Verbatim de la rencontre du 21 Février (Version augmentée et corrigée)

RÉUNION DU 21 février 2006

ORGANISÉE PAR

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

EN VUE DE LA RÉDACTION

DES DÉCRETS D'APPLICATION

SUR L'USAGE DU TITRE DE PSYCHOTHÉRAPEUTE.

Verbatim+

Rédigé par Philippe Grauer

L'introduction du texte intégral des interventions de Lilia Mahjoub — qu'on trouvera aux pages 16-17 et 20, complète le texte de ce Verbatim de façon substantielle. Ainsi nous disposons à présent d'une édition de référence plus satisfaisante. Pour éviter la confusion avec la précédente elle se voit nommer Verbatim +.

Ce 28 février. PHG

Étaient réunis pour cette deuxième confrontation, après celle du 10 janvier 2006, et de nouveau avec Monsieur Bernard Basset, sous-directeur à la Direction générale de la Santé, les représentants des principales associations de psychanalystes, psychothérapeutes, psychiatres et psychologues, soit une cinquantaine de personnes représentant trente associations. La proposition de rédaction des décrets ainsi que le précédent verbatim se trouvent sur snppsy.org et le site Œdipe.

BERNARD BASSET : Je tiens à vous remercier pour vos contributions et propositions sur le projet de décret. L'écriture juridique a ses contraintes, je salue votre effort. C'est le rôle de la concertation d'éclaircir ensemble les points encore obscurs. Nos objectifs pour cette matinée seront de définir les points consensuels et ceux qui ne le sont pas. J'assurerai la remontée de ces derniers in fine au ministre qui décidera.

Cet avant-projet représente un document de travail soumis à concertation. Nous ne constituons pas une réunion d'information mais de travail. La concertation, par définition, porte sur chaque phrase et chaque mot. Les modifications rédactionnelles sur lesquelles nous nous serons accordés se verront intégrées. Les autres seront arbitrées par le ministre.

Il s'agit aujourd'hui de notre dernière réunion de concertation multilatérale technique, le processus se poursuivra. Certains ont demandé à être reçus, c'est légitime et ce sera fait.

J'ai répondu à des questions parvenues avant le 10. Je vais essayer d'y répondre encore aujourd'hui, ainsi qu'à des questions de dernière minute. Nous procéderons en deux temps.

Nous consacrerons le premier aux explicitations des points sujets à interprétation et débat. Au cours du second, plus technique, nous reprendrons article par article, les remarques et propositions que vous avez émises. Nous avons confectionné mes collègues et moi un tableau synthétique pour faciliter la tâche. L'ensemble de vos contributions sera transmis au ministre in extenso.

Cette façon de travailler vous convient-elle ? Bon. En ce qui concerne la première partie, voyons quels sont les points majeurs de notre travail d'élaboration du décret, qui n'est pour l'instant qu'un avant-projet.

• Je rappelle que le décret réglementera l'usage du titre et non la pratique de la psychothérapie. La loi ne permet pas d'aller réglementer la pratique. Elle n'impose la formation qu'en psychopathologie clinique. Nous en verrons les conséquences.

Il conviendra de distinguer l'art. 2 du 8.

• L'art. 2 y stipule que le professionnel doit déclarer les formations qu'il a suivies dans le domaine de la psychothérapie. Il nous semble que cela n'excède pas la loi. L'alinéa 2 précise que l'on doit déclarer les formations qu'on a suivies ("celles qui s'y rapportent" dit la loi). Cela vise simplement à donner l'information au public.

• L'art. 8 concerne les modalités de la formation en psychopathologie clinique : je rappelle qu'on se situe ici exclusivement dans le domaine de la connaissance et non de la formation à la pratique. L'objet du cahier des charges se limite à définir de grands objectifs, un cadre général, et non le contenu de la formation.

Nombre d'entre vous ont réagi à la question de la valeur scientifique des [quatre] méthodes.Ce point doit être explicité clairement. La validation scientifique relève de la communauté scientifique et des sociétés savantes. Mais l'État a le droit constater que celles-ci peuvent s'accorder sur certains points de savoir scientifique.

• Quant aux exigences du cahier des charges, dont nous devons débattre ensemble [en particulier les quatre approches]. Nous avons tenté dans la rédaction de nous limiter à l'acquisition de connaissances dans le champ de la psychopathologie clinique.

• Pour ce qui est du rôle de l'université, j'avais déclaré que l'acquisition des connaissances en psychopathologie clinique était du ressort de l'université, responsable de ces formations, comment le dire plus clairement ?

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DÉBAT

entre Monsieur Basset et les représentants des associations

BB : À propos du volontariat, nous avons de nombreuses observations. Je précise que personne n'est obligé qu'il signifie qu'il n'est pas obligatoire de s'inscrire sur des listes préfectorales. Mais ceux qui souhaitent user du titre sont obligés de satisfaire aux conditions définies par les décrets.

Au sujet des professionnels, précisons qu'il s'agit de personnes physiques et non de personnes morales. Certains demandent la réécriture de ce point mais je pense que c'est très clair juridiquement.

L'inscription automatique de certaines catégories professionnelles serait contraire à la Loi. Certains souhaitent qu'une démarche plus automatique concerne les professionnels de droit. Ce serait contraire au principe du volontariat. Il y a là une contradiction. Dès que le professionnel s'est fait connaître, s'il fournit les justificatifs, son inscription est automatique, sur simple vérification des pièces, il n'y a pas d'appréciation du préfet.

Voici ce qui a été évoqué à peu près par tout le monde. J'ai été surpris par le nombre d'interrogations à ce sujet, oui je le répète, l'université est responsable de cette formation.

La parole est à vous, vous pouvez réagir.

Roland Gori (SIUEERPP) : Je vous remercie pour votre souci de nous écouter, encore faudrait-il nous entendre. "Sous le pilotage université" dites-vous, mais vous nous donnez une feuille de route, dans laquelle je ne reconnais pas ma communauté scientifique. Je pose donc deux questions

a) Est-ce que la direction de l'Enseignement supérieur peut nous dire si cet avant-projet est en conformité avec la réforme LMD ?

b) Comment vérifier la conformité du décret avec la loi. Vous dites qu'il n'excède pas la loi. Interprétation plausible. Sauf que la loi présente une certaine imprécision. Elle définit l'accès d'usage à un titre qui n'est pas lui-même encadré par la loi. D'où le glissement incessant entre psychothérapie et psychopathologie clinique dans vos propos et dans les contributions écrites.

