Choisir ?

réanimation

«  Nous avons malgré tout réussi à ne pas faire de triage, nous n’avons abandonné personne » Yves Cohen Chef du service de réanimation de l’hôpital d’Avicenne.

 

Quand on diffuse une information durant ces périodes troublées, qu’elle provienne d’une autorité médicale où politique, ou de quelque autorité que ce soit, chacun est bien conscient ou devrait l’être qu’il faut faire un choix, dire la vérité et provoquer des réactions douloureuses voire incontrôlables, mentir, mentir un peu, beaucoup énormément ? cela, bien entendu, conduit chacun à se demander ce qui est vrai, ce qui est faux, tout est faux et c’est la théorie du complot, tout est vrai et c’est se comporter comme un simple d’esprit. Peut-on rapporter certains témoignages reçus en confidence et qu’en pensera celui qui nous les a confié ? la protection du secret médical, la protection des sources dans le journalisme, sont des lignes rouges qu’il ne faut en aucun cas franchir.

 

Les gouvernements subissent les effets de ce qu’ils ne contrôlent pas. Leur popularité augmente si un pays remporte une victoire sportive, ils subissent les critiques s’ils  n’ont pas su  faire face à une catastrophe. S’ils ont le droit de nous mentir alors ils doivent rendre des comptes. Si ce n’est aujourd’hui alors demain sans faute.

 

Nous n’avons abandonné personne, nous dit ce patron ? qui peut le croire ?. Une politique de santé publique, rappelait il y a quelques années Antoine Lazarus c’est choisir ses morts. Aucun gouvernement n’échappe à cette réalité, une réalité qu’il ne peut à l’évidence assumer. En période de calme, cette donnée de base échappe à l’évidence. Elle doit à tout prix être combattue sans relâche au cas par cas. Elle n’en est pas moins présente. Choisir telle ou telle  destination pour tel ou tel laboratoire, telle recherche, tel achat de matériel a des conséquences. Personne ne saura jamais le nom des victimes, ni la souffrance que cette décision aura engendrée. On ne saura pas non plus qui aura été sauvé.

 

Tous ceux qui sont en situation de faiblesse, psychique les malades dans les Hôpitaux psychiatriques, liée à l’âge dans les Ehpad en particulier , du nourrisson au grand vieillard,  atteints d’une affection chronique se sentent concernés voir terrorisés  par cette question. Suis-je dans le lot  ?

 

Ce n’est, je l’espère, pas faire un mauvais procès au Pr Cohen dont je ne doute ni de la sincérité , ni de l’éthique que de souligner que ce qu’il dit au journal « Le monde »  n’est qu’une demi vérité car elle cache une autre donnée : dans les (certains ?) Ehpad il n’y a plus d’oxygène car réservés aux services de réanimation,  l’hypnovel permettant la sédation profonde n’est plus fourni  car réservé exclusivement à la réa. Ce qui aboutit à condamner les patients de gériatrie qui sont atteints de Covid à décéder de manière particulièrement pénible. Les soignants sont en état de choc. On les comprends.

 

Dès le début les masques et les blouses et tous les produits permettant de se protéger ont été réservés aux hôpitaux, exposant les soignants, médecins en libéral , infirmiers etc. à la contamination donc entraînant un certain nombre de morts parmi eux ; Aujourd’hui les caissières de supermarché sont exposées plus que d’autres à la contamination. C’est un choix qui entraînera sans aucun doute parmi elles un certain nombre de décès dus au COVID.

 

C’est aussi cela la réalité des choix qui sont faits. Ils se comptent en nombre de morts mais des morts anonymes perdus dans les statistiques. La souffrance et le deuil eux ne le sont pas, celle des proches comme celle des soignants.

LLV

Comments (2)

