Un échange de lettres entre Christian Vasseur et Élisabeth Roudinesco

Lettre de Christian Vasseur à Elisabeth Roudinesco (25 novembre 2003)

ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE

Le 25 novembre 2003

Chère Madame

Votre article paru dans Le Monde du 23.11.03 Les faux-semblants de l'amendement Accoyer mérite bien des prolongements qui n'auraient leur pleine justification que si vous aviez bien compris l'esprit du texte plutôt que de ne retenir que sa formulation encore perfectible.

En effet lorsque, avec B. Accoyer, j'ai organisé le colloque du 23 mars 2000 à l'Assemblée nationale sur Les psychothé.apies et la loi, nous avions deux objectifs :

empêcher les projets de création d'un « statut de psychothérapeute », venus d'un ailleurs bien discutable,

rappeler, comme exigence première à la pratique des psychothérapies, l'acquisition par la théorie et par la clinique des connaissances en psychopathologie.

Dit autrement et en référence directe à votre texte, si l'Université peut dispenser des cours de « psychopathologie clinique », elle n'a pas les moyens de faire connaître la clinique de la psychopathologie. Celle-ci s'acquiert au lit du malade, d'où son nom de clinique (cf. allongé) auprès de seniors, « maîtres » ou patrons, et en assurant progressivement des responsabilités dans l'institution soignante (hôpitaux, dispensaires, CMP, etc.). Les psychologues l'ont entendu avec Didier Anzieu,et les psychiatres l'ont toujours su.

Quant à Sigmund Freud, ses positions officielles sur l'analyse laïque, pour la défense de son ami Theodor Reik, ne l'ont jamais empêché d'envoyer ses élèves non-médecins, dont sa fille, en stage à la clinique du Professeur Wagner-Jauregg, le même qui l'accueillait pour ses « Conférences d'Introduction » au cours de la première guerre mondiale. Bien sûr. je ne parle pas du très grand aliéniste qu'à toujours été Jacques Lacan ; comme lui, on peut oublier « la psychopathologie » ; nais seulement lorsqu'on l'a traversée.

Je peux vous assurer que pour tous les intervenants du Colloque de mars 2000, cette condition était apparue incontournable et a été finalement fondatrice de l'amendement ; le reste peut encore gagner en concision pour bien en préciser l'esprit.

Avez-vous réellement une objection à cette exigence première ? Si oui, vous nous aideriez beaucoup en nous en informant.

II est plus que vraisemblable que, avec B. Accoyer, nous organisions un Colloque avant la deuxième lecture de son amendement à l'Assemblée nationale. Votre connaissance et votre expérience du monde psychique ne pourraient que qualifier nos débats. Qu'en pensez-vous ?

Recevez, Chère Madame, mes salutations les meilleures.

Christian VASSEUR

Président de l'Association Française de Psychiatrie

Psychanalyste. Membre de la SPP et de l'IPA

Lettre d'Elisabeth Roudinesco à Christian Vasseur à (30 novembre 2003)

Elisabeth Roudineso

Directice de recherches à l'Université de Paris VII

Chragée de conférences à l'EPHE

Vice-présidente de la Société internationale d'histoire

De la psychiatrie et de la psychanalyse

Paris le 30/11/03

Monsieur Christian Vasseur

Cher Monsieur,

Merci de l'envoi de votre lettre. Vous me proposez, comme d'ailleurs l'avait fait Monsieur Accoyer par téléphone, de participer à un prochain colloque, en mars 2004 , qui se déroulerait, dites-vous, avant la deuxième lecture de 1 ' amendement à 1'Assemblée nationale. Je ne sais pas ce que sera cette deuxième lecture, ni dans quelles conditions elle aura lieu. Mais comme je n'ai jamais refusé le débat, j'accepte volontiers de m'y rendre.