Et la loi se présente elle-même comme un décret d'application ! C'est la raison qui pourrait expliquer ce glissement constant entre psychopathologie clinique et psychothérapie.

Votre définition de la psychopathologie clinique, nous ne saurions nous y reconnaître car il existe une psychopathologie expérimentale, une psychopathologie cognitive, une psychopathologie clinique. Vous parlez imprudemment de psychopathologie clinique.

Comment ce master de psychopathologie est-il défini et sur quels critères ? c'est assez confus et le contenu des formations que vous précisez ne correspond pas à ce qui existe déjà.

BB : Il s'agit seulement d'un avant-projet soumis à concertation. La conformité du projet, quand on en aura un, sera examinée avant publication. C'est la différence essentielle entre décret en Conseil d'état et décret simple. Ce qui signifie que notre ministère doit présenter un projet dont il doit justifier qu'il est en conformité avec la loi. Sinon, il ne passera pas.

J'ai lu sur certains forums qu'il pourrait y avoir des recours. C'est plus difficile quand le Conseil d'État a donné son aval, il faut le savoir. La loi a été écrite comme elle est. Le Conseil d'État avisera.

Pour ce qui est de la conformité avec l'Enseignement supérieur et la Recherche, je vais passer la parole à ma collègue de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui était déjà là la dernière fois. N'oublions pas que ce qui nous occupe c'est l'usage du titre.

Jacqueline Lémant (Sous direction à l'enseignement supérieur et à la recherche) : nous travaillons parallèlement sur d'autres masters, notamment de psychologie dans le cadre de la réforme LMD. Nous sommes bien sûr dans le cadre de cette réflexion. Le master est un diplôme, il signifie la validation terminale du cycle de master évidemment. Bien entendu nous travaillons ensemble. Nous sommes au début des concertations, et mon directeur recevra toutes les observations que vous pourrez faire nous parvenir.

Gérard Bazalgette (Quatrième Groupe) — Merci pour tout ce travail. Nous sommes dans l'esprit de la loi, et pour ceux qui ont suivi l'affaire les choses sont claires. Il y a eu la demande du public d'une réglementation de la psychothérapie, puis deux amendements successifs à l'amendement Accoyer, puis la proposition du député Marchand, abandonnée. Enfin, le projet Guigou de créer une profession de psychothérapeute agréée est tombé.

Nous voici parvenus à cette loi minimale ; ne pouvant pas garantir les formations en psychothérapie, nous pouvons au moins nous assurer d'une formation sérieuse à la psychopathologie.

L'État n'a pas le pouvoir de déterminer la valeur scientifique d'une approche, mais il peut quand même constater qu'il y a une validation scientifique. Or, cette validation ne peut faire l'objet d'aucun consensus. La psychanalyse ne ressortit pas du champ de la science. On ne saurait admettre par conséquent qu'il y ait quatre principales approches. Je suis en accord avec Roland Gori.

Mais, l'énoncé "sous la responsabilité de l'université" signifie que la formation en psychopathologie clinique doit être exclusivement dispensée par l'université. On doit donc exclure toute convention possible et à venir avec des associations de psychothérapie déjà existantes dans le privé.

BB : Croyez-moi, la déclaration sur l'honneur a une valeur juridique.

Gérard Bazalgette : Vous dites qu'il s'agit d'une valeur d'information pour le public. Mais cela sort même du champ. Ne devrait être examiné que ce qui a trait à la psychopathologie dans certaines formations à la psychothérapie.

BB : Le texte de la loi mentionne les formations suivies par le professionnel.

La question de la validation scientifique est un point difficile, je le reconnais. Mais quand une communauté scientifique est unie, l'administration n'a plus qu'à fonder sa politique sur le consensus scientifique. Je me permets d'évoquer un cas précis, lointain, pour expliciter ma pensée. J'étais médecin dans une DDASS et nous nous occupions de traitements pour enfants handicapés. À l'époque on nous a demandé de nous prononcer sur la méthode **. J'en étais incapable. Il se trouve qu'il y a eu un rapport "scientifiquement argumenté" de Stanislaw Tomkiewicz se prononçant sur cette méthode et concluant qu'il n'y avait pas de support scientifique pour la valider. Nous, incompétents, nous nous sommes donc référés à ce rapport.

Vous allez tous vous prononcer, mais prenez en compte la difficulté qui est la nôtre. Il convient de ne pas se précipiter sur la validation à tout prix. Mais interrogeons la science et qu'ensuite les sociétés savantes se prononcent.

Alain Blanchet (Société française de psychologie) : votre exemple n'est pas probant. Rien ne permet de dire ce qui est de la science aujourd'hui. La psychologie clinique est-elle une science ? Il existe un livre qui recense 14 approches de la psychopathologie ! Nous sommes encore dans une pré-science, chacun argumentant pour son modèle. Vous trouverez difficilement un consensus dans ce domaine. Il y a là comme du sable sous la loi.

Jean-Claude Stolov (Société psychanalytique de recherches et de formation, scission du quatrième Groupe) : Vous prenez un exemple négatif, il est plus facile d'établir la non scientificité de quelque chose que sa scientificité.

BB : En l'occurence l'argumentation de Tomkiewicz était scientifique.

JCS : Oui, mais elle portait sur la non scientificité. Établir qu'une méthode a une valeur scientifique est plus difficile.

Yves Boudart ( Fédération française de psychiatrie) : Je m'étonne de l'acharnement du Législateur dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence. Regardez ce qui s'est passé avec l'Histoire, et cette tentative de légiférer sur la colonisation. On a l'impression que l'on veut faire un peu une démarche du même type, à l'encontre de l'avis de l'ensemble de la profession. Pourquoi citer ces quatre approches, alors qu'il suffit d'aller à l'étranger pour en trouver de multiples autres ? Je rappelle qu'en termes de sciences humaines, il n'y a jamais d'exactitude comme dans les sciences dites "dures". Je rappelle également que la loi décrit la médecine comme un art, Là aussi, il y a de l'incertitude.

BB : L'un d'entre vous m'a demandé de repréciser ce qui nous avait conduits à cette formulation. Nous avons dû répondre à deux demandes. Celle du législateur, celle des usagers.

En résumé, voilà ce sui nous a conduits à cette formulation :

Le désir du législateur de ne pas tromper le public sur des pratiques sectaires fantaisistes.

