Le point sur la situation de l'adoption en France par le Dr Fanny Cohen Herlem

enfant adoption

La situation des parents souhaitant adopter des enfants a notablement évolué ces derniers mois.
La législation a en effet changé mais aussi la possibilité d'adoption à l'étranger qui s'est notablement réduite.
Nous avons demandé à notre consoeur Fanny Herlem de nous aider à y voir clair. 
LLV

Une loi sur l’adoption a été votée en février 2022. Cette loi a interpellé nombre d’acteurs de l’adoption, Associations de parents, Organismes intermédiaires, Professionnels… Le Conseil national de Protection de l’Enfance avait été saisi pour étudier les propositions et faire des recommandations. Les critiques sur la loi ont été nombreuses.

Pour mémoire, les candidats à l’adoption doivent faire une demande auprès de leur Conseil départemental. A la suite de cette demande, ils assistent à une réunion d’information obligatoire, puis, s’ils persistent, ils seront « évalués » par un travailleur social du département et un psychologue. Parfois il leur est demandé de rencontrer un pédopsychiatre/psychiatre.
Le processus dure neuf mois. Au bout des neufs mois, la Commission d’agrément se réunit pour valider ou non la demande. Si elle est validée les candidats devront s’adresser soit à des organismes de droit privé autorisés et habilités dans certains pays d’origine soit à leur département s’ils veulent adopter un enfant Pupille*, c’est-à-dire né en France.

 

Cette nouvelle Loi qui était censée « sécuriser » l’adoption se révèle bien en deçà de ses objectifs sur un certain nombre de points et semble plutôt faite pour répondre à des demandes de personnes souhaitant se voir faciliter l’accès à l’agrément. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’être marié pour adopter en couple. Pacsés, concubins, vivant en couple depuis un an peuvent faire une demande. C’est bien peu ! On sait qu’entre le moment de l’agrément et celui de l’arrivée d’un enfant plusieurs années se seront écoulées, mais qu’en sera-t-il du couple ?

Quid de la « solidité » et du temps nécessaire à la réflexion d’un tel projet pour un couple uni depuis une seule année. On se rappellera que l’enfant adopté est un enfant qui a été abandonné et qui, la plupart du temps a vécu plusieurs ruptures de liens.

Par ailleurs, la plupart des pays d’origine, n’acceptent que les célibataires ou les couples mariés. Et, pour ces derniers, demandent un certain nombre d’années de mariage.
De même, la différence d’âge entre l’enfant et le plus âgé du couple était de 45 ans, elle est à présent de 50 ans ! Mais, après tout, dans les temps où nous vivons, nous sommes tous jeunes, forts et sportifs… et avoir un père ou une mère de 70 ans, pour un jeune de 20 ans, où serait le problème ?

Pour « compenser » on peut, à présent faire une demande d’adoption dès l’âge de 26 ans, jusqu’à présent la limite était 28 ans…

Le législateur a donc voulu « moderniser » la loi pour la rendre plus conforme à « l’évolution de la société » !

C’est également la raison pour laquelle, il y a, à présent, dans les Conseils de Famille, un siège pour une personne luttant contre les discriminations, donc, un seul siège pour un représentant qualifié dans le domaine de l’enfance ! Il n’y en avait que deux, ce qui était déjà fort peu…

La « discrimination » en fait, concerne essentiellement les couples homosexuels, qui, dans plusieurs journaux et instances se sont plaint de ne pas se voir attribuer d’enfants par les Conseils de famille, du fait de leur « orientation sexuelle ».

 

Tout n’est cependant pas à jeter, la préparation obligatoire (sans cependant donner de moyens supplémentaires), l’interdiction à des organismes de droit privés (associatifs) de procéder au recueil puis à l’adoption d’enfants nés sur le sol français. En fait, ceux-ci se dédiaient surtout à l’adoption d’enfants porteurs de problèmes de santé importants, et cette activité était déclinante depuis plusieurs années.

 Tout ceci ne tient pas compte du fait que les enfants proposés à l’adoption à l’international sont des enfants dont les 2/3 sont des enfants dits « à besoins spécifiques » c’est-à-dire grands, en fratrie, ou porteur de pathologies diverses et variées, ce qui ne correspond en général pas au projet des candidats.

Et qu’il y a peu d’enfants Pupilles adoptables.

A l’heure actuelle il y a environ 8 à 10.000 agréments en cours de validité, 254 adoptions internationales en 2021 et entre 5 et 700 enfants nés sous le secret adoptés par an. Les enfants Pupilles sont au nombre d’environ 4371 en 2019 dont 621 placés en vue d’adoption.

La loi risque simplement d’augmenter le nombre de candidats mais comme le nombre d’enfants adoptables ne varie pas ou très peu en France, et a tendance à diminuer à l’étranger, la frustration des candidats pourrait s’allier au fait de modifier un projet initial, ce qui ne sera pas sans risque pour les enfants autant que pour les adultes.

