leader et plus calme que ne joue Sophie Forte. Les phrases de la fin de vie de Françoise Dolto recueillies par sa fille sont authentiques. 

Françoise Duplex