Psychanalyse bling bling

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Quelque chose est-il en train de changer dans le mouvement psychanalytique ? On peut envisager cette hypothèse heureuse à l’écoute des intervenants rassemblés vendredi 10 octobre sous le drapeau de « Sauvons la clinique » même si l’unanimité ne s’est pas faite sur l’emploi de ce terme. Il y aurait quelque illusion à supposer, comme l’ont fait certains participants, que tous ceux qui se trouvaient réunis dans les locaux oh combien symboliques de l’Assemblée Nationale, étaient tous d’accord sur la forme comme sur le fond. Les psychanalystes y étaient-ils d’ailleurs majoritaires, ce n’est pas certain. Cependant, ils étaient présents et c’est là déjà un signe encourageant. Enfin, le mot de politique n’était plus tabou, enfin pouvait être évoquée l’idée d’une politique de la psychanalyse, d’un lien avec d’autres mouvements d’autres professions, d’autres réflexions. Enfin « l’inconscient, c’est le social » comme avait pu le dire Lacan, débouchait sur autre chose que des discours creux. Enfin on pouvait réfléchir ensemble sur ce qui était aujourd’hui à l’œuvre dans les politiques publiques en France et dans le monde sans être renvoyé comme un malpropre à son divan. Optimisme, pessimisme ? fin de la psychiatrie comme de la psychanalyse ? dernier soubresaut avant l’extinction des feux, chacun y est allé de son point de vue. Mais l’important est sans doute de ne pas se tromper de registre. Si le pouvoir dans tous les domaines, joue sur une politique de la dépression généralisée pour mieux assener ses coups, hier il a été enfin question de politique et de rapport de force et ce n’est pas du tout la même chose.

Le mouvement « sauvons la clinique » doit, on le sait, déboucher sur des « États Généraux ». Fort bien. À la tribune hier, deux personnes ont parlé de leur expérience en ce domaine pour en marquer à la fois l’importance et les limites. Isabelle This d’abord qui est l’une des représentantes du collectif « Sauvons la recherche » a insisté sur le fait que les états généraux qui avaient rassemblé plus de la moitié des chercheurs avaient débouché sur un ensemble de promesses non tenues. Hervé Bokobza, l’un des principaux organisateurs des « États Généraux de la psychiatrie » a lui souligné comment le corporatisme et les intérêts particuliers des uns et des autres avaient fait un retour en force dès la fin de la rencontre rendant toute poursuite du mouvement impossible. Deux enseignements dont il nous faudra tenir compte.

Aujourd’hui les pétitions se succèdent sur Internet à un rythme soutenu. Chacun y va de son clic. Mais il faut aller plus loin. Il faut à l’évidence que cette formidable machine qu’est l’Internet serve à faire circuler les informations, à les faire remonter de façon à ce que chacun prenne connaissance de ce qui se passe. N’est-ce pas là le principe même des « États Généraux » ? Nous devons prendre conscience de ce qui motive cette folie de la réduction de toute pensée à des chiffres : la soumission des pouvoirs intermédiaires dernier obstacle au pouvoir absolu des politiques. Aujourd’hui le pouvoir en place croit naïvement, et peut-être de bonne foi peu importe, être le seul à détenir la vérité et les clés de l’avenir, savoir mieux que les enseignants ce qu’il faut enseigner, mieux que les historiens ce qu’est l’histoire, mieux que les chercheurs ce qu’ils faut chercher, mieux que les psychiatres ce qu’est la folie et comment la soigner, mieux que les psychanalystes ce qu’est l’inconscient , et qui peut, au travers des associations qu’il désigne et qu’il valide aux détours de l’article 52 dire ceux qui sont psychanalystes et ceux qui ne le sont pas.

Le pouvoir politique en place a des moyens d’agir qui s’appellent soumission des uns et des autres, nomination aux postes clés des plus manipulables. Les luttes à l’Université en sont un bon exemple. Grâce à l’usage supposé neutre de la bibliométrie, qui conduit à nommer un professeur en faisant le total de ses publications dans les revues classées de rang A et B sans tenir compte du contenu de ses travaux et dans le même temps en opérant une main mise sur la classification de ces revues, on aboutit à mettre sur la touche tous ceux qui de près ou de loin défendent la clinique du sujet. Le pouvoir a besoin de chiffres pour justifier sa prétention à dire le vrai sur ce qu’il ignore et à rabaisser le discours savant au discours médiatique et au populisme du « bon sens ». En résistant à cette politique qui confond dépistage et prévention, nombre d’articles et contenu, troubles du comportement de l’enfance et future délinquance, nous lui ôtons sa prétention à gouverner selon son bon vouloir.

