l'affaire El Yafi (suite): le mémoire et l'argumentaire présentés par Éliane Perasso au procès.

MÉMOIRE A MESSIEURS LES MEMBRES DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS

P O U R

Monsieur le Docteur El Yafi

Médecin Psychiatre conventionné secteur 1, et psychanalyste,

APPELANT

Représenté par Maître ÉLIANE PERASSO, Avocat au Barreau.

11 A, rue Armény 13006 MARSEILLE.

C O N T R E

Mademoiselle X

A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER :

Monsieur Le Docteur El Yafi a fait l'objet d'une plainte formulée à son encontre par Mademoiselle auprès du conseil départemental des Bouches-du Rhône, laquelle plainte a été transmise à l'instance régionale pour décision.

C'est cette décision rendue par le Conseil de l'Ordre PACA, en date du 28/11/1999, que Monsieur le docteur El Yafi a frappé d'appel.

RAPPEL DES FAITS.

Alors qu'elle a été suivie par le Docteur pendant six mois en psychothérapie, à compter de 1991, pour une symptomatologie phobique sévère, la patiente, Mademoiselle X et Monsieur conviennent de modifier la relation thérapeutique et d'engager une cure analytique.

Il va de soi qu'une cure analytique ne peut être envisagée qu'avec l'adhésion et la demande de la patiente, le praticien se devant de poser les indications de ladite cure.

Ces deux obligations permettant que la cure s'engage avec des perspectives de succès, ont été remplies.

Dès lors la décision de Mlle de s'engager dans ce travail

analytique supposait que le "Cadre", soit celui de l'analyse, tel que toutes les institutions analytiques le définissent :

Le patient vient régulièrement à raison du nombre de séances convenues chez son analyste,

Il est allongé sur le divan

Il paie l'analyste "en liquide" au prix convenu

Il ne doit pas y avoir de tiers, et donc il n'est pas délivré de feuille de soins.

Dés lors Monsieur El Yafi est, dans cette relation, Psychanalyste.

Il le sera pendant les sept années où il aura à conduire un travail très difficultueux. Au terme de ces sept années, Mlle X dépose la plainte qui est l'objet de cette procédure, et reproche à son analyste

- de s'être montré vis à vis d'elle" agréssif, odieux, allant jusqu'à la

brutaliser le 9/11/1993,

d'avoir refusé de lui établir les feuilles de soins

- de la harceler pour qu'elle retire sa plainte.

Dans son mémoire déposé devant le conseil régional PACA,

Monsieur a parfaitement décrit ce qui constitue le contrat

analytique et la conduite d'une cure, mémoire qui garde tout son intérêt, et auquel il sera bon de se référer.

Il a nié bien évidemment les allégations de brutalités ou "harcèlement" ces éléments n'ont d'ailleurs pas été pris en compte par les membres du conseil régional.

EXAMEN DE LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE

Le conseil de l'Ordre n'a pas retenu les éléments relatifs à des brutalités ou l'agressivité du praticien, ces éléments étant le fruit de l'imagination et de la pathologie de la patiente ayant à l'égard de

son analyste une réaction dite de " transfert négatif", ce qui l'a conduite à interrompre son analyse.

Le conseil de l'ordre a, en revanche prononcé une sanction

d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois, sanction que Monsieur El Yafi demande à la présente juridiction d'annuler.

Cette décision repose sur deux points :

- Monsieur n'a pas délivré de feuilles de soins et aurait exigé un paiement en liquide.

- Il aurait pratiqué des honoraires" trop bas".

Et ce sur le fondement des articles 50, pour ce qui concerne la non délivrance de feuilles de soins,

et 53 al4, pour le paiement en liquide.

et sur le fondement de l'article 67 al 1 du même code, argument bien évidemment non invoqué par la plaignante, mais soulevé par le conseil lui-même, et qui sanctionne Monsieur pour avoir pratiqué des honoraires trop bas faussant la concurrence !

1- La non-délivrance de feuilles de soins et le paiement en liquide :

Le Conseil National de l'Ordre est évidemment au fait de la pratique analytique, et il est impensable qu'il vienne sur ce point confirmer la décision du conseil PACA.

Une sanction sur le point de la non-délivrance de feuilles de soins sonnerait comme un coup de tonnerre dans le monde analytique au sein duquel on compte de nombreux et parmi les plus éminents médecins, psychiatres ou non.

La règle du paiement en liquide, sans intervention de la sécurité sociale, est appliquée par les analystes tant ceux qui se réclament de l'IPA que ceux se réclamant de l'enseignement de Jacques Lacan.

C'est, dans cette hypothèse, des milliers d'analystes qu'il faudrait poursuivre !

2- Les Honoraires trop bas, dans un but de concurrence

Les honoraires convenus entre un analyste et son patient sont librement arrétés, et sont, pour le cas présent, adapté aux possibilités de la patiente.

l'article 67 ne saurait, en l'espèce, trouver application.

