LE SYMPTOME « PSY »

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jjmoscovitz@gmail.com 0143250211 0616295189 2 R MABILLON 75006 PARIS Tel l’artiste, Lacan savait faire. Il savait avancer un point de clinique nouveau depuis sa pratique, c’est à dire nommer ce qui, déjà là avant, ne...

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LE SYMPTOME « PSY ».

 

La situation actuelle montre que se constitue allègrement un symptôme parmi les psychanalystes. En effet, la réalité actuelle ne devrait préoccuper non pas celle des psychanalystes mais celle des psychothérapeutes. Ceux-ci, organisés en fédérations puissantes, voudraient être assimilés aux psychanalystes, parlant par exemple de psychothérapie personnelle comme formatrice à l'instar de l'analyse didactique qui oriente vers un désir de l'analyste qui, lui, pour le moins n'a rien à voir avec l'usage de l'institution que font les psychothérapeutes pour se définir et être reconnus par l'Etat. C'est ce dans quoi ils veulent nous entraîner à leur suite aujourd'hui. De telle sorte que pour des raisons obscures certains groupes de psychanalystes se disent concernés alors que le projet Accoyer ne contient aucunement le mot de psychanalyse. Le droit nous apprend que la règle, pour le passage de l'amendement à un décret de loi ne peut contenir aucun autre terme que ceux contenus dans l'amendement lui même. Autrement dit si le mot psychanalyse n'est pas dans l'amendement il ne peut faire l'objet d'aucune inscription dans la loi. Les tenants parmi les psychanalystes du retrait éventuel de l'amendement avec l'insertion de précautions demandées au législateur du genre « psychothérapie psychanalytique », ou régulation et garantie de la « formation des psychanalystes par leurs associations» devraient réfléchir à deux fois avant de se tenir si solidaires des psychothérapeutes.

Le refus de l'amendement Accoyer par les psychothérapeutes n'est dû qu'au fait que ce qu'il leur accorderait, semble-t-il, n'est que l'exercice de l'acte psychothérapique, et non un titre de psychothérapeute. Qu'ils veulent ardemment. Contrairement aux psychanalystes qui, eux, ne demandent pas de titre donné par un diplôme d'Etat, ni de statut administratif–car ils savent, eux, combien en Europe, en Hollande ; Italie, Allemagne, et ailleurs, cela a participé à l'extinction de la psychanalyse.

Cela doit tenir à l'apport freudien lui-même qui précisément implique que l'analyste n'exercer que si aucune autorité ni ne l'y oblige en aucune manière ni ne l'en empêche à aucun moment du déroulement d'une cure. Cela est radical, décisif, indiscutable, tout particulièrement au moment du choix de devenir psychanalyste, où seule l'institution à laquelle un impétrant s'adresse, peut en dire quoi que ce soit. Car elle seule, composée de psychanalystes praticiens peut en assumer la responsabilité. Voilà pourquoi, dans cette période où nous sommes, riche en enseignements sur les rapports entre le législateur et la psychanalyse, discipline fondée par Freud, reformulée par Lacan, la notion de « psychothérapie psychanalytique » est mise en surbrillance car il n' y en a pas, sinon par un abus de langage, un faux ami, un amalgame à récuser. Seul un psychanalyste formé sait comment il doit attendre et décider si une psychanalyse est possible alors qu'il a convenu, avec celui qui vient le trouver, de l'écouter en face à face . Seul un analyste sait, de par sa formation , à quel moment un oui à l'analyse est exigible. Dans tous les autres cas, parler de « psy » est au sens strict une simple facilité à laquelle désormais il faut renoncer.

« Psy » prête à toutes sortes de brouillages qui, si elles ne sont pas reconnues aboutissent à la situation actuelle. Et ce d'autant que les médias usent de ce petit mot « qui ne mange pas de pain » mais brouille tout.

Les médias aident là le discours médical à ériger volontiers la psychothérapie en panacée acceptable pour tous. Et du coût de déconsidérer la psychanalyse en la taxant de toutes sortes de défauts : intellectualisante, longue, coûteuse, réservée à une élite, ne s'occupant pas du corps. Non et non, Freud a fait sortir la médecine de son rail uniquement biologique. Mais, la psychothérapie, obéissant au modèle médical, sans en être vraiment, par sa méthode, ignore, tout au moins atténue gravement le fil que Freud a découvert, celui du transfert, qui, s'il existe dans toutes nos relations amoureuse, parents-enfants, amicale, se retrouve hissé au rang d'une mise en discours, le discours psychanalytique qui tient ensemble et le corps, et la mémoire, et la parole.

Et cela sur la voie de la mise en raison de ce discours qui vient non seulement prendre place à juste titre dans l'ordre scientifique, mais interroge la science elle-même. C'est que la mission historique de Freud et de la psychanalyse, reste de savoir accueillir le risque de la folie, la petite, la banale, quotidienne, mais aussi la folie, celle des malades mentaux.

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Ce qui n'enlève rien à certaines attitudes de psychothérapeutes tenues par des psychanalystes, qui savent y faire. Et que certains patients aient besoin de qualifier de psychothérapie d'inspiration psychanalytique le travail thérapeutique effectué par leur praticien, ne justifie en rien d'évoquer qu'il s'agisse en quoi que ce soit de psychothérapie psychanalytique, ce qui laisse entendre une sous–psychanalyse faite par des petites mains auxquelles les psychothérapeutes seraient prêts à souscrire si on les assimilait à des sous-psychanalystes.