Puisque vous vous situez du côté de 1'histoire et que vous évoquez les grands noms des maîtres de la psychalyse (Sigmund Freud, Theodor Reik, Anna Freud, et Jacques Lacan), permettez-moi de vous faire remarquer que la notion même d'analyse laïque, revendiquée par Freud et par ses successeurs, signifie que la psychanalyse ne serve pas de "bonne à tout faire de la psychiatrie" (ce sont les mots de Freud) et qu'elle ne soit jamais la proie ni des médecins, ni des prêtres, ni de qui que ce soit. En tant que telle, et du fait de sa "liberté", qui n'est pas sans rapport avec les grands principes de la laïcité républicaine, elle entretient une relation complexe et critique avec toutes les autres disciplines de la psyché : psychiatrie, psychothérapie, psychologie .

Vous êtes vous-même psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de paris (SPP), la première fondée dans ce pays en 1926. A ce titre, vous êtes membre de 1'International Psychoanalytical Association (ipa) fondée par Freud en 1910. Comnent pouvez-vous concilier votre statut de membre de ces deux associations avec une position d'expert psychiatre qui mettrait votre propre pratique de psychanalyste sous la tutelle d'une autre discipline ? Dois-je vous rappeler le combat qu'a mené en son temps, la plus grande pionnière de la spp – Marie Bonaparte – en faveur de la psychanalyse laïque?

Vous êtes aussi président de 1'Association française de psychiatrie. A ce titre vous soutenez le rapport Cléry-Mélin qui est violemment hostile à la psychanalyse et qui, pour cela même, est aujourd'hui critiqué par la quasi-totalité des sociétés psychanalytiques françaises (5000 praticiens). C'est sans doute la raison pour laquelle, dans le numéro de novembre de Psychiatrie française (page 11), vous attaquez plusieurs de vos confrères psychanalystes. Je cite vos propres phrases : "Nous avons aussi notre bêtisier et les premières réactions de quelques vedettes de la psychanalyse (Libération du 25/10/03) en sont pitoyables dans leur mauvaise foi ; à croire qu'elle auraient une position ambigüe ou. d'imposture à défendre".

Parmi les "vedettes" que vous insultez, et qui ont répondu à Libération, figurent Jacques-Alain Miller, membre fondateur de l'Ecole de la cause freudienne, Jacques Sédat, membre du conseil d'administration de 1'Association Espace analytique et Alain Fine, président de la Société psychanalytique à laquelle vous appartenez.

Pensez-vous vraiment que ces trois personnes soient aussi "pitoyables" que vous le dites ? Est-ce ainsi que vous entendez favoriser un véritable échange scientifique ? J'aimerais à ce sujet une réponse de votre part.

Quand vous me 1'aurez donnée, je vous ferai part, Cornue vous me le demandez, de "ma longue expérience du monde psychique" afin, selon vos propres termes, de "qualifier le débat".

Recevez, cher Monsieur, mes salutations les meilleures.

Elisabeth Roudinesco

Lettre de Christian Vasseur à Elisabeth Roudinesco (2 décembre 2003)

Chère Madame,

Votre lettre m'intéresse, fond, forme et questions : je vais y répondre. Mais d'abord |e vous remercie d'accepter le débat proposé. Je suis persuadé de la nécessité d'une rencontre afin de reprendre les fils d'un dialogue depuis longtemps interrompu, à lever des hypothèques, à réduire des méprises, à clarifier des obscurités, mais aussi à admettre que tout ne pourra pas être dit, ou sera mal dit, bref à nous faire la confiance mutuelle de l'intelligence.

Pour cela, il faut nous donner des bases repérables et je vais d'abord rappeler que vous n'avez pas répondu à la question de mon précédent courrier, à propos du fond de l'amendement de B. Accoyer; l'acquisition des connaissances en psychopathologie par la théorie et par la pratique de la clinique pour qui affiche, réclame ou s'autorise, une fonction de psychothérapeute. Comme vous me promettez une suite, j'imagine que votre réponse sera là !

La psychanalyse « entretient une relation complexe et ambiguë avec toutes tes autres disciplines de la psyché » et c'est bien sûr de se» fonctions. Elle n'est pas «la bonne à tout faire de la psychiatrie» et vous le rappelez avec ce bon mot du «Professeur Docteur » Sigmund Freud, et c'est heureux ; mais la psychiatrie n'est pas non plus un paillasson.