Cet article est de plus en infraction avec la législation de la concurrence et des prix qui interdit tout barême, fut-il indicatif, encourageant précisément la concurrence (cf la célèbre décision où les ordres des avocats ont été condamnés à de très fortes amendes pour avoir

publié ds barèmes indicatifs d'honoraires.)

En conséquence les articles du code de déontologie visés sont inadéquats pour trouver application et la décision du conseil régional doit être purement et simplement annulée.

La sanction prise par cette instance ordinale est, de plus, sans proportion avec les éléments retenus, à supposer qu'elle soit fondée, ce qui n'est pas le cas.

C'EST POURQUOI

Rien ne pouvant être reproché à Monsieur El Yafi

La plainte de Madame qui a ouvert ces poursuites s'étant révélée sans fondement,les motifs retenus par instances ordinales régionales ne sauraient trouver application.

La décision entreprise sera purement et simplement annulée.

Fait à Marseille, le 28/3/2000

Pour le Docteur EL YAFI,

Son avocat, Maitre ELIANE PERASSO

Conseil National de l'ordre des Médecins

Audience aprés

Complément d'information

Section disciplinaire. Dossier 7497

MÉMOIRE AMPLIATIF

après complément d'information

A MESSIEURS LES MEMBRES DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS

P O U R

Monsieur le Docteur El Yafi

Médecin Psychiatre conventionné secteur 1, et psychanalyste,

APPELANT

Représenté par Maître ÉLIANE PERASSO, Avocat au Barreau.

11 A, rue Armény 13006 MARSEILLE.

C O N T R E

Mademoiselle X

A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER :

Monsieur Le Docteur a fait l'objet d'une plainte formulée à son encontre par Mademoiselle Khefi, auprès du conseil départemental des Bouches-du Rhône, laquelle plainte a été transmise à l'instance régionale pour décision.

C'est cette décision rendue par le Conseil de l'Ordre PACA, en date du 28/11/1999, que Monsieur le docteur a frappé d'appel.

L'affaire a été longuement évoquée à l'audience du 12/10/2000

Le conseil a estimé, à l'issue du délibéré, demander un complément d'information.

Compte tenu de la question de principe que pose cette affaire, qui n'est autre que de savoir si la psychanalyse a un champ spécifique, ce complément d'information est apparu comme une sage décision.

Nous réitérons les termes de notre mémoire déposé lors de l'audience d'octobre :

RAPPEL DES FAITS.

Alors qu'elle a été suivie par le Docteur pendant six mois en psychothérapie, à compter de 1991, pour une symptomatologie phobique sévère, la patiente, Mademoiselle, et Monsieur

conviennent de modifier la relation thérapeutique et d'engager une cure analytique.

Il va de soi qu'une cure analytique ne peut être envisagée qu'avec l'adhésion et la demande de la patiente, le praticien se devant de poser les indications de ladite cure.

Ces deux obligations permettant que la cure s'engage avec des perspectives de succès, ont été remplies.

Dès lors la décision de Mlle de s'engager dans ce travail

analytique supposait que le "Cadre", soit celui de l'analyse, tel que toutes les institutions analytiques le définissent :

Le patient vient régulièrement à raison du nombre de séances convenueschez son analyste,

Il est allongé sur le divan

Il paie l'analyste "en liquide"au prix convenu

Il ne doit pas y avoir de tiers, et donc il n'est pas délivré de feuille de soins.

Dés lors Monsieur est, dans cette relation, Psychanalyste.

Il le sera pendant les sept années où il aura à conduire un travail très difficultueux. Au terme de ces sept années, Melle dépose la plainte qui est l'objet de cette procédure, et reproche à son analyste

- de s'être montré vis à vis d'elle" agréssif, odieux, allant jusqu'à la brutaliser le 9/11/1993,

d'avoir refusé de lui établir les feuilles de soins

- de la harceler pour qu'elle retire sa plainte.

Dans son mémoire déposé devant le conseil régional PACA,

Monsieur a parfaitement décrit ce qui constitue le contrat

analytique et la conduite d'une cure, mémoire qui garde tout son intérêt, et auquel il sera bon de se référer.

Il a nié bien évidemment les allégations de brutalités ou "harcèlement" ces éléments n'ont d'ailleurs pas été pris en compte par les membres du conseil régional.

EXAMEN DE LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE

Le conseil de l'Ordre n'a pas retenu les éléments relatifs à des brutalités ou l'agressivité du praticien, ces éléments étant le fruit de l'imagination et de la pathologie de la patiente ayant à l'égard de

son analyste une réaction dite de " transfert négatif", ce qui l'a conduite à interrompre son analyse.

Le conseil de l'ordre a, en revanche prononcé une sanction

d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois, sanction que Monsieur El Yafi demande à la présente juridiction d'annuler.

- Cette décision repose sur deux points :

- Monsieur EL YAFI n'a pas délivré de feuilles de soins et aurait exigé un paiement en liquide.

- Il aurait pratiqué des honoraires" trop bas".