2) Que soit affirmée la pluralité des approches. Aussi la formulation ne saurait-elle aboutir à affirmer que toutes les approches sont légitimes.

Nous avons fait l'objet de demandes d'audience de la part des usagers : ils veulent des éclaircissements forts. Ils disent "nous avons besoin de savoir, lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, quelle est sa pratique". Eux aussi feront connaître leur position au ministre, Je vais les recevoir.

Roger Lécuyer (Fédération française des psychologues et de psychologie) : La notion de la valididité scientifique mériterait un débat épistémologique, difficile. Si nous avons insisté pour que la formation soit confiée à l'université, c'est parce qu'elle est le lieu du débat scientifique.

Vous avez proposé pour les docteurs en médecine un système qui les dispense du master, bien. Pour les autres il faut clairement un master, ce qui signifie qu'il n'y aura aucune convention avec des formations privées.

BB : Nous avons retenu votre proposition. Il faut encore l'expertiser, mais elle est intéressante.

Gérard Bazalgette : Cela montre bien la sorte de dérive dans laquelle vous glissez. La loi ne permet pas du tout d'apprécier en quoi une pratique de psychothérapie serait recevable ou ne le serait pas. Effectivement, il existe une validation de type empirique (méta-analyse), toutes choses extrêmement contestées par les psychanalystes, parce que la validation empirique n'est pas suffisante. Nous ne sommes pas dans une pré-science mais dans un domaine scientifique complexe.

Les quatre approches que vous avez retenues, on peut y mette tout ce qu'on veut. Elles constituent une sorte de risque de fausse garantie pour le public. Il faut en rester à ce que l'on peut, la psychopathologie, ni plus ni moins.

La formation à la psychothérapie, elle, reste du domaine de la responsabilité totale de celui qui la pratique.

Senja Stirn : (Réseau national des psychologues) : Ce décret travaille sur le titre et non sur l'exercice. Je repose la question : peut-on imaginer qu'un psychologue conserve son titre tout en exerçant la psychothérapie, de même qu'un psychanalyste quand il exerce la psychanalyse ?

BB : Absolument

JACQUELINE LÉMANT : "Scientifiquement validé", cette expression présente une difficulté. La formation à la psychothérapie n'est pas abordée puisque celle-ci est ramenée à la psychopathologie, laquelle ne constitue qu'une partie infime de la formation de psychothérapeute. Ces approches-là seraient plutôt prouvées historiquement, mais cela ne permet pas d'entrer dans le débat scientifique. Il s'agirait donc plutôt d'une sensibilisation à ces approches.

Dans cet esprit, la déclaration sur l'honneur nous paraissait importante pour la transparence vis-à-vis de l'usager. Elle devrait être valable pour tout le monde. On devrait même pouvoir afficher la date et l'intitulé du diplôme en plus des intitulés des formations complémentaires.

BB : Il s'agit de connaissances et non de pratique.

Ceux qui veulent utiliser le titre doivent se soumettre, ceux qui ne le souhaitent pas restent ce qu'ils veulent.

Patrick Lehmann (Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive) : La psychothérapie, comme toute thérapie, relève du domaine du soin, ce qui implique une obligation de moyens. C'est là qu'intervient la notion de validation scientifique. L'État doit l'exiger. Le soin se partage entre psychologie et médecine. Nous sommes bien d'accord. D'autres approches existent, dont l'humaniste par exemple. Mais le fil conducteur doit être l'obligation de moyens, rattachée au domaine des soins.

BB : Ce que vous soulignez est important, on n'y répondra pas par le décret, mais il est clair que puisque des associations d'usagers ont demandé à me rencontrer, la question des précisions sur la valeur scientifique des approches se posera. On ne peut pas exclure que ces associations mêmes demandent plus de précisions sur les moyens utilisés dans le cadre d'une psychothérapie.

ANNIE TARDITS (Ecole de psychanalyse Sigmund Freud) : Je constate que l'article 52 contredit le caractère minimaliste de la loi. Je me permets, à cet égard, de citer de mémoire une intervention de Jean-François Mattei, de janvier 2004 : "Quand les certitudes des généticiens vacillent, il n'y a plus de certitudes ni de frontières entre le normal et le pathologique, et l'on ne peut alors s'orienter dans le sens d'un déterminisme. Comment former, apprécier et évaluer des psychothérapeutes, quand on ignore la frontière entre le normal et le pathologique ? C'est là qu'il faut veiller à la qualité de la relation contractuelle morale entre celui qui se confie et celui à qui il fait confiance". Cela explique pourquoi cet article est si prudent.

Bruno Dal-Palu (Psy en mouvement) : Vous insistez pour dire que le texte ne porte pas sur la pratique de la psychothérapie ni pour en faire une nouvelle profession. Or, en exigeant un master vous créez de facto une nouvelle profession de psychopathologue, qui va se trouver en concurrence avec les autres professions déjà existantes ! Cela est extrêmement dommageable car vous allez ainsi au-delà de l'esprit du texte. C'est pourquoi nous avons proposé que la certification de soit pas celle d'un master professionnel.

BB : La définition de l'enseignement en psychopathologie clinique devra répondre à vos craintes. Il y aura une concertation sur ce point. Nous ne pouvons pas créer une nouvelle profession, la loi ne nous le permet pas. Vous ne pouvez pas dire que nous créons une nouvelle profession.

Bruno Dal-Palu : Alors, un master professionnel ça veut dire quoi ?

BB : pas de réponse (note de PhG)

MICHEL PATRIS (FEDEPSY) : Le 10 janvier j'avais remarqué que j'étais le seul psychiatre universitaire présent à cette réunion. J'ai depuis rencontré mes collègues, lesquels sont surpris de n'avoir pas été contactés ès qualité à ce débat. Vous n'avez pas tout à fait répondu à Roland Gori sur le glissement incessant de la psychopathologie clinique à psychothérapie, laquelle suppose une pratique, un engagement, un suivi, des contrôles, tout à fait autre chose.

Est-ce que le législateur imagine qu'un psychiatre puisse ne pas être psychothérapeute ? Devra-t-il alors faire une démarche volontaire, et de surcroît suivre une formation de master d'un niveau inférieur à celui du DS de psychiatrie ? Les psychologues cliniciens comprennent mal qu'un titulaire de DESS de psychologie clinique ou un psychiatre soient tenus de venir se faire valider de surcroît auprès de la Préfecture .