Placée en première intention, avec des soignants souvent isolés tragiquement, la psychiatrie soigne en faisant feu de tout bois et, en tant que science composite qui emprunte à de multiples épistémologies, elle peut métisser – au mieux –, adultérer – au pire –, la psychanalyse. Il est certain que la qualité de celle-ci, sa transmission sont de la seule responsabilité des Sociétés de psychanalyse. Si, pour vous rassurer, il fallait insérer cette évidence dans l'amendement, je suis persuadé que B. Accoyer l'accepterait.

Je rappelle ici que c'est la Fédération Européenne des Psychothérapeutes qui a pris le pouvoir sur la formation en Allemagne et en Italie, et qui supervise les protocoles de formation des Instituts de psychanalyse. Ce sont les mêmes qui ont failli obtenir un statut en France, en juillet 1999, après un lobbying frénétique auprès du Ministère de la santé, et que vos protégés protègent ; et vous aussi, par le biais des actuelles alliances tactiques anti-amendement.

A l'égard de nos anciens et de nos ancêtres en psychanalyse, vous évoquez Marie Bonaparte, la Princesse, « Marie » comme disait Freud. Je suis rigoureusement freudien, c'est-à-dire iconoclaste comme le premier d'entre eux, Freud lui-même, et donc très respectueux de leur message.

Vous me reprochez d'être et psychanalyste et Président de l'Association Française de Psychiatrie, comme s'il y avait un paradoxe fondamental qui m'obligerait soit à la confusion, soit au grand écart et aux acrobaties permanentes. Ce n'est pas sérieux ; je porte toujours mes lunettes de psychanalyste sur le nez, avec celles de médecin, de psychiatre, de citoyen, etc...

Seulement, lorsque quelqu'un me demande de conduire sa cure psychanalytique, je ne me trompe pas de paire. Vous savez, la pureté de l'être du psychanalyste m'apparaît comme une grave dérive masquant bien des inélaborés internes de l'identité.

Et puis, pensez-vous qu'il y a une limite à l'aoquisition des savoirs sur l'humain ; des savoirs qui seraient préjudiciables à la pratique et à la transmission de la psychanalyse ! Donc, oui, je suis psychiatre mais en quoi cela m'inféoderait-il au rapport du Docteur Cléry-Melin ; parce qu'il est psychiatre aussi ? !

C'est un peu court et, de plus il est clair que vous n'êtes pas une habituée de nos colloques et publications, ni de notre «esprit maison». Nous avons désossé le rapport Piel-Roelandt, des psychiatres aussi, et nous faisons de même avec le dernier venu ; nous verrons ce qu'il en restera. Mais peut-être vous interrogez-vous sur le fait qu'une Association scientifique de psychiatres, une des plus importantes en nombre se soit choisi un psychanalyste pour Président ? J'affirme, avec la majorité de mes collègues, que - sans ['apport de la psychanalyse - la psychiatrie se limiterait à une entreprise de surveillance et de gardiennage, distributrice de médicaments et d'allocations diverses. Mais ceci est vraiment très ordinaire dans nos discours. J'affirme aussi avec d'autres que la psychiatrie, par les questions toujours nouvelles qu'elle pose à la psychanalyse oblige celle-ci à progresser : psychiatrie et psychanalyse, un vieux couple toujours passionnel et consubstantiel.

Comment voudriez-vous que la psychopathologie progresse sans l'apport des données les plus actuelles de la psychanalyse ? Cette question a fondé la psychiatrie et a conduit à sa séparation avec la pensée biomédicale et la neurologie ; mais peut-être la psychiatrie est-elle aussi tentée par ces vieilles lunes, les scientismes du passé ? Ce mouvement de balancier entre avancée et régression n'est pas nouveau non plus. Ce qui l'est, c'est que nous avons décidé de passer par des actions de témoignages scientifiques pour alerter public et politiques. Avant de co-organiser, avec B. Accoyer, le colloque sur Les psychotnérapies et la loi, en mars 2000, nous avions tenté a l'Association Française de Psychiatrie d'alerter les pouvoirs pubiics sur les dangers d'un statut de psychothérapeute proposé par les « Européens » (c'est-à-dire ceux qui se sont servi de l'alibi de l'européanisation pour imposer un statut qui n'arrange que leurs organismes, fort rentables, de formation). Je ne reprendrai pas ici toute l'histoire car vous êtes certainement informée. Lors de cet événement, c'est un « mur de psychanalystes » en tribune qui s'est opposé à cet envahissement. Puis ont suivi nos Journées scientifiques nationales sur le même sujet d'une réflexion continue,