Merci pour votre point de vue, que je partage tout à fait. Cette nuit j'ai fait un cauchemar où je pleurais à l'annonce des morts, etc. Entrecoupée de moments de détente et d'apaisement bien temporaires, face à ces décès en masse, la tristesse est là, prégnante, et même si on n'est pas (ou pas encore) touché(e) de très près. Les enseignants ont été très exposés aussi jusqu'au confinement, et j'ai plusieurs collègues qui ont été malades ces deux dernières semaines. Pour les nouvelles que j'ai, pour le moment aucun n'a eu de formes aggravées, mais ils ont été très malades chez eux, et la plupart toussent encore beaucoup (les visioconférences où ils ont pu être présents en étaient témoins). Mais quid des collègues dont je n'ai aucune nouvelles depuis plusieurs jours ? Notre ministre nous exhorte à assurer une continuité pédagogique, à assurer le lien social avec nos élèves (veille psycho-affective, soutien moral, prendre des nouvelles régulièrement, etc.), on évoque la reprise (sans doute au delà du 4 mai finalement), mais personne n'évoque le port du masque pour les profs qui vont se retrouver à nouveau face à des groupes nombreux... Incroyable. Pour ma part, en congés depuis vendredi soir je me suis portée volontaire comme d'autres pour assurer un contact même pendant les dates officielles des congés scolaires, notamment auprès de ceux, précarisés, dont les difficultés sont accrues par le confinement : c'est-à-dire nos élèves dits "mineurs non accompagnés". Car là aussi un choix social est fait, et la "chance" est un facteur actif en l’occurrence : ainsi j'ai un élève assez bien loti, qui vit dans un vrai appartement dans le 91, avec d'autres jeunes; il semble aller bien, il prépare lui-même sa nourriture, il a son autonomie, etc. Par contre il y a des élèves "MNA" qui ont été délogés au moment du confinement , et relogés dans des conditions beaucoup plus médiocres : hôtel sans confort, nourriture préparée à l'extérieur (et dans quelles conditions d'hygiène ?), et assez immangeable d'après les jeunes, etc. Bref, les choix se révèlent aussi sur le terrain social, et les inégalités ne peuvent pas, ou plus être "masquées"... Courage et forces pour la suite à vous et aux lecteurs du site, bien cordialement. Nathalie Cappe.

Oui, merci beaucoup pour ces contributions ! Je rebondis sur le message de Nathalie Cappe, étant moi-même professeur. Il est scandaleux de la part de JM Blanquer d'avoir conservé pour le bac cette année, comme seule épreuve de type académique l'oral du bac de français. Afin de se dédouaner sans doute de l'accusation de laxisme et droit dans ses bottes le ministre accomplit ici une quadruple forfaiture par rapport aux professeurs et à leurs élèves. 1) Il donne - à la veille de vacances pourtant bien méritées après ces sollicitations permanentes et variées dues à l'assignation au travail à distance des uns et des autres -, un stress pas possible aux seuls gamins de 1ère 2) Il prouve une fois de plus sa déconsidération totale - pour ne pas dire plus - pour ces profs de Lettres qui vont interroger chacun 70 ou 80 candidats en 5 jours - tout dépend du nombre de collègues qui se feront porter pâles et useront de leur droit de retrait -, soit passer en moyenne 7 heures par jour à recevoir les postillons des élèves. Sauf que non : nous porterons des masques. Imaginez : entre bouteilles d'eau désinfectées - période caniculaire oblige - et flacons de gel hydroalcolique - enfin s'il y en a - nous interrogerons les élèves sur Oh ! Les beaux jours ou mieux Fin de Partie, le visage recouvert d'un masque made in home confectionné à l'aide d'un filtre à café ou d'un bout de Sopalin. Rassurant. Il est vrai que lors de la dernière cession en pleine canicule le ministre avait eu ce mot d'empathie retransmis au journal de 20h "les candidats ne souffriront pas longtemps, l'épreuve ne dure que 20 mn". J'avais été révoltée alors par ce déni de l'existence même des professeurs, qui, eux, sont vissés des heures à leur chaise dans des endroits souvent étouffants, toujours en pleine canicule puisque l'épreuve se déroule depuis plusieurs année fin juin début juillet, alors que règnent des moyennes de plus de 35°. Mais nous n'existons pas. 3) Les conditions mêmes de passation de l'épreuve sont une fumisterie : presque jamais nos élèves (et moins encore dans les lycées où se concentrent les problèmes sociaux, j'imagine !!!) n'ont eu le temps de vraiment s'entraîner oralement dans les conditions de l'examen puisque dans de nombreux lycées les entraînements de type bac blanc n'avaient pas encore eu le temps de se tenir. Or l'oral de l'élève, ce n'est pas le cours du prof seulement. C'est une habileté particulière qui se construit progressivement. 4) Le ministre prend le risque d'obliger les élèves à passer une épreuve résultant d'une nième réforme pondue à la va-vite, et où nous sommes tous, profs et élèves, des cobayes - les collègues ne s'entendant même pas toujours entre eux pour interpréter les textes officiels, particulièrement confus cette fois. 
Oui, comme le martelait notre cher président : "c'est la guerre" . La preuve, le ministre envoie au front - et peut-être au casse-pipe - des cohortes de lycéens... avec leurs professeurs. Il paraît qu'une pétition circule en ligne... La seule façon de me battre sur ce sujet... c'est d'essayer de la trouver !!! Très bonne continuations à tous,
Eliane Thépot (professeur de Lettres)