Au sujet de l'oeuvre de Judith Butler (1+2+3) par M. Larivière

judith Butler

Comments (3)

Bonjour, merci pour cette sollicitation. C'est peu dire que ces questions sont difficiles à mettre en débat. L'œuvre de JB, qui prétend dénoncer une "violence normative"... a généré à son tout une violence normative de la pensée et des points de vue.

Que les droits des homos, trans et autres divers LGBT soient défendus...comme ceux de tout citoyen quel que soit ses inclinations affectives et sexuelles, c'est une évidence. Par contre, concernant la psychanalyse, je ne vois pas pourquoi un dit homo, un dit trans, dit LGBT, etc., devrait être être davantage épargné du questionnement (toujours dérangeant et déstabilisant, j'en conviens) sur sa jouissance et les causes infantiles de celle-ci que les dits hétéros. Or c'est pourtant ce que suggèrent même certains "analystes" très militants pour ces causes actuelles. A mon avis, c'est juste piétiner le message freudien que d'en arriver là...et finalement, c'est une autre façon de stigmatiser ces éventuels analysants que de les traiter de cette façon infantilisante, où aucun questionnement ne leur serait proposé...

Je soulignerais aussi les excès de "militances" de certains analystes (parfois également profs de fac), qui à mon sens font fausse route en prenant parti de façon fusionnelle et non distanciée pour la cause des LGBT. Je ne pense pas que ce soit la bonne posture, sauf à penser que c'est peut-être, au moins pour certains de ces praticiens, une démarche cynique à visée commerciale, pour s'attirer de nouveaux analysants parmi ces dits "LGBT".
La psychanalyse n'est normative que pour ceux qui n'ont strictement rien pigé à son message ni à sa pratique (certes et hélas, ce sont parfois des psychanalystes très aliénés à la psychiatrie, mais il y a une majorité de praticiens analystes qui ne sont pas prisonniers de normes et représentations figées). Mon sentiment sur Judith Butler, pour l'avoir un peu lue et entendu des gens parler de son message, c'est qu'elle a du vivre des humiliations terribles (et on sait ce que vivent d'atroce nombreux homos dans leurs famille ou dans leurs relations sociales), qu'elle a surcompensées en posture guerrière et vengeresse. Une sorte de passage à l'acte conceptuel qui veut tout balayer sur son passage. Du coup, à partir de son argumentation sans questionnement ni relativisme, elle a généré une impossibilité de discussion quant à toutes ces questions. On passe pour une, ou un vieux ringard si on parle de "différence des sexes". "Femme" et "Homme" ne sont plus les signifiants d'un métissage possible, où l'altérité existe, au contraire cela renvoie pour ces militants à une limite genrée insupportable; les désignation "masculin" et "féminin" ne sont plus les échos de deux appareils anatomiques éminemment différents, avec lesquels chacun doit apprendre à faire avec à partir des signifiants dont il aura hérité. Non, ce sont de scandaleuses limitations attribués au patriarcat le plus autoritaire...
Un peu à l'image d'internet où, par son "pseudo", un homme peut se faire passer pour une femme et vice et versa, certains sujets contemporains ne supportent plus que des représentations d'eux-même interchangeables, non "assignées", non limitées. Sans doute néglige-t-on encore en effet l'influence d'internet sur les subjectivités...

Sur Le Blog du Chaudron psychanalytique, Jacquelyne Poulain-Colombier a engagé une courageuse étude critique des "enjeux et des conséquences de l'implantation de la notion de" genre" dans le champ de la culture"... Mais il est à craindre que par rapport à un tel travail la censure ne continue dans les milieux analytiques à faire son œuvre, tout en continuant à s'employer, sous des sophistiques diverses (épousant peu ou prou la thèse confusionnelle de la déconstruction, celle du supposé logophallocentrisme de la psychanalyse), à circonscrire, en ces affaires, tout l'apport de l'anthropologie dogmatique initiée par Pierre Legendre. Cf. ici sa préface de 2005 à la réédition de L'amour du censeur. Essai sur l'ordre dogmatique.
Daniel Pendanx