Le lien avec B. Accoyar a toujours été maintenu et même si, d'évidence, nous n'avons pas été ses seuls interlocuteurs, nous avons êté regulièrement informés de son projet et nous en avons toujours rendu compte dans notre journal mensuel, La Lettre de Psychiatrie Française (et non Psychiatrie Française, que vous citez et qui est, elle, une Revue scientifique trimestrielle).

Dans cet esprit de témoignage scientifique, nous avons co-organisé, à Montpellier en juin dernier, les Etats Généraux de la psychiatrie où j'ai présenté le premier rapport qui se termine par ces mots : « Sans ce/a (la pensée sur la pensée du soin), tous les manques à penser et toutes les dérives ne pourront que continuer au renforcement collectif des solutions perverses opposées à la demande de soin ».

C'est ce que nous défendons car, sinon, la psychiatrie – spécialité la plus sinistrée de la médecine – serait condamnée en tant qu'outil de soin. Tant pis ou tant mieux, c'est selon ; le problème est que la maladie demeure et ne connaît ni la politique, ni les religions, ni l'économie. Alors va pour une sous-qualification, des transferts de compétence multiples, et ce que préconise le rapport Borland, etc... ? Nécessité ferait-elle loi ? J'ai du mal à croire que vous défendriez cela.

Enfin, vous me reprochez des mots peu amènes à la suite d'un article paru dans Libération. Les propos du Président de ma Société psychanalytique n'étaient pas concernés puisque nullement malveillants ; pour les autres (je parle bien des discours et non des hommes), je les ai qualifiés de pitoyables après avoir longuement mesuré ce qualificatif.

En effet, je pense que, d'où qu'il vienne, lorsqu'un propos utilise l'incrimination, l'allusion, le dénigrement, l'amalgame, le mensonge délibère sur fond de mépris, il est pitoyable ; c'est même le moins qu'on puisse en dire. Peut-être comprendrez-vous alors que, n'étant pas contraint à opposer l'image du conciliateur paisible de tout homme politique en bon état de marche, je me sois permis quelques réponses alertes ? Pour information, je vous communique copie de celles que j'ai adressées à BHL après son Bloc-Notes, d'une part, et au Journal Marianne après l'article Pourquoi les français consomment-ils autant d'antidépresseurs ? de Sophie Bialek et Pierre Sidon, d'autre part.

Et puis quoi ! Lorsqu'on tire à la kalachnikov, il ne faut pas s'étonner de recevoir des balles!

Voilà Elisabeth Roudinesco, j'ai répondu à toutes vos questions et, pour la suite, je souhaîte vivement rencontrer des collègues « bienveillants », c'est-à-dire veillant bien à autrui et à la transmission de la psychanalyse ; c'est un seul et même projet pour moi.

J'ai apprécié votre lettre, tant pour les éléments qu'elle contient et qui sont autant de pointe d'accord et de débat possibles, que pour votre vivacité qui n'est à aucun moment un obstacle à l'échange.

A vous rencontrer, recevez. Chère Madame, mes salutations les meilleures.

Docteur Christian VASSEUR

N.B. Deux dates sont d'ores et déjà retenues pour une Table ronde : le 20 décembre au matin à Paris, et le 20 mars après-midi. J'attends des précisions pratiques pour vous confirmer les intervenants et le lieu.

