« Quelqu'un de bien » de Patrick Timsit

Affiche du film "Quelqu'un de bien"

Film français (2001). Comédie dramatique. Durée : 1h 40mn.

Date de sortie : 16 Octobre 2002

Avec Patrick Timsit, José Garcia, Marianne Denicourt, Elise Tielrooy, Natacha Lindinger  Plus...

Réalisé par Patrick Timsit

Pierre et Paul sont deux frères ennemis depuis plus de dix ans. Tout les sépare. Enfin presque... Deux choses les rapprochent encore : Elisabeth, la femme de Paul qui était la femme de Pierre et que Paul lui a piquée, et le morceau de foie dont Pierre a besoin pour une greffe et que seul Paul peut lui donner.

Marie, sa future femme, va le pousser à convaincre son frère de donner son foie. Pierre, propriétaire d'un magasin de vêtements "jeunes créateurs", et Paul, représentant en produits à base d'algues pour toutes les thalassos de la Côte Atlantique, vont se retrouver pour s'expliquer, se frapper, se réconcilier, se séparer, se retrouver et se frapper.

Site officiel http://www.bacfilms.com/qdb/

Je crois qu'il faut aller voir « Quelqu'un de bien » de Patrick Timsit pour comprendre un peu ce qui nous attend, comme il fallait lire en son temps « 1984 » de Georges Orwell. Ces deux oeuvres ont la même saveur prophétique.

Une comédie ?

« QUELQU'UN DE BIEN » traite effectivement sur un mode comique un des problèmes les plus troublants qui surgissent des progrès de la chirurgie .

Il est maintenant possible de « bénéficier » d'un morceau conséquent (soixante pour cent nous dit le film) du foie d'un de ses parents proches pour remplacer l'identique pièce de son corps propre devenue défectueuse et détachable.

Pierre a noyé dans l'alcool le chagrin légitime de s'être fait « souffler » sa promise par son frère Paul. Le foie de Pierre s'en trouve détruit sans retour, et sa mort est là, toute proche. Il n'en est pas moins délicat d'aller demander (en échange ?) un morceau du foie de Paul, seul donneur possible. Paul se déclare d'accord parce que c'est quelqu'un de bien mais il recule devant l'exécution de sa promesse. Pendant huit jour Paul fait vivre la belle vie à son frère, il le met au lit avec une ravissante masseuse qui lui fera passer la première nuit blanche qu'il ait connue depuis la perte de son Elisabeth toujours chérie bien qu'elle soit mariée à Pierre et mère de deux enfants.

Je m'égare, je vous raconte le film. C'est stupide, allez le voir, on s'amuse bien. C'est seulement après qu'on se prend à penser.

 Il n'y a pas de don gratuit, sinon reste une dette, une emprise, ou une honte inexpiable.

Les anthropologues nous ont appris que dans les potlach chaque chef de tribu venait exhiber, offrir, voire détruire toute la surabondance de ses richesses, et que celui d'entre eux qui ne pouvait pas suivre dans cette folle surenchère de dons perdait irrémédiablement la face.

Si le don n'est pas le premier terme d'un échange, l'équilibre du monde vacille, et l'ordre qui régit les échanges entre les hommes s'abolit.

 C'est à ce désordre extrême qu'on assiste dans le film.

Un soir on voit les deux frère guetter du haut d'un pont une bretelle d'autoroute dangereuse en attendant, en espérant, une collision fatale.

 Un donneur potentiel repéré sur internet offre son foie de bon cœur en se tuant sous leurs yeux… J'en oublie, bien sûr, et de plus sordides.

Paul donnera finalement sa livre de chair.

Et en échange il épousera la charmante compagne de Pierre, qui lui se retrouve solitaire à la noce… et la boucle des échanges est bouclée.

Du même coup se dénoue la dette de femme qui pesait sur Paul au point qu'il avait perdu son brio de « tombeur » au bénéfice de Pierre.

Du même coup se dénoue aussi le maléfice qui enserrait Paul dans ses liens jusqu'à menacer sa raison, qui laissait envahir Paul par la personnalité de son frère dans une espèce de possession . Et en écrivant, le scripteur mesure bien au nombre de ses propres erreurs et corrections concernant la propriété des noms, l'emprise qu'exerce l'un sur l'autre ces deux frères noués dans une dette non soldée.

Joseph Gazengel