Vous nous avez rappelé que l'université était responsable, cela veut-il dire que le jury, lors de la délivrance d'un diplôme universitaire, puisse être habilité à dispenser un master supplémentaire ?

Yves Boudard : Il y a consubstantialité entre être psychiatre et être psychothérapeute. Qu'en est-il par conséquent de l'inscription des psychiatres sur les listes départementales ?

Serge Ginger : (Fédération française de psychothérapie et psychanalyse) : Il est inexact d'affirmer que tous les psychiatres sont psychothérapeutes. D'ailleurs, le Conseil d'État a explicitement précisé que les psychiatres étaient autorisés à mettre sur leurs plaques et papiers à en-tête "psychothérapie", mais en aucun cas "psychothérapeute".

BB : y a-t-il lieu de considérer les psychiatres comme automatiquement psychothérapeutes ? Ils ont de bonnes connaissances en psychopathologie clinique, aucun doute. Mais pourquoi leur imposer l'usage du titre de psychothérapeute ?

Yves Boudard FFP : Inadmissible !

BB : Mais c'est ce que je viens de dire !

Yves Boudard : Mais non !

BB : Je n'imagine pas qu'on puisse dire qu'un psychiatre ne fait pas de psychothérapie, mais il a le droit de choisir le titre ou pas. Qu'un psychiatre soit psychothérapeute, d'accord, mais qu'il inscrive psychothérapeute sur sa plaque, c'est différent.

Yves Boudard : Mais psychothérapeute, c'est son métier ! on ne demande pas à un architecte de s'inscrire une fois qu'il est architecte.

BB : J'ai du mal à comprendre le fil du débat. On ne peut imposer l'usage du titre à des psychiatres.

Antoine Besse (FFP) : Il faut décrire l'acte de soin. Il n'y aura jamais de remise en question de la consubstantialité, pour un psychiatre, de l'acte de psychothérapie. On veut nous bricoler quelque chose, extraire nos savoir-faire et les confier à des gens moins compétents. Les Anglais ont organisé les quatre professions et les Allemands ont préféré réglementer. En France, les psychiatres de 45 organisations se sont réunis en États généraux de la psychiatrie, pour une fois on avait réuni presque tout le monde …

Mireille Bouskela (Syndicat des psychologues en exercice libéral) : Nous souscrivons à la volonté de vigilance vis-à-vis des pratiques sectaires, nombreuses, liées à l'exercice déloyal de ces cabinets non déclarés.

À propos du master, il y a dans tout cela un double langage. On parle d'avenir et on a raison par rapport à tout ce qui a été fait. Les praticiens actuels, la psychothérapie, ils l'ont découverte. Les jeunes de 18 ans vont s'inscrire à l'université et faire un master. Qu'est-ce qu'on peut inventer de plus que ce qui existe déjà avec le master de psychologie, sauf à dévaluer toute la profession de psychologue ?

BB : Il y aura une concertation avec les représentants de l'Enseignement supérieur.

Mireille Bouskela : Ceux qui veulent exercer vont faire un DESS de psychologie pour ne pas s'autoriser d'eux-mêmes, c'est clair. Il a été proposé dans des écrits, et nous l'avions déjà proposé, de créer une consultation nationale scientifique de la psychothérapie qui regrouperait tous les acteurs, y compris les psychothérapeutes : serait-ce toujours en projet ?

BB : Nous n'avons pas ce projet dans les tiroirs. Non. Cela a été proposé par le législateur mais repoussé.

jacqueline lemant : Je ne suis pas certaine de vous apporter une réponse. J'entends parler de défense de votre profession, du rôle joué par les psychiatres. Nous ne partons pas d'une table rase. Nous avons constaté des abus. Notre objectif est d'apporter un plus à une demande sociale qui s'est exprimée. L'exercice de la spécialité psychiatrie, nous tenons à ne pas le casser mais à l'organiser. Ce texte, dans l'état où il est, peut être amélioré.

Patrick Avrane (Société de psychanalyse freudienne) : "Responsabilité de l'université" : qu'entendez-vous par ce terme ? un nouveau master, ce n'est pas dans le texte qui est assez précis à ce niveau-là. Le débat scientifique, l'université peut s'en porter garante. Ça retire la nécessité de préciser les principales approches. Il est essentiel que vous leviez l'ambiguïté sur ce point.

BB : Il est clair que l'université est responsable. Comment le dire ! les universités sont responsables de leurs enseignements ; elles délivrent le diplôme, même si à l'occasion de stages, elles traitent avec d'autres organismes. Elles sont autonomes et constituent un lieu de recherche.

ALAIN BLANCHET : J'ai l'esprit moins clair maintenant que la dernière fois. Tout psychiatre a de droit le titre pensais-je. Il est impensable de lui faire refaire un master. Même chose pour un psychologue clinicien. Nous ne prenons en M1 que des gens qui ont des licences de psychologie. Si on veut obtenir le titre, il faut passer par là. Ce serait plus simple de dire que tout CES de psychiatrie, tout M2 de psychologie clinique, confère le titre de psychothérapeute.

BB : Il serait aberrant qu'on impose une formation supplémentaire à ces personnes. Il ne devrait s'agir que d'une procédure.

ALAIN BLANCHET : Cette loi n'est pas bonne car elle contient un article qui dit que tout psychanalyste recensé aurait droit au titre. Or on peut fabriquer à l'infini et sans contrôles des associations de psychanalyse. C'est trop facile ! Ces décrets visent à contrer seulement cette affaire-là. Pour le reste, les choses sont claires.

BB : Nous rencontrons là les difficultés de la loi : tout n'est pas si limpide.

** : Se prémunir contre l'envahissement sectaire ? Mais on sait que le charlatanisme est imparable, il est de toutes les sociétés, de toutes les cultures, de toutes les époques.

Un collègue vient de faire un plaidoyer ardent sur le conjointement principiel initial entre le psychiatre et sa fonction psychothérapeutique, consubstantiel à l'émergence même de la psychiatrie dans la médecine à partir des années 1970 (1969 en fait). On ne peut pas désarticuler cela. On ne peut pas disjoindre les façons dont le psychiatre agit et parle.

Jean-Richard Freyman (FEDEPSY) : J'ai deux question à poser. La première concerne l'acte originaire de cette volonté rapide d'application rapide de ces décrets. Y a-t-il "le feu à la baraque" ? S'agit-il d'un impératif de coordination européenne ?

