À propos de la rétention de sûreté

7 février 2008 : Court-circuit au Sénat.

Le 7 février 2008, le Sénat a adopté en urgence le Rapport sur la rétention de Sûreté et la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Ce Rapport, rappelons-le, prévoit le placement dans des centres socio-médico-judiciaires des criminels « dangereux » à l’issue de leur détention, si leur dangerosité est attesté par une commission pluri-disciplinaire.

Notons que si le syndicat de la magistrature dénonce la récupération de la douleur des victimes, si 100 associations et partis - de gauche - ont manifesté contre ce projet, celui-ci suscite aussi les réactions hostiles d’associations de victimes, comme l’Institut national de l’aide aux victimes et de médiation.

« Brèche » ?

Au cours des débats au Sénat, Robert Badinter s’est élevé contre ce projet en expliquant combien il signait l’abrasion des principes mêmes de responsabilité pénale, et de présomption d’innocence. C’est bien une brèche qui se trouve ainsi ouverte s’il est introduit dans le code pénal une possibilité d’enfermement d’un an, reconductible indéfiniment, et cela alors que poursuivait-il « il ne s’agit pas de malades mentaux souffrant de troubles psychiatriques les rendant dangereux, mais de condamnés qui n’ont pas été déclarés irresponsables par la justice, mais dont les expertises décèlent la dangerosité criminologique ». Nous ne sommes plus ici dans le registre de la preuve de la culpabilité, mais dans celui du pronostic d’un nouveau concept-clef : la dangerosité.

Transfuge il y a, pouvons-nous percevoir.  «  La justice est à présent confiée aux psychiatres » a pu s’émouvoir alors Nicole Borvo Cohen- Seat…

Des psychiatres ? Vous avez lâché le mot ?

Il y a lieu pour nous, dinosaures freudiens, d’aiguiser nos oreilles.

Le 30 janvier 2008, au cours des débats, Hugues Portelli, favorable au projet, déclarait vouloir en France, « un autre institut Pinel, ce centre canadien qui accomplit un travail de grande qualité, humain, avec des personnes présentant une dangerosité importante. Des groupes de parole sont constitués auprès de psychothérapeutes qui utilisent des thérapies comportementales et cognitives (…) il faudra, un jour, se poser la question de la formation de nos thérapeutes, pour que ces centres puissent fonctionner avec le personnel le plus sensibilisé à ces questions » Si « Mme Nicole Borvo  s'exclame », peut-on lire dans l’entre-deux de parenthèses, sur les comptes-rendus intégraux des débats nous retrouverons Madame Dati cependant en accord total sur ce point qui fait du cognitivisme du Québec le phare de notre vieille contrée.

Tentative de pas-tout.

Dans son excellent livre, Le cas Landru, biographie éclairée par le réel du sujet Landru, Francesca Biagi-Chai écrit, page 237 : « il n’est pas toujours possible de répondre en termes de responsabilité totale ou d’irresponsabilité complète, selon une loi du tout ou rien ». Il s’agit, nous dit l’auteur, lorsque l’on s’avance dans la psychose, de parvenir à « un savoir le plus précis, le plus juste possible ». Francesca Biagi-Chai ici, dirons-nous, tente d’opposer, à une logique et une politique binaire simpliste -  responsable ou pas - une stratégie plus nuancée, moins emprise du Un.

Avançons que, sans la lire sans doute et hélas, la ministre lui répond en singeant la logique du pas-tout. A l’idée du « ni totalement responsable, ni complètement irresponsable » la réponse ne se fait pas attendre, en court-circuit. Rachida Dati s’explique ainsi alors qu’elle est attaquée sur le principe de non-rétroactivité des lois pénales : ce principe ne peut s’appliquer ici. » Pourquoi ? Car la rétention, entendez bien, vous aviez raté un wagon, « est une mesure de sûreté ; ce n’est pas une peine. Elle est prononcée par des juges, mais elle ne repose pas sur la culpabilité de la personne ». Et voilà pourquoi votre fille est muette !

A la logique du pas tout proposée par Francesca Biagi-Chai, logique du « ni totalement responsable ni complètement irresponsable » , « politique de la psychiatrie centrée sur le sujet et son réel », Madame Dati répond par un ersatz de ni-ni, par cette tromperie :

elle ne propose en ce rapport ni peine ni liberté.