Et ce sur le fondement des articles 50, pour ce qui concerne la non délivrance de feuilles de soins,

et 53 al 4, pour le paiement en liquide.

et sur le fondement de l'article 67 al 1 du même code, argument bien évidemment non invoqué par la plaignante, mais soulevé par le conseil

lui-même, et qui sanctionne Monsieur EL YAFI pour avoir pratiqué des honoraires trop bas faussant la concurrence !

1- La non délivrance de feuilles de soins et le paiement en liquide :

Le Conseil National de l'Ordre est évidemment au fait de la pratique analytique, et il est impensable qu'il vienne sur ce point confirmer la décision du conseil PACA.

Une sanction sur le point de la non-délivrance de feuilles de soins sonnerait comme un coup de tonnerre dans le monde analytique au sein duquel on compte de nombreux et parmi les plus éminents médecins, psychiatres ou non.

La règle du paiement en liquide, sans intervention de la sécurité sociale, est appliquée par les analystes tant ceux qui se réclament de l'IPA que ceux se réclamant de l'enseignement de Jacques Lacan.

C'est, dans cette hypothèse, des milliers d'analystes qu'il faudrait poursuivre !

Rappelons en outre que dans notre cas, Mademoiselle a toujours payé son praticien en liquide, dès le début, y compris donc quand ils étaient liés par des entretiens psychothérapeutiques, avec feuilles de

soins, avant même que ne commence l'analyse.

Les paiements avant l'analyse et pendant l'analyse, faut-il le préciser, ont toujours été portés en comptabilité.

2- Les Honoraires trop bas, dans un but de concurrence

Les honoraires convenus entre un analyste et son patient sont librement arrétés, et sont, pour le cas présent, adapté aux possibilités de la patiente.

l'article 67 ne saurait, en l'espèce, trouver application.

Cet article est de plus en infraction avec la législation de la concurrence et des prix qui interdit tout barême, fut-il indicatif, encourageant précisément la concurrence cf la célèbre décision où les

ordres des avocats ont été condamnés à de très fortes amendes pour avoir publié ds barèmes indicatifs d'honoraires.)

En conséquence les articles du code de déontologie visés sont inadéquatspour trouver application et la décision du conseil régional doit être purement et simplement annulée.

La sanction prise par cette instance ordinale est, de plus, sans proportion avec les éléments retenus, à supposer qu'elle soit fondée,

ce qui n'est pas le cas.

LE COMPLEMENT D'INFORMATION :

Dans un légitime souci d'être parfaitement informé, le Conseil National

de l'ordre a écrit au Ministère de l'emploi et de la Solidarité,direction de la Sécurité Sociale

-La question précise posée au ministère sur " la possibilité pour un médecin qui procède à des séances de psychanalyse, de transmettre une

feuille de soins à son patient en indiquant ses

honoraires, alors que ceux-ci ne sont pas pris en charge.

Le Ministère répond le 7/5/2001

"Selon les dispositions du code de la sécurité sociale articles L

161-33, R 161-39 et s) les feuilles de soins sont au nombre des documents permettant l'ouverture du droit aux prestations de l'assurance

maladie.

Il résulte de ces dispositions que les feuilles de soins n'ont donc pas vocation à être délivrées si les actes effectués ne sont pas remboursables.

En l'espèce, les séances de psychanalyse ne sont pas inscrites à la nomenclature générale des actes des professionnels, et donc ne peuvent

être prises en charge par l'assurance maladie.

La délivrance de feuilles de soins par le patient même sous la pression du patient comme vous l'évoquez, ne pourrait que conduire à assimiler la

feuille de soin à une possibilité de remboursement…"

Ainsi notre argumentation sur la non-délivrance de feuilles est-elle confortée par la réponse du Ministère qui précise de ce fait le champ propre de la psychanalyse.

-la 2ème question qui est celle du paiement, le Ministère répond

" Si le patient le demande, le médecin doit remettre un reçu pour le montant des honoraires qu'il encaisse, si ce montant est supérieur à 100 F, conformément à l'arrêté 83-50 eu 3-10-83 relatif à tous les services."

Sur ce point également la réponse du ministère conforte notre argumentation, montre amplement que notre mode de paiement, et le montant des honoraires, n'étaient en rien sujet à critique, et surtout pas sur le point de la "concurrence"

Les éclaircissements officiels produits par le Ministère, dans leur lettre du 7/5/2001 permettront au conseil de l'ordre de dire et juger que le Docteur El Yafi n'a en rien contrevenu aux règles de la pratique analytique, et en rien contrevenu à la déontologie, comme nous

l'avions développé dans notre précédent mémoire.

Le code de déontologie médicale précise, en son article 53, " le médecin ne peut refuser un acquis des sommes perçues " Ce qui implique que le patient le demande, ce qui n'a jamais été le cas et n'est en général jamais le cas.

C'EST POURQUOI

Rien ne pouvant être reproché à Monsieur El Yafi,

La plainte de Madame X qui a ouvert ces poursuites s'étant révélée sans fondement, les motifs retenus par instances ordinales régionales étant infondés,

La décision entreprise sera purement et simplement annulée.

Fait à Marseille, le 20/6/2001

Pour le Docteur EL YAFI,

Son avocat, Maître ÉLIANE PERASSO