Par ailleurs, il y a quelque chose de drôle dans le fait qu'on vient de montrer toutes les difficultés du problème, et lorsque vous donnez la possibilité de l'usage d'un titre, vous créez une profession. Ça aura des effets important sur la pratique elle-même. Et des effets extrêmement préfectoraux. Comment peut-on dire qu'il n'y a pas de souci à se faire si on se rend à la Préfecture pour être tamponné ou vérifié alors qu'on voit bien que ça va être d'une complexité inouïe ! Comment peut-on oser affirmer que le tamponnage s'effectuera sans problèmes ?

BB : Précipitation ? Mais nous sommes la lenteur même ! Normalement, les décrets doivent sortir dans les 6 mois après publication de la loi. Je n'ai cessé de demander du délai, et l'ai obtenu. Il n'y a pas de précipitation. J'ai toujours pris le temps. In fine tout le monde s'est trouvé réuni. Je comprends que ce texte soit difficile. Il est usuel que l'administration — c'est-à-dire la Préfecture — serve de paratonnerre. J'essaye de répondre à toutes vos questions. Nous y sommes dans la lenteur qu'on me reproche ! Sur les forums, on écrit qu'on pourrait se retourner contre l'administration pour défaut d'écriture du décret, c'est vrai et celui qui le ferait gagnerait !

Au lieu de courir, nous avons la gentillesse de tous vous écouter afin de remanier un texte qui pourrait devenir consensuel. Et tous les débats ont eu lieu dans la transparence !

Danièle Lévy (Cercle freudien) : il est vrai que la difficulté à comprendre ce décret est surprenante et que des malentendus ne cessent de surgir. Pourquoi ?

Pour répondre à vos remarques sur le côté absurde de demander au psychiatre de s'inscrire, ne peut-on préciser que l'usage du titre ne confère pas un monopole sur l'exercice de la psychothérapie ? Évidemment, on se demandera alors à quoi sert cette tentative de réglementation sinon à créer un corps de psychothérapeutes assermentés d'État, à côté de ceux qui n'ont pas de diplôme universitaire à faire valoir.

Quant au domaine où il n'y aurait pas d'expertise "scientifique", il serait plus honnête d'admettre qu'il n'existe pas de garantie scientifique en ces matières. Je verrais plutôt une garantie collégiale (proposition Vasseur).

BB : Il s'agit de réglementer l'usage du titre. Sinon je ne vois pas l'objet de ce texte.

Madame Craignou (Association française de thérapie comportementale et cognitive) : Il s'agit de la protection des usagers, que ça plaise ou non. Je m'étonne qu'on ose évoquer l'art, quand il s'agit à l'évidence d'un soin. Par tradition, la clinique psychanalytique est enseignée à l'université. Et je m'interroge sur cette domination et sur l'absence de pluralité. Il est bon que le cahier des charges prévoie quatre, voire cinq, courants. Les étudiants le perçoivent. Qu'on délivre au minimum une connaissance de ce qui existe. Cela me paraît indispensable. Je suis d'accord avec le fait que l'université ne peut pas former les psychothérapeutes et n'en a pas les moyens. Qu'au moins elle dispense les connaissances en temps égal les unes par rapport aux autres.

Philippe Grosbois : La plupart d'entre nous sommes confrontés à l'analyse de la politique de santé mentale actuelle. Qui pratique, qui a les compétences, etc. Vous ne mesurez pas bien comment un tel décret va engendrer un clivage entre volontaire et réfractaires.

Nous avons recherché vos sources. La mention des quatre approches vient du rapport rédigé par Pichot et Allilaire. Pour la définition des objectifs de la formation en psychopathologie, nous n'avons pas réussi à trouver vos sources. Vous vous engagez dans la définition d'une nouvelle profession même si vous vous en défendez. Sur votre site, on trouve ceci : "professions : il convient d'ajouter les psychothérapeutes et les conseillers en génétique".

BB : J'ignorais ce fait. En effet je le retirerai. Nos sources et cahier des charges ? Nous avons essayé de faire au mieux. Je suis obligé aussi de rappeler le cadre juridique obligatoire. Il s'agit de déterminer ce qui est compatible ou excède champ de la loi. Le calendrier n'est pas définitif par définition. Sachant que tout ce qui se dit ici, en particulier sur les points importants, sera discuté avec ministre. Le Conseil d'État a son propre rythme. On est en retard. On commence, les parlementaires, à nous dire ça traîne, d'une manière générale. Le calendrier sera fourni dès que possible.

Michèle Clément (SNP) : Je viens ici compléter ici la position de Philippe Grosbois. Les psychothérapeutes seront peut-être d'accord pour n'être pas de simples "psychotechniciens" ! Il faut nous entendre et pas seulement nous écouter.

BB : Encore une fois, le cahier des charges définit l'usage d'un titre et rien de plus.

Michèle Clément : Pourquoi ne pas tirer vers le haut une sous-qualification ? Dal-Palu et Ginger sont psychologues, pourquoi ne pas appliquer à leurs propres élèves la formation qu'ils ont reçue eux-mêmes ?

Bruno Dal-Palu : Puisque mon nom est évoqué, je réponds qu'avec vos propositions je serais psychologue mais ne serais plus psychothérapeute. Dans ce cas en tant que psychologue je ne me sens pas défendu par vous.

Antoine Besse (Fédération française de psychiatrie) : Il est question des quatre approches scientifiquement validées. Actuellement on valide quoi ? Que fait-on avec les autres alinéas et articles ?

BB : Il s'agit de formation à la psychopathologie et pas à la psychothérapie. La loi prévoit une procédure pour user du titre. Par ailleurs, il est impensable que les psychiatres se voient refuser le titre.

Jacques Mermont (Société française de thérapie familiale) : Le master concerne essentiellement un enseignement. Il faut préciser les dimensions de cet enseignement. Par ailleurs, il faut avoir des formations proprement dites, avec une complémentarité entre universités et instituts privés. L'acquisition de connaissances sans formations complémentaires concernant la relation humaine, cela ne suffit pas comme le montre l'affaire d'Outreau.

Marilia Aisenstein (Société psychanalytique de Paris) : La responsabilité de l'université n'est pas assez clairement indiquée dans la rédaction des décrets. Et puis il y a la question des conventions. Il faut absolument que soit exclue toute forme de convention des organismes privés de psychothérapie.

BB : Certes, la formation universitaire est garantie. Mais on ne peut pas aller plus loin, ni interdire quoi que ce soit aux universités. On peut seulement veiller à une certaine qualité des enseignements.