Les psychiatres, les psychanalystes, les psychologues ont une responsabilité dans ce qui aujourd’hui fait plus que se profiler mais est présent dans les faits. Accepter d’être les idéologues du libéralisme, remonter le moral des tradeurs déprimés de la « City » et de « Wall street », nous réfugier dans une écoute de la souffrance qui fasse fi du social et du politique, fuir les instances de décision et nous réfugier sur l’Aventin, ou accepter d’assumer nos responsabilités avec tous ceux qui aujourd’hui défendent leur place dans une société encore démocratique tel est le choix qui s’offre à nous.

Mais il nous faut aussi ne pas seulement nous défendre au nom du passé mais aussi montrer la pertinence de notre pratique et de sa théorisation aujourd’hui. Si l’on admet en effet que l’inconscient c’est le social, on ne peut se contenter d’ânonner la clinique d’hier au nom de sa pertinence toujours actuelle. Il nous faut aussi témoigner d’une clinique du présent et de la fécondité de la recherche en ce domaine.

Selon une récente enquête parue dans « Livre Hebdo »1 « libraires, éditeurs généralistes et spécialisés sont au moins d’accord sur un point : le secteur « psy » est difficile. Il souffre du même mal français que celui des sciences humaines et de littérature : trop de livres publiés et moins de lecteurs » et d’ajouter cependant qu’avec 1004 titres publiés en 2007 contre 950 l’année précédente « la production de nouveautés et de nouvelles éditions est en hausse de 6 %, malgré un discours ambiant qui met en garde contre la surenchère ». Dans ce même article passionnant, Sylvie Fenczak directrice littéraire chez Flammarion ajoute : « 2007 n’a pas été une année facile pour la psychanalyse qui connaît un gros problème de visibilité, avec de moins en moins de place dans les rayonnages des librairies et dans les journaux » et d’ajouter : « depuis une quinzaine d’années, la psychologie comportementale a pris le dessus, donnant au lecteur le sentiment qu’elle pouvait apporter une réponse assez simple et rapide à ses problèmes ».

Cette situation n’est pas nouvelle même si elle n’a fait qu’empirer, mais sa solution n’est pas simple. Dire que les éditeurs ne font pas leur boulot et publient trop, cela nous exonère un peu facilement de notre responsabilité de lecteur. Chaque année, c’est par dizaines qu’ils refusent les ouvrages qui leur sont proposés. Pour tenter de peser sur cette situation quelque peu inextricable, j’ai proposé il y a de cela 20 ans dans le cadre d’une association que j’avais créée

avec quelques collègues, d’organiser un salon de lecture suivi d’un prix. L’idée n’était pas mauvaise en soi, mais son retentissement sur le plan de la réalité était pratiquement nul. Ce prix n’intéressait pas grand monde et n’avait aucun impact tant sur la production des ouvrages que sur le lectorat du fait notamment de ses conditions d’attribution.

Après quelques tentatives et quelques hésitations, j’ai fini, en 1999, par me décider à tourner la page et à quitter cette association pour aller vers ce que je considérais – bien seul à l’époque- comme l’avenir , la création du site Œdipe . Il y a quelques mois l’idée m’est venue pour relancer le débat théorique autour des livres et améliorer le rapport des différents acteurs, de repenser le prix en l’appuyant cette fois sur le travail formidable fait jour après jour par les libraires et les éditeurs. Vingt libraires de France et du Québec ont répondu présent et se sont engagés avec moi dans cette aventure. Les règles en sont fixées. Chacun peut en prendre connaissance. Cette initiative a cependant semblé faire de l’ombre à mes anciens collègues que j’avais pourtant appelé à joindre leurs efforts aux miens sans les mélanger dans une nuisible confusion. Ils ont même porté le fer contre moi par le biais d’un référé qu’ils ont d’ailleurs perdu. Que n’ont-ils plutôt cherché à discuter avec moi au lieu de me chercher querelle ! nous aurions économisé notre temps et notre argent .

Car la tâche est loin d’être facile et ne peut réussir que si chacun retrousse ses manches. Que ceux qui veulent monter dans cette barque, m’écrivent., certains sont déjà au travail. Que ceux qui souhaitent constituer des cartels de lecture si possible entre analystes d’associations différentes me contactent. Que me parviennent vos lectures critiques des ouvrages parus au cours de l’année et ensemble nous réussirons cette entreprise difficile: organiser le « prix Œdipe des libraires » sur une base large, ouverte et démocratique.

  • 1.

    « psychologie, psychanalyse. La polémique comme thérapie » Livre hebdo N° 735 du 23 mai 2008.