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La notion de caractere chez Freud François Villa 118 p PUF 2009
Pour un psychanalyste, la lecture régulière de Freud s’apparente à l’exercice des gammes pour un pianiste : un travail nécessaire voire indispensable. Avoir pratiqué cette lecture pendant plus de quarante ans, parfois de façon intense parfois de manière plus épisodique ne change rien à la perpétuelle surprise que celle-ci me procure, et il m’est assez facile d’imaginer dans quel remue-ménage intellectuel se trouvaient ceux qui, du temps de Freud, ont commencé la pratique de la psychanalyse.
C’est à cet exercice que François Villa nous invite : Revenir a une lecture attentive de Freud, le suivre dans les étapes de son élaboration conceptuelle, s’interroger sur tel ou tel aspect de sa pensée. Posons donc sur notre table de travail, en compagnie de ce livre, modeste dans sa pagination mais pas dans son propos, les « trois essais sur la théorie sexuelle » (1905) le recueil de texte connu sous le titre « névrose, psychose et perversion » qui contient notamment « caractère et analité » (1908) « la disposition a la névrose obsessionnelle » (1913) et « Quelques types de caractères dégagés par la psychanalyse (1916), en gardant une place particulière pour deux textes fondamentaux, celui du tournant de 1914 « Pour introduire le narcissisme » et « le moi et le ca » dans lequel Freud rebâtit sa métapsychologie. À tous ces ouvrages, on joindra, pour faire bonne mesure, par exemple le « Dictionnaire Freudien » de Claude Le Guen1 et le non moins freudien « Dictionnaire de la psychanalyse » d’Alain de Mijolla.2
François Villa au passage nous fait un utile rappel : deux ouvrages de Freud ont été l’objet de plusieurs versions, « l’interprétation des rêves » et les « Trois essais sur la théorie sexuelle. » S’en tenir a la dernière version ne permet de comprendre ni la progression ni les variations de la pensée de Freud. François Villa va plus loin encore considérant ce dernier livre comme une sorte « d’imitation de l’objet qu’il étudie en le construisant : il est comme lui un montage complexe auquel sont apportées les contributions des recherches théoriques entreprises au cours d’un temps assez long dans divers champs de la psychopathologie ». Un ouvrage récent concernant les 6 éditions de « l’interprétation des rêves » vient d’ailleurs d’éclairer de cette intéressante question.3
Comme le souligne l’auteur, la notion de caractère n’est pas un concept psychanalytique. Pourtant sa présence épisodique tout au long de l’œuvre de Freud pose des marques importantes dans ses tournants conceptuels. C’est d’ailleurs en lisant le titre du livre de François Villa que je me suis interrogé : en quoi dans ma pratique suis-je amène a me poser la question du caractère ? et que pourrais-je bien en dire a qui serait tente de me questionner a ce propos ? il m’a bien fallu en convenir, je ne me sers jamais de la notion de caractère et quant à en énoncer autre chose que des banalités, j’en étais, avant la lecture de cet ouvrage, tout à fait incapable.
Retenant comme définition de cette notion de caractère l’usage courant qui en est fait, François Villa, se référant a Voltaire en fait d’entrée de jeu un équivalent de l’instinct animal. « un prêt-à-réagir qui viserait à annuler ce qui est arrivé avant que cela n’ait donné lieu a une prise de conscience ». Plus loin, avec Freud, il complétera cette comparaison en ajoutant que ce « prêt -à- réagir »semble plonger dans le patrimoine collectif de l’humanité. Il faut dire que cette notion rend Freud lui-même assez circonspect voire dubitatif et en tout cas prudent cherchant à éviter la mise en place d’une caractérologie aussi rigide que son sujet. C’est en partant des pulsions partielles prenant naissance dans les zones érogènes du corps et en se limitant pour l’essentiel a ce qui touche à l’analité que Freud fait le lien entre certains types de comportement et ce qu’il nomme « un comportement d’organe ». Le voici donc conduit à constater que certaines personnes sont à la fois ordonnées, économes et entêtées. Faisant le lien avec les pulsions anales, il conclut que les traits de caractère sont « soit la continuation inchangée des pulsions originaires, soit la sublimation de celles-ci soit des formations réactionnelles contre ces pulsions » et si Ferenczi tentera pour sa part de dégager les traits d’un caractère oral sans oublier les essais infructueux de Reich concernant une supposée « névrose de caractère » Freud quant à lui en restera pour l’essentiel aux relations entre caractère et analité.