Gérard Bayle (SPP) : Nous sommes d'accord pour que les psychologues et psychiatres n'aient pas à passer à nouveau 5 ans sur les bancs de l'université.

Quant à nos sociétés de psychanalyse, elles ne sont pas du tout parties prenantes dans la formation de psychothérapeutes. Et nous sommes hostiles à des commission paritaires.

Nous avons le souci de nous de démarquer des sociétés qui se sont déclarées récemment de psychanalyse (comme la FF2P). Il suffirait de retenir celles qui sont issues, depuis 1926, des différentes scissions du mouvement psychanalytique français et ainsi on retrouverait l'ensemble des psychanalystes.

BB : Cela vous appartient.

Guy Roger (Quatrième Groupe) : Je suis en accord avec les positions de Gérard Bayle. Il faut se maintenir à l'écart des éventuelles conventions entre université et sociétés de psychothérapie.

Sénja Stirn : Je reviens aux termes "psychopathologie" et "psychothérapeutes". Il existe une formation complémentaire à la psychothérapie en post master. Il y a eu des expériences en Europe, la France n'a rien fait. J'enregistre votre refus de considérer que le psychothérapeute puisse être un professionnel indépendant. Mais pourquoi cette différence française qui n'existe nulle part en Europe ?

Roland Gori : Vous avez le mérite et la pugnacité pour lisser les contradictions d'une loi dans ses décrets d'application. Le législateur s'est gardé de définir le vide de la définition de la psychothérapie, que vous remplissez avec les plans de santé mentale actuels.

Vous vous emparez de la psychopathologie clinique en réduisant sa polysémie pour y pondre autre chose que ce que reconnaissent les sociétés savantes et la Communauté scientifique auxquelles vous vous référez.

La définition du titre n'est pas incluse dans l'amendement du code de santé public du 9 août 1954, lequel définit les conditions d'usage et d'accès à un titre sans en avoir précisé la définition. L'amendement vaut comme décret d'application, les décrets d'application tournant en spirale autour de la loi.

Comment peut-on définir les conditions d'accès à un titre professionnel dit "de santé" que l'on n'a pas préalablement défini ? Cela permet tous les paradoxes que nous constatons aujourd'hui : il est évident, dites-vous, que les psychiatres et les psychologues cliniciens font de la psychothérapie dans leurs pratiques mais il faut qu'ils entrent dans un dispositif pour avoir le droit de porter le titre. Ce clivage entre le droit et l'évidence est un symptôme massif de ce projet.

En quoi est-ce que la feuille de route que vous nous tracez relève de la psychopathologie clinique ? En quoi votre méthodologie, vos critères et vos experts vous ont-ils conduits à votre feuille de route ? la communauté scientifique et les sociétés savantes établissent, dites-vous, le consensus ; sur 23, une vingtaine vous ont fait part de leur réserve majeure sur l'art. 8. Et vous ne bougez pas. À qui cela profite ?

Venons-en aux dérives sectaires : l'incitation aux personnalités multiples est venue de la psychiatrie la plus scientiste. Alors la garantie prétendue est illusoire dans ce domaine.

BB : Ecoutez, on vous donne un texte, on vous dit de vous exprimer pour faire bouger ce texte, voilà tout ! Les points sensibles, on les rapportera au ministre qui devra trancher.

L'idée de la discussion juridique que vous avez eue, en vous référant au texte antérieur, c'est intéressant, mais une nouvelle loi crée du droit et nous sommes obligés d'en tenir compte.

Alain ABELHAUSER (SIUEERPP) : Je voudrais m'exprimer aussi en tant qu'universitaire, vice-président d'une université de province chargée des formations. J'ai longuement présidé la Commission de validation des acquis de l'expérience. Et je constate un malaise évident. Faut-il défendre l'avant-projet ou le mettre au travail ? Il me semble que vous avez opté en faveur d'une défense coûte que coûte, en réaffirmant les principes à admettre. Nous nous interrogeons sur le hiatus entre ces principes et la manière dont ils s'appliqueraient s'ils étaient retenus.

Soit le pré requis minimal autour duquel on aura réuni une sorte de consensus. Cette formation est du ressort de l'université. Elle existe en médecine, en psychiatrie, en psychologie. Si l'on admet qu'en France elle existe, s'agit-il d'en créer une nouvelle ? Et si oui, pourquoi? Sinon, pourquoi la spécifier alors même qu'il y a des procédures universitaires, qui existent aussi et sont remises sur le métier tous les quatre ans ? pourquoi spécifier davantage ?

BB : Je viens de répondre à Roland Gori que le législateur avait créé un droit nouveau. Comment celui-ci se traduit-il par rapport au paysage existant ? vous ferez valoir ultérieurement dans le détail vos observations sur les formations qui existent.

Jacques Py (Société française de psychologie) : J'aimerais parler des conditions d'accès au master. Il Repose sur la licence. Rien n'a été spécifié. Il y a nécessité d'en savoir un peu plus.

BB : C'est avec vous qu'elles seront posées. On a dit qu'il fallait un niveau de licence mais je ne me substitue pas à vous pour définir cela.

Robert Samacher (École freudienne) : Mon groupe n'est pas intéressé par la formation des psychothérapeutes, mais tient à soutenir une psychanalyse pratiquée par les laïcs. Cela donne, pensons-nous à la psychanalyse toute sa dynamique. Par ailleurs, l'approche humaniste n'est pas ma tasse de thé, mais je sais qu'elle existe et je pense qu'elle devrait avoir droit de cité parmi les approches. Je pose aussi la question de la VAE : à quel niveau d'acquis de l'expérience seront intégrés les candidats ? Pour la profession de psychologue, cela représente un véritable risque.

Lilia Mahjoub (École de la cause freudienne) : Lilia Mahjoub (École de la Cause freudienne) : Je vous remercie, M. Basset de me passer la parole.Vous dites depuis le début de cette réunion que vous faites de votre mieux, que vous prenez le temps d'une concertation pour prendre tous les avis nécessaires. Vous en appelez de plus à notre compréhension à votre égard. Je pense en effet, que nous sommes sensibles ici aux efforts que vous déployez pour cette concertation, dont on a appris que cette deuxième réunion sera aussi la dernière. Vous qui disiez ne pas précipiter les choses…

BB : … La dernière réunion technique !