Lettre d'Elisabeth Roudinesco à Christian Vasseur (5décembre 2003)

Cher Monsieur,

Merci de votre lettre à laquelle je réponds brièvement. Je n'ai jamais considéré la psychiatrie comme un "paillasson"'. Comme vous le savez, je suis vice-présidente d'une société savante dont le président, René Major, est à la fois psychiatre, psychanalyste, et formé dans le sérail de la SPP. Il a été en juillet 2000 1'organisateur des Etats Généraux de la Psychanalyse, auxquels, malgré notre appel, votre société a refusé de participer, alors même que de nombreux membres de l'IPA (34 pays) y étaient présents.

Par ailleurs, à 1'Université de Paris VII, j'enseigne 1'histoire de toutes les disciplines de l'âme dans un département d'histoire où je fais soutenir des thèses à ce sujet, comme d'ailleurs à l'EPHE. Je n'emploie jamais de termes qui puissent renvoyer à une quelconque discrimination, même quand j'enseigne des doctrines avec lesquelles je suis en désaccord. Vos mots ne sont pas les miens,

L'histoire montre malheureusement que la psychiatrie est aujourd'hui une discipline sinistrée (comme je l'ai souligné dans mon livre Pourquoi la psychanalyse?) Elle est sinistrée parce qu'elle a rompu le pacte qui 1'unissait à la psychanalyse, discipline reine, libre et "laïque", en se soumettant aux classifications du DSM, des laboratoires, des neurosciences et du cognitivisme, c'est-à-dire à ce qui constitue – je pèse mes mots – la plus grande arme de guerre contre la pensée freudienne et donc contre la civilisation. D'où la terreur des notables de tous bords d'être débordés par les faux savoirs et autres placébothérapies en progression constante. Dans le monde entier, fort heureusement, les psychiatres eux-mêmes se battent contre cette nouvelle barbarie Cher Monsieur, de la mesure, de 1'expertise, du scientisme, toutes choses qui favorisent, en retour, la montée de 1'occulte et de 1'irrationnel. Mon ami Edouard Zarifian a eu en France le courage de dénoncer cet état de fait. Comme d'ailleurs Jean-Claude Pénochet qui m'avait invitée à ouvrir son premier colloque destiné à préparer les EG de psychiatrie.

Vous dites que je ne suis pas une habituée de vos colloques et de votre "esprit maison". C'est exact. Mais cela ne m'empêche pas de lire vos rapports et vos publications sur lesquels j'aurais beaucoup de choses à dire. Bien entendu, je ne les lis pas avec le même reqard que le vôtre. Autrement dit, le regard de l'historienne que je suis est forcément moins polémique que celui des corporations que vous représentez. Si ce n'était pas le cas, 1'histoire serait toujours hagiographique. Et tous les conflits que j'ai eus avec les sociétés psychanalytiques - et plus encore avec la vôtre - viennent de cette difficulté qu'elles ont à accepter d'êtres autres que ce qu'elles croient être ; problème oedipien en somme, au sens de Sophocle. Il faudra bien un jour que vous acceptiez cela : un autre regard et non pas la pensée unique.

En conséquence, je n'approuve ni le contenu de la lettre que vous avez adressée à Bernard-Henri Lévy, ni 1'adjectif "pitoyable" par lequel vous désignez les discours de vos opposants (Jacques-Alain Miller et Jacques Sêdat). L'article de Bernard-Henri Lévy est excellent et non pas "désinformé" comme vous 1'affirmez sans aucun argument. Quant aux propos de vos deux collègues, ils ne méritent pas cet adjectif. Que vous ne supportiez pas que l'on pense autrement que vous, je le comprends – c'est une affaire d'affect et de narcissisme –, mais que vous vous mettiez dans un état passionnel au point d'insulter les autres, cela n'est pas acceptable. Mous sommes en démocratie et non pas dans la forêt de Bondy. Et d'ailleurs, le débat est public puisque toutes les sociétés psychanalytiques – y compris une partie des membres de la vôtre – sont opposées à 1'amendement.

Je me félicite donc que le débat démocratique puisse triompher de "1'esprit maison". Je ne désespère pas de vous : vous finirez bien par changer d'avis. Et d'ailleurs, votre lettre fait déjà preuve d'une véritable volonté de dialogue. Bravo! Encore un effort et tout sera possible.

Elisabeth Roudinesco