On doit déjà souligner que cette notion même de névrose de caractère est en contradiction avec la pensée de Freud. François Villa, ne manque pas de souligner que la notion de caractère s’oppose à celle de refoulement. Le caractère présente un aspect figé. Il se présente sous l’aspect d’une formation résiduelle relativement indestructible « échappant à l’érosion tant temporelle qu’élaborative ». La description qu’en donne Freud nous l’indique assez : caractère inchangé des pulsions, sublimation ou formation réactionnelle ces trois issues s’opposent au refoulement qui est lui par nature dynamique et donc susceptible d’évoluer par la pratique de la psychanalyse et l’usage du transfert. Ce point nous permet de répondre a la question de savoir en quoi le caractère échappe pour l’essentiel a la pratique psychanalytique, même si, et c’est, peut-être, le point qui nous écarte assez sensiblement de l’auteur, celui-ci en fait la visée ultime, via l’analyse des résistances.
Cette immuabilité du caractère, me semble faire l’une des originalité du travail de François Villa : montrer qu’il y a en quelque sorte comme une anticipation, une actualisation de la pulsion de mort dans la notion de caractère. En effet « Le trait de caractère se révèle être le monument commémoratif d’un choix d’objet auquel il a du être renoncé ou d’un mode d’organisation de la libido qu’il a fallu abandonner en raison de certaines circonstances. » cet abandon est aussi la cicatrice du narcissisme blessé et s’accompagne inévitablement d’une perte d’une part de la réalité comme les développements ultérieurs le montreront.
L’aspect figé, stable statique du caractère est une notion qui ne varie pas au cours des étapes de la pensée freudienne dont suivra pas a pas les progrès en lisant ce livre de François Villa et notamment lorsque nous aborderons l’étape clé du narcissisme et des développements de la notion d’identification. Le travail théorique de Freud va se centrer sur les relations économiques topiques et dynamiques entre le moi et l’investissement d’objet et sur ce qu’il est convenu d’appeler le destin des pulsions. Cette construction du sujet dans tous les aspects de sa personnalité se fonde en effet sur l’histoire de ses identifications nous dit Freud en ce qu’elles constituent le destin positif de la pulsion investie dans l’objet. C’est en particulier par l’identification que l’on sort par le haut des investissements oedipiens.
Assumant la posture d’un guide a la fois subtil et éclairé, François Villa se livre non pas a l’énonciation de quelque thèse révolutionnaire mais émaille sa lecture, tel le petit poucet, de remarques intelligentes qui nous font agréablement cheminer avec lui. La non conclusion du livre en donne assez le ton :
« j’aurai voulu ne pas être contraint de reconnaître, au terme de ce travail, que le caractère, quoi que j’ai pu en cerner, reste effectivement cette « chose difficilement définissable » comme l’avouait Freud en 1933.Et, je pressens que le mal que j’ai à renoncer au désir impétueux de tout comprendre et à accepter l’insatisfaction qui résulte de la mise en échec de ce désir n’est pas sans rapport avec l’objet de mon étude. Le caractère n’est-il pas marque de la difficulté que représente pour l’humain la substitution du principe de réalité au principe de plaisir ?
Un livre, on le voit, à placer entre toutes les mains.
- 1.
Claude Le Guen . Dictionnaire Freudien Paris PUF 2008
- 2.
Sous la direction d’Alain de Mijolla Dictionnaire International de la Psychanalyse Paris Calmann-Levy 2002
- 3.
Lydia Marinelli et Andreas Mayer Rêver avec Freud. L’histoire collective de L’interprétation du rêve. Paris Aubier 2009 Collection Psychanalyse