Le bébé neid

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Je lis un peu tard peut-être un article de L. Le Vaguerèse. J'en tire un argument pour nommer une actualité clinique, brûlante et tellement étonnante.

Qui aurait cru que le mouvement féministe produirait ces effets. Je m'en tiendrais à la « visée de l'égalité entre hommes et femmes » qui semble orienter l'évolution de notre culture. Bien sur qu'il y a des combats terribles à mener encore dans le monde du travail et le monde des responsabilités politiques, mais j'aimerai y relier un effet de la clinique actuelle.

Ainsi, dans cet article, l'auteur déclare « grâce à un léger déplacement, cette égalité de droit entre les hommes et les femmes devient une similitude des places entre le père et la mère. »

Il faut rajouter une autre phrase un peu plus loin dans l'article : « Troisième conséquence, une confusion s'est installée entre féminisme et lutte sur l'avortement entraînant un glissement plutôt fâcheux entre féminisme et maternisme. Nul ne conteste que ce sont d'abord les femmes qui ont conduit la lutte pour le droit à l'avortement et que le mouvement féministe y a tenu la place de leader. Mais de ce fait historique a résulté une certaine confusion entre les femmes et les mères. Que seules les femmes soient des mères potentielles ne conduit pas à faire équivaloir les deux notions. » 

Aussi apporterai-je encore de l'eau à ce moulin, des égalités entre homme et femme rendue à une similitude des fonctions père et mère. La pente serait actuellement de penser toujours l'égalité des droits pour une confusion d'être, voire une identité impossible qui ouvre à la revendication « d'être pareil ». Ainsi, je crois que l'on peut parler aujourd'hui d'un effet de retour, que maintenant je nomme le bébé-neid.

Le bébé-neid est dans le droit fil du texte de Freud sur le roc de la castration. En 1937, dans «L'analyse sans fin et l'analyse avec fin » Freud discutera du problème posé par les diverses causes de résistance insurmontable qui s'opposent à la terminaison de la cure, en particulier l'angoisse de castration. Il la nomme alors de deux manières différentes, selon la sexe, l'envie du pénis chez la femme, et la peur de la féminisation pour l'homme, qu'il relie d'ailleurs à « la rébellion contre sa positions passive ou féminine envers un autre homme »., « un refus de la féminité », précise-t-il.

Le bébé neid, est un premier retournement qui vise une expression de l'angoisse de castration, non pas face à une femme, mais face à une mère. Et qui passe d'un refus de la féminité à une revendication de la maternité, ou à une souffrance exprimée de n'être pas une mère ! souvent aussi comme un reproche adressée à la femme, mère dans la situation !

Ainsi : un père s'est séparé de la mère de son enfant. Il voit son fils une à deux fois par semaine, le reste du temps, l'enfant est à la charge de la mère et d'une crèche. Rien que de très banal aujourdh'ui ! Un mercredi, pour honorer sa parole de « garde partagée », le père emmène son fils, à peine un an, en promenade. Ils sont seuls tous les deux. L'enfant court, s'amuse, il tombe et se couronne le genou. Il s'est écorché et il a mal ; il pleure et il appelle « maman » dans sa détresse. Le père en est malade, furieux et plein de reproche pour la mère de son enfant « qui aurait dit quoi, à son fils », pour que dans la détresse l'enfant ne se tourne pas à l'adulte présent . C'est pas normal, il aurait du m'appeler, il savait bien que tu n'étais pas là, bien sur que je pouvais le consoler moi aussi : pourquoi il m'appelle pas moi ! papa ! »

Effectivement la fonction «mère » n'est pas la fonction « père », mais ce père souffre de n'avoir pas la fonction mère !

« Quoi, mais ce n'est pas de ma faute si je ne peux allaiter comme toi », explique dans la fureur un autre père parce que la mère de son bébé lui demande quelque argent pour les affaires familiales.

Les pères d'aujourd'hui vivent-ils leur paternité dans une rivalité avec la mère de leur enfant. N'est-ce pas un véritable bébé-neid. Les pères d'aujourd'hui envient aux femmes leur capacité à être mère et s'estiment lésés dans le couple de ne pas être à égalité avec elle, comme mère.

L'angoisse de castration chez l'homme n'est plus du tout réglé par la peur de la féminisation, sous l'égide d'une éviscération. Elle se présente aussi aujourd'hui, dans cette revendication à compter pour un enfant autant que sa mère, et surtout de la même manière. Ainsi cette confusion que Laurent le Vaguerèse remarque à propos de l'avortement entre maternité et féminité, se retourne-t-elle, chez certains jeunes hommes, nouveaux pères, en un véritable bébé-neid.Je trouvai la remarque clinique assez étonnante pour avoir eu envie de la présenter sur ce site.