Qu’est-ce qu’une « thérapie de conversion » et en quoi les psychothérapies qui explorent le malaise des adolescents qui se questionnent sur leur identité sexuée ne sont pas des thérapies de conversion?

 

La thérapie de conversion appelée encore « thérapie de réorientation sexuelle » est un ensemble de méthodes coercitives très diverses qui visent à modifier, à réprimer l’orientation sexuelle de personnes homosexuelles afin de les « convertir » à l’hétérosexualité. Cette torture psychologique voire physique (électrochocs, exorcisme etc..) a été pratiquée par des professionnels de la santé et par des religieux ou des sectes notamment aux Etats-Unis.

 

 

La loi sur les thérapies de conversion

 

Le 25 janvier 2022, la loi d'interdiction des thérapies de conversion est définitivement adoptée, inscrivant dans le code pénal un délit spécifique, passible de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

 

En quoi cette loi concerne l’identité de genre ?

 

Le législateur a associé dans la même loi la répression de l’orientation sexuelle à celle de l’identité de genre :

 

Art.225-4-13 Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

 

Toutefois il est précisé :

 

« L'infraction prévue au premier alinéa n'est pas constituée lorsque les propos répétés invitent seulement à la prudence et à la réflexion, eu égard notamment à son jeune âge, la personne qui s'interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe. »

 

COMMENTAIRES

 

Nous approuvons sans réserve l’interdiction des thérapies de conversion pour les homosexuels. Ceux-ci ne doivent subir aucune contrainte en raison de leur orientation sexuelle et être acceptés et respectés et écoutés dans leur questionnement au même titre que tout autre.

La situation des transgenres n’est pas de même nature. Elle implique des transformations du corps qui pour certaines sont irréversibles. Elle comprend la prise d’hormones et le plus souvent s’accompagne d’actes chirurgicaux. L’homosexuel ne demande rien à la médecine tandis que le transgenre demande le plus souvent une prise en charge médicale à vie, voire chirurgicale, remboursée par la sécurité sociale. Dès lors, cette prise en charge concerne la société dans son ensemble donc chacun d’entre nous. Les jeunes qui se disent transgenres éprouvent un profond malaise dans leur corps de fille ou garçon et affirment qu’il ou elle ne serait pas né(e) dans le « bon corps ». Il ou elle demande dès lors à en changer, considérant qu’ils ont été « assignés » à un sexe dont ils ne veulent pas au nom de leur ressentis et de leur droit à l’autodétermination.

 

Un adulte décide pour lui-même ce qui est bon pour lui mais un mineur ? Toutes les nuances peuvent exister entre transitions sociales et médicales, mais une confusion existe entre sexe et genre : une transition médicale demandée au nom du changement de genre qui implique des modifications sur le sexuel, la sexualité, et le corps sexué, à court, moyen ou long terme n’est- elle pas une « conversion » ? Un mineur (qui n’a généralement encore aucune expérience sexuelle) peut-il décider sur son seul ressenti d’en passer par des traitements médicaux qui ont des conséquences dont certaines sont irréversibles sur sa santé, son développement neurocognitif, son insertion sociale future, ses possibilités de procréation sans prendre un peu de temps de réflexion ?

Les « ressentis » sont à entendre et non à prendre à la lettre sans les intégrer dans le récit d’un patient et de sa famille. Les ressentis sont labiles d’autant plus à cet âge de métamorphoses psychiques et physiques où de très nombreux adolescents se questionnent sur leur identité sexuée. Une transition médicale peut s’entendre, pour nombre d’entre eux, comme une volonté de changer d’orientation sexuelle : une fille qui aime une fille deviendrait un garçon qui aime une fille.

 

Les personnes de plus en plus nombreuses qui reviennent à leur sexe natal quelques années plus tard, se plaignent amèrement du mode de prise en charge dit « transaffirmatif » consistant à accompagner le désir exprimé par le jeune sans les interroger plus avant. Ils dénoncent les enrôlements rapides sans évaluation de leur psychopathologie ou de leur traumatisme notamment dans le cadre dit « d’un consentement éclairé » problématique dans des conditions de souffrance psychique. Elles soulignent qu’elles auraient eu besoin d’un accompagnement qui leur permette d’explorer leurs souffrances psychiques. Nombre d’entre elles disent que, si elles se traduisent par la demande de changement de genre, en fait elles ne concernaient pas le genre. Elles se sont rendues compte que, pour 60 à 70% d’entre elles, leur dysphorie était liée à leur psychopathologie et pas au genre. Ainsi, et c’est la demande de jeunes qui en ont été privés et qui en ont pâti, accueillir cette demande dans un cadre psychothérapeutique exploratoire et bienveillant ne relève aucunement de la thérapie de conversion comme la loi le précise. Cette prise en charge a pour but de permettre à ces jeunes de comprendre la nature de leur malaise, d’aller mieux psychiquement, et ainsi de faire des choix, quels qu’ils soient, en dehors de toute pression.

 

La notion de « demande » au sens psychanalytique a été pervertie au profit d’une demande d’autorisation à avoir accès aux traitements médicaux et s’inscrit dans une demande effrénée de réponses immédiates symptomatiques de nos temps présents et constatées dans d’autres registres très prisés par les adolescents : consommation numérique massive et addictions diverses etc… Dans tous ces cas, le registre émotionnel immédiat et les circuits de la récompense sont sollicités sans qu’aucune limite soit posée par des adultes.

 

Le psy se retrouve pris dans une démarche idéologique qu’il le veuille ou non, à devoir satisfaire cette « demande ». Ainsi dans les consultations dédiées, il est préconisé d’accompagner la demande et de ne pas l’interroger.

Cette demande risque de cautionner un passage à l’acte médico-psychologique chez un adolescent en proie à des questionnements subjectifs. En tant que professionnels, l’éthique nous amène à respecter une temporalité fiable, dans les entretiens et séances psys pour tenter d’aider un jeune à éclairer le sens de sa demande.

 

 

Une information récente datant du 28 juillet 2022, annonce la fermeture de la plus importante et renommée clinique du genre pour enfants et adolescents en Europe – le GIDS Gender Identity Development Service – après qu’un rapport d’une pédiatre le Dr. Hilary Cass, ait révélé, dans sa mission d’expertise pour la NHS (National Health Service : la Santé publique du Royaume- Uni), les dysfonctionnements du GIDS. Notamment la prise en charge inadaptée proposée à ces jeunes qui souffrent de nombreux troubles psychopathologiques (troubles anxio-dépressifs, troubles du comportement alimentaire, autisme, TDAH, traumatismes divers…). Par ailleurs, les bloqueurs de puberté sont largement pointés du doigt face au manque d'études scientifiques et cliniques sur les effets à court, moyen et long terme aussi bien sur le développement neurocognitif que sur le plan somatique (lettre du Dr Cass publié le 19 juillet dernier et adressé à la NHS England https://cass.independent-review.uk/wp-content/uploads/2022/07/Cass-

 Review-Letter-to-NHSE_19-July-2022.pdf)

 

Dès lors accompagner cette demande de changement de sexe fondée sur les seuls ressentis est fortement remis en question comme seule solution à un malaise adolescent. Écouter, interpréter, laisser du temps au temps ne peut d’aucune façon être assimilé à une thérapie de conversion.

Signé par :

Observatoire La Petite Sirène

ALI, Association Lacanienne Internationale

Le Mouvement du Coût freudien

Psychanalyse Actuelle