sauvons la clinique : le point de vue des étudiants

Nous tenons tout d’abord à remercier chaleureusement le comité d’organisation de cette journée pour son invitation. En effet, nous avons constaté que de nombreuses associations se battent pour défendre la psychologie clinique d’orientation psychanalytique mais que ce combat est malheureusement souvent mené dans la solitude et l’urgence de situations locales.

Pour notre part, nous souhaitons témoigner ici des difficultés auxquelles les étudiants de Paris 13 ont été confrontés depuis 2005, ainsi que des moyens qu’ils ont mis en œuvre pour maintenir la présence de la psychanalyse dans leur université.

C’est la non réhabilitation du CPSC, un laboratoire regroupant les enseignants chercheurs d’orientation analytique, qui est à l’origine de notre mobilisation. En effet, jusqu’à 2005, ce laboratoire coexistait paisiblement à Paris 13 avec un second laboratoire d’orientation cognitivo-développementale. Alors que la réhabilitation des deux laboratoires était quasi-systématique depuis de nombreuses années, celle de 2005 aboutit à la suppression pure et simple du CPSC quand le second laboratoire fut, lui, réhabilité. Les arguments mis en avant pour justifier cette suppression furent un nombre insuffisant de publications et la non-conformité des recherches psychanalytiques aux exigences scientifiques internationales.

De la même façon, le Master 2 recherche Psychanalyse et psychopathologie  qui était adossé au CPSC a été rayé de la carte. La situation est restée en l’état pendant un an, laissant 17 doctorants sur le carreau. Au même moment, le Master professionnel de psychopathologie et psychanalyse a connu des restrictions budgétaires qui ont entraîné la suppression brutale de séances de travaux dirigés de psychologie clinique en plein milieu de l’année universitaire. En revanche, lorsqu’il s’agissait de psychologie cognitive, on maintenait des travaux dirigés dont l’effectif était parfois inférieur à 5 étudiants. Dans la même lignée, un professeur de psychanalyse parti en retraite s’est vu remplacé par un enseignant psychiatre suite à la mise sous tutelle du comité d’enseignants chargé de son recrutement.

Voici quelques exemples de ce à quoi nous avons été confronté à Paris 13.

Un an plus tard, les enseignants ont proposé au Conseil Scientifique l’habilitation d’un laboratoire d’université (bien moins important que ne l’était le CPSC) afin de permettre aux étudiants qui le souhaitaient d’effectuer un doctorat de psychologie clinique d’orientation psychanalytique à l’université Paris 13. Le conseil scientifique a alors sans cesse repoussé la mise à l’ordre du jour de ce projet. C’est dans ce contexte que nous avons lancé en Mai 2006 une pétition dénonçant cette situation et dont nous remercions à nouveau les 1972 signataires. La présence d’une élue étudiante représentant l’AFEPCOP au conseil scientifique nous a alors semblé déterminante dans la mesure où les élus méconnaissaient les débats actuels relatifs à la psychologie clinique. Il était donc nécessaire de pouvoir effectuer auprès d’eux un important travail de pédagogie concernant la psychanalyse. Ce travail a fini par porter ses fruits puisque l’intégralité de l’équipe enseignante, jusqu’alors orpheline, a pu rejoindre le laboratoire existant en tant qu’équipe autonome. Suite à cela, nous avons rencontré la responsable du M2 recherche et lui avons exposé notre désir de pouvoir effectuer à nouveau, à Paris 13 un M2 Recherche spécialisé en psychanalyse sans autres enseignements imposés. Nous avons obtenu un résultat satisfaisant en faisant jouer le système des parcours.

Si la mobilisation a permis d’éviter que la psychanalyse soit délogée de Paris 13, les gains n’ont pas compensé les pertes. Il convient de ne pas oublier qu’il s’agit de douloureux compromis et nous restons très vigilants quant à l’avenir.

Ces deux évènements nous ont fait saisir l’importance de la présence d’élus étudiants mais également d’élus enseignants dans les conseils d’université. Cette double présence nous parait tout à fait nécessaire et nous appelons les professeurs à s’y inscrire.

Nous allons à présent vous exposer les positions et questionnements de l’AFEPCOP, qui pour certains ont émergé de cette situation de crise.

Il nous semble inadmissible d’imposer une pensée unique dans le domaine du psychisme et par là d’accorder un véritable monopole à une méthode thérapeutique.

Le leitmotiv qui a été et reste le nôtre est celui du refus sans appel d’une psychologie clinique qui se voudrait relever d’un savant saupoudrage, mêlant différentes orientations tout au long du cursus. C’est cette dimension qui nous parait être la plus préjudiciable à la psychologie clinique. A notre sens, le psychologue clinicien doit absolument être spécialisé dans son domaine, et ceci quelle que soit son orientation. Il semble, et une pétition récente revendique ce positionnement, qu’on voudrait finalement faire du psychologue clinicien non pas un spécialiste du psychisme, quelle que soit la façon dont on le conçoit, mais une entité hybride certes touche à tout mais finalement bonne à rien. Nous avons ainsi lutté contre cette dévalorisation insensée de la spécificité du psychologue clinicien par une revendication axée sur la question de la spécialisation et sur la nécessité de donner aux étudiants la possibilité de la choisir, par exemple après les deux premières années universitaires.

Par cet accent porté sur la spécialisation, nous revendiquons fermement la possibilité pour tous d’accéder à une formation de qualité.

L’association a également engagé un travail de réflexion quant à la transmission de la psychanalyse dans la formation des psychologues cliniciens. En effet, il s’agit bien ici de la formation de psychologues cliniciens et non de futurs psychanalystes. Cette dimension nous parait bien souvent occultée. Les enseignants parlent d’une position d’analyste (et comment feraient-ils autrement ?) et non d’une place de psychologue clinicien d’orientation analytique. D’ailleurs, qu’est-ce donc qu’un psychologue clinicien d’orientation analytique ?

Les étudiants qui, rappelons-le, sont très peu nombreux à faire l’expérience de la cure psychanalytique, finissent par réduire l’exercice du psychologue clinicien d’orientation analytique à celui d’un analyste au rabais. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de cette définition qui laisse le futur psychologue dans un positionnement boiteux. Ceci nous parait entretenir l’amalgame qui se noue autour de la figure du « psy », entité bien souvent confuse du fait de l’indistinction entre « psy-chologue », « psy-chanalyste » et « psy-chothérapeute ». Incontestablement l’enseignement théorico-clinique de la psychanalyse par des analystes reste le plus opérant dans nos formations à l’université. Toutefois, il conduit parfois l’étudiant à s’identifier à une position d’analyste qui ne sera absolument pas la sienne au sortir de sa formation universitaire.

Par ailleurs, de notre place d’étudiants engagés en faveur de la psychanalyse, nous nous interrogeons également sur la ténuité de sa place à l’université. Les résistances à l’inconscient et l’émergence du courant cognitiviste expliquent-elles à elles seules les difficultés auxquelles nous sommes actuellement confrontés?

En tant que futurs psychologues cliniciens d’orientation analytique, nous nous saisissons du contexte actuel afin d’interroger notre positionnement. Et finalement nous nous disons parfois qu’une situation de crise est une invitation à penser et à ne pas oublier que le maintien de l’hypothèse de l’inconscient dans les études de psychologie clinique relève d’un travail constant.

Dans ce sens, il nous parait tout à fait essentiel aujourd’hui d’unir nos forces afin de préserver la présence de la psychanalyse dans l’enseignement de la psychologie clinique à l’université.