Lilia Mahjoub : Bien, j'apprends ainsi que ce n'est pas la dernière réunion de concertation, je vous remercie de cette précision. Vous demandez donc que l'on vous comprenne, mais je dirais que c'est nous ici, associations, praticiens ou "professionnels", comme vous dites, qui avons été mis dans une situation difficile, depuis l'amendement Accoyer. C'est nous qui aimerions être aussi compris.

Vous renvoyez à tout instant, ce matin, à l'université en disant que c'est elle qui sera responsable : "— l'université ! l'université !" c'est la référence constante. Cela rappelle l'insistance de Toinette : "— C'est le poumon vous dis-je !1"

Il en est question, bien sûr, dans ce texte qui est un avant-projet, et non le projet proprement dit du texte de décret. Pourtant, tout en nous disant que ce texte est une base de concertation, de discussion, vous en défendez bec et ongles chaque article, chaque détail.

L'École de la Cause freudienne n'a pas envoyé de proposition concernant cet avant-projet de décret, car à notre avis cet avant-projet n'est pas modifiable, et il en appelle à une refonte dans son ensemble. Ce texte, à notre sens, contient des éléments conflictuels, ainsi qu'en ont témoigné certaines réactions qui se sont produites ici même ce matin à la suite de vos réponses. Ce texte engendre une confusion entre formation et acquisition de connaissances. Comme ont pu le dire M. Gori, M. Balzagette, Mme Aisenstein et d'autres, ce texte recèle un "double langage", produit des "glissements" indéfinis entre psychopathologie clinique et psychothérapie.

Des formations qui existent déjà à l'université, ainsi qu'a pu le souligner M. Abelhauser, celle de psychologue par exemple, ne prétendaient pas néanmoins délivrer, jusque-là, le titre de psychothérapeute. Ce n'est pas le cas de ce nouveau master de psychopathologie qui donnera droit à ce titre, alors qu'il ne fera qu'entériner une acquisition de connaissances, et non une formation spécifique à la psychothérapie. À l'issue de ce master, nous aurons donc des diplômés en psychopathologie qui ne seront en aucun cas formés à la psychothérapie, et qui se diront psychothérapeutes.

Vous disiez qu'il fallait vite faire un décret, sous la pression exercée ces jours-ci par des parlementaires, à partir du moment où la loi est faite. Vous avez parlé, à propos de cette loi, en l'occurrence l'article 52, qu'il ouvrait à un droit nouveau. Ce n'est pas sûr. Il y a beaucoup de lois, en effet, et je le sais pour avoir fait du droit avant d'entreprendre une autre formation, qui s'avèrent inapplicables, car elles sont mauvaises et n'ouvrent donc pas à la possibilité d'un nouveau droit. Elles restent sans décret. En principe une loi n'est pas faite, et a fortiori son décret, pour rendre les choses plus compliquées qu'elles ne le sont, mais bien plutôt pour les éclairer. Ce n'est pas ce qui s'annonce avec celle-ci. Maintenant vous êtes pressé d'examiner, pour la deuxième partie de la réunion, un à un les articles de cet avant-projet, alors qu'il ne me semble pas, bien au contraire, qu'il y ait un consensus sur son ensemble.

SERGE GINGER : Je suis le secrétaire général de la FF2P et, par ailleurs, président de la Commission européenne d'harmonisation des formations en psychothérapie dans les 41 pays membres de l'European Association for Psychotherapy (EAP), en Europe de l'Ouest et de l'Est.

Nous tentons en vain de cautionner une mauvaise loi par un bon décret : c'est impossible, cela tiendrait de la magie !

Il règne une double ambiguïté : on a confondu psychothérapie et psychopathologie ; on confond enseignement universitaire et formation professionnelle. Aucune université au monde ne forme des psychanalystes ou des psychothérapeutes, mais dans de nombreux pays d'Europe existent des conventions de collaboration entre des enseignements universitaires et des formations en psychothérapie (en Italie et en Autriche, les instituts privés sont même nommément accrédités par la loi).

J'entends dire que tous les psychologues et psychiatres sont ipso facto, psychothérapeutes : comment expliquer alors que dans les écoles privées nous recevions près de 25 % de psychologues déjà diplômés (et pas mal de psychiatres) qui viennent entreprendre, à leurs frais, 4 à 5 années d'études complémentaires en psychothérapie ou psychanalyse pour se sentir prêts à exercer ?

Vous êtes en train de créer une nouvelle profession de “psychopathologues” et de tenter de supprimer une ancienne profession de psychothérapeutes, alors qu'il existe déjà, depuis de nombreuses années, 120 000 psychothérapeutes professionnels qualifiés en Europe, et environ 7500 en France.

Vous dites que la psychothérapie n'est pas une profession, mais le Conseil d'État italien vient de casser deux jugements, en 2005, qui avaient interdit à un psychothérapeute autrichien d'exercer en Italie, au motif que ses diplômes ne répondaient pas à la loi italienne, réaffirmant que cette profession était protégée par une directive européenne (j'ai ici les attendus de 21 pages, en italien).

Nous faisons mauvaise figure à l'étranger. J'étais très récemment devant un vaste auditoire de psychothérapeutes de toute l'Europe, dont de nombreux professeurs d'université, quand je leur ai raconté ce qui se passait en France. Si j'avais eu une caméra, j'aurais pu filmer leurs visages consternés !

Vous affirmez que seule l'université peut former des professionnels sérieux, mais les architectes et les ingénieurs ne sont pas formés à l'université.

Philippe Grauer (SNPPsy) : Non, tout le monde ici n'est pas bien d'accord ! Vous tournez le dos à la réalité et vous nous volez notre titre. Notre situation me fait penser à l'histoire de la Lettre volée, cette lettre sur laquelle s'inscrit notre nom trône au beau milieu de cette assemblée sans que personne ne prenne garde à son existence, parce que ladite assemblée est trop occupée à la chercher partout où elle n'est pas.

Vous savez parfaitement que nous avons, depuis plus d'un quart de siècle, sérieusement conféré sa dignité à la psychothérapie relationnelle.

Vous créez des psychopathologues. À la rigueur pourquoi pas ? Mais nous connaissons aussi la façon dont les psychologues bafouent la loi en matière de VAE et nous nous souvenons de l'expérience de 1985 et de la façon dont on a réglé des comptes contre nous.

