Miguel de Azambuja : « Où étiez-vous ? » Gallimard - Coll. Connaissance de l’inconscient - 99 p.

Voici un livre incontestablement agréable. Organisé à partir des notions d’apparition et de disparition et de leurs sens multiples. Comment les gens, les choses, les situations apparaissent-ils et disparaissent-ils de nos vies ? Le premier livre de Miguel de Azambuja « Et puis un jour nous perdons pied » traitait plutôt du vertical, des sols, des assises qui se dérobent, celui-ci est horizontal, à propos des cloisons, les vraies et les fausses, celles qui tiennent ou ne tiennent pas le coup, même et surtout après un parcours analytique. En quelque sorte un livre d’architecte.

Quelqu’un qui vient d’annuler un rendez-vous, l’immobilité de l’analyste, le patient qui se dissimule, sorte de patient clandestin, apparitions et disparitions à la fois du patient et de l’analyste, le deuil, les retrouvailles, les partis sans laisser d’adresse, l’espace laissé par quelqu’un ou quelque chose qui a disparu, qui peut réapparaître, la mer qui se retire, voici ce que ce livre nous permet d’entrevoir de la finesse de nos cloisons intimes. Une succession de chapitres qui nous font mesurer à quel point ces choses infinitésimales sont essentielles, décisives. Comment nous passons des unes aux autres par des chemins de traverse entrouverts par des moindres détails.

N’y cherchons pas de rationalité, il n’y en a pas. Ou alors appuyée à la volonté de ne rien savoir d’avance. Ça se lit comme un rêve avec de multiples lignes de fuite, et malgré tout, ça tient debout, ça se récupère toujours, comme dans une cure. Ouvrage difficile à classer, ce n’est pas un essai, un récit, un roman ou de la poésie, c’est une sorte d’ovni, une exception culturelle, le seul habitant de son village psychanalytique. Les ingrédients qui sont à l’intérieur de ses livres, l’auteur va les chercher dans la littérature, le cinéma, la musique, mais aussi le football, ainsi le jeu de Messi qu’il compare au dribble analytique. Il commence souvent par « cela me fait penser à… » puis surgissent pêle-mêle, outre Freud et Lacan, Cat Stevens, Le Titien, Roland Barthes, les Rolling Stones, Georges Perec. Auteurs, analysants, musiciens, images, tout est réminiscence, déambulation, humour, ironie. Ecrit sur le mode de l’association libre ou flottante, ou de l’hypnose. D’un moment à un autre, d’un patient à un autre, c’est comme on voudra.

Un livre gentil au sens d’un livre qui a de bonnes manières, dans lequel nous passons également avec l’auteur un moment d’amitié avec J.-B. Pontalis. Une façon élégante de rencontrer la psychanalyse, peut-être même de la réhabiliter, de montrer que celle-ci ne se résume pas à la clinique. Surtout pas de termes techniques. On peut lui reprocher un certain désordre. Il fait le pari de la poésie qui seule peut arriver à éxcéder la pensée. Un poète qui serait devenu analyste. Les analystes ont tous une origine qui transpire. On se prend à souhaiter à celui-là que ses deux premiers ouvrages, courts, réussis, soient des prémices avant un mets plus copieux.

Le psychanalyste Miguel de Azambuja a publié « Et puis un jour nous perdons pied » en 2010 dans la collection « Connaisance de l’inconscient » chez Gallimard.

 

Anne Djamdjian

20.09.2017

 

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