Non la psychanalyse , si elle est multiple, ce n'est pas dans l'intensité d'une écoute ici molle, là plus dure, mais bien dans l'apport de ce qui se nomme transfert et qui permet que la guérison survienne de surcroît, surprise d'ordre logique car à l'ériger en objet à obtenir, l'expérience montre combien on pourra toujours l'attendre, la guérison. Elle ne viendra que comme feinte pour faire leurre et cessation de la cure.Que « la guérison vient de surcroît » comme le disait Freud, indique bien la présence du fait thérapeutique dans toute psychanalyse, le mot cure n'a d'ailleurs jamais été tenu pour récusable dans la pratique des séances.

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Le but de l'amendement Accoyer est bien celui concernant les psychothérapeutes qui ont fait appel à l'Etat. Il ne concerne pas les psychanalystes. Car les associations de psychanalystes se donnent pour responsables de la formation du simple fait qu'ils se tiennent pour responsables de celle qu'ils ont reçue, et dés lors sont en mesure de la transmettre à leur tour.

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Certes Monsieur le ministre de la santé, le Pr Mattei, a reconnu la validité de cette position de l'association psychanalytique, et de leur intercroisement entre elles aussi, mais cela resterait à confirmer.

Mais quel est le rôle de l'association en question. Elle est en effet singulière, et donc différente de celle des psychothérapeutes, en ceci que l'impétrant, se présentant à une de ces associations psychanalytiques, y joue une partie qui vient questionner non seulement sa démarche mais aussi le mode d'accueil et la réponse que produit l'association recevant un tel impétrant.

Que ce soit par la simple cooptation ( apprécier le nouveau venu au fur et à mesure, cf un Bernfeld, psychanalyste de la haute époque qui appréciait un candidat s'il se disait pourvoir faire une analyse avec lui), par la Commission d'Enseignement des Sociétés de l'IPA, ou par les procédures de Passe des différentes regroupements issus de l'œuvre de Freud et de l'enseignement de Lacan, le principe est le même : c'est le lien social entre analystes qui, a les moyens sans cesse renouvelés, se mettant à l'épreuve lui-même de ce qu'il transmet, qui a la responsabilité d'engager un oui ou un non à une demande de candidature à la formation d'un devenant psychanalyste. Soit celui-qui, de par sa propre analyse, décide de le devenir. Transmission de la psychanalyse : ce qui signifie création , réinvention et non simple translation d'une technique à un technicien de plus.

Ce qui veut dire ici que nul annuaire ne pourra suffire à une quelconque garantie, un annuaire ne servant qu'à compter les présents et les absents.

D'une telle agitation actuelle, il est certain que beaucoup ne veulent que s'en défaire.

 

Autre remarque qui a trait à ce genre d'amalgame dont on voudrait nous faire témoins. C'est que l'histoire nous a montré que sous le nazisme la psychanalyse fut mise à mal. Excluant le freudisme comme « science juive », expulsant les membres juifs d'Allemagne et d'Autriche, Freud est mort à Londres, ses sœurs dans les camps d'extermination, d'autres psychanalystes aussi, voilà ce que fut le rôle de l'institut dirigé par Matias Goering, qui après que Jung en ait été le promoteur, effectua l'amalgame de l'ensemble des « psy », d'Adler à Jung, et des freudiens non expulsables car non juifs, à les réduire à une pratique d'une « psychothérapie/pyschologie des profondeurs » chargée, par exemple, du « soutien » des pilotes de la Lutwaffe pour semer la terreur parmi les populations bombardées…

 

Nul doute que rien aujourd'hui n'évoque une telle époque, ce serait une insulte pour tous que de le penser, sinon que l'histoire enseigne ici comment méconnaître les confusions fait baisser les bras sans même le savoir, et se retrouver dans l'obscurité du monde.

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Si les psychothérapeutes* veulent tant être nos collègues, qu'ils commencent, comme c'est le cas pour certains d'entre eux, à faire leur analyse…

Cela les éclairerait sur leurs raisons de rechercher quelque caution du coté de l'Etat en lieu et place d'un savoir personnel sur la fonction paternelle confondue pour eux, semble-t-il, avec l'autorité de l'Etat. Qu'ils invoquent de leurs vœux pour être reconnus psychothérapeutes alors qu'il y a lieu qu'ils découvrent combien ils se sont probablement mal dégagés de ce qui leur faisait office d'autorité dans leur histoire personnelle.

 

Et dés lors, comme tout citoyen, être soumis à la loi commune, tel quiconque qui viendrait à enfreindre la loi.

JJM ce 21 12 03.

Membre de Psychanalyse Actuelle (fondée à Paris en 1986), ass. Membre de l'Inter-Associatif Européen de Psychanalyse.

 

Nb *Ces « chers collègues » n'avaient pas hésité il y quelques deux ans à acter en bonne et due forme un procès pour diffamation contre 6 associations de psychanalystes plutôt qu'une mise au point verbale, entre soit-disant « collègues » sur le risque sectaire qui menaçait certains d'entre les psychothérapeutes.