Nous avons par la suite gagné dans quelques cas auprès du Conseil d'État. Mais nous savons parfaitement que nos étudiants n'auront aucune chance de franchir vos tirs de barrage scientistes et de pouvoir venir prendre un complément de formation auprès de l'université (si tant est qu'ils en aient besoin) dans des conditions normales. Le système que vous êtes en train de mettre en place est immoral. C'est malheureux de voir l'éthique universitaire ainsi mise à mal.

Et surtout, pensez-vous qu'il soit tenable de tourner aussi massivement le dos à la réalité ?

Nous assistons au spectacle d'une rapine. Personne ici n'a même mentionné le vol à l'arrachée dont nous sommes l'objet, c'est scandaleux.

Roland Gori : Si, moi je l'ai fait, ici même tout à l'heure.

Philippe Grauer : C'est vrai. Et vous avez été le seul !

BB : La plupart du temps, quand les thèses en présence sont contradictoires, on les présente de manière transparente. Mon rôle c'est d'être objectif. Sur un sujet comme celui-là, le ministre regardera attentivement les productions de tous ceux qui se sont exprimés. Ce n'est pas moi qui déciderai.

Alain Abelhauser : Le débat se rabat sur l'article 8 et les quatre approches ; j'ai lu les contributions ; sur 26 associations qui concentrent une grande partie du débat, 22 réclament que cet article soit supprimé.

BB : Je transmettrai cette demande au ministre.

Alain Abelhauser : j'attendais une précision.

BB : Mon rôle, c'est de dire : "voilà les positions". Je ne peux pas occulter une position au profit d'une autre. Sur un sujet aussi crucial, il me paraîtrait abusif de décider moi-même. Mon rôle c'est de restituer fidèlement au ministre.

Jean Cottraux (Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive) : Et puis, une association qui représente 300 membres et une qui en pèse 3000, ce n'est pas la même chose !

BB : Je ne souhaite pas me lancer dans une étude de représentativité.

Gérard Bazalgette : Vous laissez transparaître tout de même que la reconnaissance d'une école de psychothérapie serait possible. Nous voulons dire qu'une reconnaissance doit porter exclusivement sur une formation universitaire.

BB : Mais enfin, je ne peux pas interdire à l'université de passer une convention ! En revanche, le diplôme dont on parle ne peut que sanctionner un cursus universitaire. Ce texte ne peut revenir sur l'autonomie juridique des universités elles-mêmes.

Alain Abelhauser : L'autorité de référence, c'est l'arrêté ministériel ou l'université ? la psychothérapie d'État c'est cela.

BB : L'université est responsable.

Lilia Mahjoub : Monsieur Basset, vous venez à l'instant d'évoquer mon nom, à propos de l'université à laquelle vous vous êtes à nouveau référé. Permettez-moi d'ajouter à ce qui vient de se dire de l'autonomie juridique de l'université, que c'est, effectivement, ce qui lui donnera un pouvoir discrétionnaire concernant les conventions qu'elle pourra passer avec tel ou tel organisme, telle association ou tel courant. C'est ce à quoi certaines universités se préparent quand elles n'ont pas déjà commencé à le faire. Le texte de ce décret, tel qu'il est fait, ouvrira, sans que rien ne puisse y parer, à un tel pouvoir de l'université.

BB : Rien ne contraint les universités à de telles conventions. Ce texte dit à quoi devront répondre les programmes. Mais les textes disent que les pouvoirs de l'université sont parfaitement clairs, et ne seront pas remis en cause par un décret.

Christian Vasseur (Association française de psychiatrie) : Une ambiguïté semble courir tout au long de cette journée. L'expression est bien : psychopathologie clinique théorique et pratique. Un lieu de pratique, des espaces de soin, c'était l'esprit du texte de loi. L'université pourra donc décider que ces lieux soient autre chose, des Écoles de formation à la psychothérapie ? il faudra que cela se fasse dans des services hospitaliers, à l'exclusion des dites Écoles privées qui existent déjà : c'est la signification profonde du texte.

BB : Les terrains de stage devront être agréés par l'université elle-même. On devra préciser ce qu'on entend par terrain de stage.

Christian Vasseur : Je voulais prévenir des possibilités de dérives perverses, sachant que l'esprit de la loi c'est l'immersion dans des services de soin. J'aimerais revenir sur mon idée de conseil ou collège consultatif scientifique. Quand la psychiatrie fut recréée en 1969 avec Anzieu et Kammerer, cela a conduit très vite nos maîtres à concevoir une structure collégiale impliquant psychanalystes, psychothérapeutes etc. pour éviter tout risque d'une flambée corporatiste. Je préconise aujourd'hui de donner aux professionnels leur responsabilité en leur ouvrant des espaces de discussion éthique. Dans un Conseil.

Il y a des gens qui sont capables de rendre compte de leur pratique, de la faire comprendre, d'où ma proposition de ce Conseil.

BB : Nous avons reçu aussi la proposition de créer un code de déontologie. Mais cela paraît impossible puisque ça impliquerait la constitution d'une profession.

Gérard Bazalgette : On risque de voir apparaître des master de psychothérapie sur le marché universitaire. Or, il me semble impensable de voir qu'un Monsieur Untel puisse afficher son master de psychothérapie psychanalytique ! Il faut une directive obligeant à ce que l'intitulé se limite à psychopathologie.

Senja Stirn : Moi à l'hôpital, je fais du diagnostic ! c'est la question de l'accès au psychothérapeute, s'il ne peut diagnostiquer, le patient devra passer par le médecin.

BB : je vous remercie de la qualité de nos échanges et d'avoir tenu compte que tout cela n'était pas si simple. Je réaffirme que tout sera transmis au cabinet du ministre in extenso. Les petits points d'accord qui ne font pas débat seront intégrés. Quelques points parvenus entre temps seront envoyés par courriel.

Je voudrais souligner que c'était la première fois que toute la planète psy se trouvait réunie, presque au complet, autour d'une table. Depuis six ans, cela ne s'était pas vraiment produit. Ce type de rencontre peut être réédité. À vous de voir si ça vous est utile. Une telle nouvelle rencontre pourrait servir de prétexte à réunir de nouveau tout le monde. J'agis ainsi dans d'autres secteurs, comme la lutte antitabac, avec les industriels du tabac, à qui ça fait grief, comme on dit en langage juridique. À vous de juger si, par-delà les échanges, débats et difficultés sur ce texte, ce type de rencontre vous est utile ou pas, je serai prêt à le refaire. Merci.

Applaudissements.

  • 1.

    Cf. Le malade imaginaire, acte III, scène 10.