Vouloir faire adopter plus d’enfants pupilles reste un leurre

En effet, la plupart des enfants pupilles qui ne sont pas adoptés sont des enfants grands, en fratrie ou porteur de problèmes de santé.

Cependant pour pourvoir à ce « manque d’enfants adoptables », le gouvernement a décidé de faciliter l’adoptabilité des enfants placés à l’Aide Sociale à l’Enfance, comme si certains enfants pouvaient échapper au regard des professionnels de l’A.S.E qui doivent procéder à l’étude régulière du statut des enfants pour qu’il soit le plus favorable possible.

Jusqu’à présent pour qu’un enfant pupille soit adoptable il fallait demander leur consentement à leurs parents. A présent le fait de demander le statut de pupille pour son enfant infère d’emblée qu’il peut devenir adoptable. Le statut de Pupille « à titre provisoire » n’existe donc plus, qui permettait aux parents d’aller rechercher leur enfant dans un délai de deux mois.

L’Aide Sociale à l’Enfance deviendrait donc une sorte de « vivier » d’enfants adoptables. Disponibles pour les demandeurs. Ce n’est plus l’intérêt de l’enfant qui est, en fait en jeu, mais bien celui de ceux qui veulent avoir un enfant.

Cette mesure semble, dans l’esprit du législateur, pallier la baisse du nombre d’enfants adoptables nés à l’étranger. En effet les pays d’origine développent l’adoption nationale ou se ferment progressivement.

 

 

L’adoption est une mesure de protection de l’enfance et doit répondre aux besoins d’un enfant et non répondre à des demandes d’adultes désireux d’avoir des enfants.
Il s’agit donc d’un processus au cours duquel, les candidats à l’adoption sont évalués dans leurs capacités adoptives, c’est-à-dire leurs capacités à prendre en compte les particularités de ces enfants, liées à leur histoire faite la plupart du temps de ruptures multiples, en plus de l’abandon initial, et des éventuels traumatismes de d’ordres divers qu’ils ont pu subir avant de rencontrer leurs futurs parents.

L’adoption n’est pas, loin de là, qu’une « histoire d’amour ». C’est la rencontre, le plus souvent, entre des personnes qui n’ont pas pu avoir d’enfant, alors qu’ils le désiraient, et un enfant qui a « perdu » ses parents, et, pour ceux qui sont nés à l’étranger, vont perdre leurs repères culturels, familiaux, …

Entre l’imaginaire des candidats et la réalité de ces enfants il y a un écart souvent très grand, qu’il leur faut tenter de combler en travaillant sur eux, sur leur renoncement à l’enfant biologique, sur leurs représentations de ce que sont des enfants, ces enfants, de leurs besoins particuliers, et de leur entrée dans leur filiation. Pour les enfants, ce sera également le deuil d’une vie avec des parents biologiques, la perte de repères et le long chemin pour rétablir une confiance envers les autres et soi-même, et pour pouvoir conquérir une place vécue comme légitime dans une famille.

De nos jours nous sommes confrontés aux recherches des parents de naissance par des jeunes adultes nés à l’étranger et adoptés dans les années 2000 ou auparavant. La plupart des pays d’accueil sont confrontés aux irrégularités passées et à la souffrance de ceux qui en ont été l’objet.

Serait-ce une raison supplémentaire pour « faciliter » l’adoption d’enfants pupilles ?

 

 

 

*L'enfant peut obtenir le statut de pupille de l'État en l'absence de parents ou à la demande de ces derniers s'ils existent ou à la demande d'un tuteur ou d'un juge.

Il est alors placé à l’Aide Sociale à l’Enfance

Ce statut peut lui être attribué dans les cas suivants :

  • Enfant de parents inconnus (enfant trouvé ou né sous X), recueilli par l'aide sociale à l'enfance (l'Ase) depuis plus de 2 mois
  • Enfant dont le lien de parenté (filiation: Lien juridique entre un enfant et son père et/ou sa mère) est établi et connu, et qui est remis à l'Ase par une personne responsable de lui (autre que ses parents : tuteur, curateur,...) depuis plus de 2 mois, pour devenir pupille de l'État
  • Enfant orphelin, recueilli par l'Ase depuis plus de 2 mois, pour lequel aucun membre de la famille ne veut ou ne peut être le tuteur
  • Enfant confié à l'Ase depuis plus de 6 mois, par l'un ou ses 2 parents, pour devenir pupille de l'État
  • Enfant confié à l'Ase par ses parents qui ont fait l'objet d'un retrait total de leur autorité parentale
  • Enfant pour lequel une décision de justice de délaissement parental: Lorsque les parents ne s'occupent pas de l'enfant et n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête auprès du juge aux affaires familiales (abandon) a été prononcée

 

 

Dr Fanny Cohen Herlem

Psychiatre Qualifiée en pédopsychiatrie

Psychiatre Conseil auprès du secrétariat général du Service Social International

 

Dernier ouvrage paru :

L’adoption en question… et les questions des enfants adoptés

Éditions Pascal