La série En Thérapie ou la psychanalyse pour grand public

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La série En Thérapie ou la psychanalyse pour grand public

Danièle Brun

 

Période de confinement ou pas, on peut se demander si les séances d’En Thérapie vont ou non relancer l’intérêt pour la psychanalyse. La question se pose au vu de la publicité qui est faite de la série, de son succès et des meilleurs spécialistes pour des sujets de société « hors normes » que sont ses deux réalisateurs : E.Toledano et L. Nacache. Autrement dit la psychanalyse y trouve-t-elle son compte ou non, et pour quelles raisons ?

« La psychanalyse, il est vrai, écrivait Freud en 1913 pour une revue internationale scientifique nommée Scientia, a pris pour objet la psyché individuelle, mais dans l’exploration de celle-ci les fondements affectifs du rapport entre l’individu et la société ne pouvaient lui échapper.»

La série d’En thérapie correspond parfaitement à ce projet. La spécificité de la psychanalyse ne pouvait que se trouver illustrée par l’événement terroriste du Bataclan qui a mobilisé l’attention et l’émotion du monde entier. Il fait du connu de tout le monde un chemin vers l’inconnu de chacun. Sur ces assises, la psyché individuelle, comme la désigne Freud, ne pouvait, parallèlement, que se trouver sollicitée et écoutée, non seulement en privé mais aussi en public. Le pari, si pari il y avait dans ce projet  est donc réussi. L’idée d’intéresser le public à l’émergence d’histoires personnelles et de mal être sur la toile de fond d’un événement ayant ému le monde entier, est absolument conforme à la découverte de la psychanalyse.

Celle-ci en effet, avec Freud, s’est saisie de l’importance de la sexualité dans la vie quotidienne, à tous les niveaux où elle intervenait y compris de façon violente et/ou intrusive, pour dénoncer les agressions sexuelles commises par les pères. Voilà qui rejoint notre actualité à ceci près que Freud, à son époque, renonça à la mise en accusation de ces hommes et il choisit d’explorer les fantasmes individuels que créait la situation, notamment du côté des filles et des femmes. Aujourd’hui on le traiterait de salaud et nul ne s’intéresserait à sa théorie.

Et pourtant le nom de Freud n’a rien perdu de son impact et sa théorie infiltre notre culture quoi qu’on en dise.

Apparemment la série a du poids. Elle intéresse à la fois celles et ceux qui ont fait l’expérience de la psychanalyse et les autres qui y ont pensé sans jamais aller y voir. Regarder la série séance après séance dans ces conditions, cela ressemble un peu à ce qu’on imagine de ce qui peut bien se passer dans la chambre des parents. Sauf que cette fois ça y est, on y est. Et on se dit : Oh la la !, je ne pensais pas que dans cette chambre parentale, on passait son temps à s’engueuler et à s’expliquer le pourquoi du comment, simplement pour arriver à évoquer ou à se souvenir de sa petite enfance. Tout ça, comme le disent les enfants, pour découvrir que c’est celui qui dit qui y est.

Mais quand même la série a du bon. Et pas seulement pour les néophytes. Elle confronte les professionnels à un collègue en proie à des difficultés dans sa pratique et dans sa vie privée, au point d’être parfois furieux de voir les deux s’emmêler et s’intriquer. Et si ce collègue agaçant et trop parleur, pour ne pas dire trop bavard, arrivait à susciter du transfert ? C’est une question que je me suis posée en le regardant. J’avais tellement envie qu’il se taise pour laisser parler ses patients que j’ai pensé au transfert négatif. Rien à voir avec les personnages déplaisants que l’on rencontre dans les séries habituelles. On les oublie ou on les range dans un coin de sa tête. Le psychanalyste d’En thérapie m’a rappelé une animatrice de groupe au temps de mes études qui m’agaçait considérablement avec ses interprétations explicatives. Jusqu’au jour où, roulant en voiture dans Paris, je me suis surprise à la comparer à ma belle-mère. J’ai ainsi compris le surgissement du transfert.

CQFD ; Ce qu’il fallait démontrer ? Mais quoi ? Qu’un zest de psychanalyse passe et résonne pour chacun différemment dans cette série grand public qui néanmoins ne dit pas l’essentiel de ce qu’elle est ni de ce qu’elle promeut. On y parle de l’inconscient comme s’il s’agissait d’une partie de la vie psychique pas si éloignée que ça de la conscience. C’est ce qui se disait du temps de Leibniz. Avec Freud et avec Lacan, on est davantage sensibilisé aux détours qu’implique l’accès aux manifestations de son inconscient. De là à aller voir en live…après avoir visionné la série. Pourquoi pas. Voici que se dessinerait le pari individuel dans la suite du pari collectif.

Comments (2)

Et si on arrêtait de penser que l'inconscient et la psychanalyse appartenaient aux psychanalystes ?
Dans ce temps d'incertitudes et de poussées dans les extrêmes de la déshumanisation, laissons la chance à l'inconscient de se dire encore souterrainement, en dehors de ce que nous avons trop tendance (et oui, ne souffrons-nous pas des mêmes travers que ce Dayan ?) à vouloir analyser...

Je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout accroché à cette série, d'emblée. Et pourtant malgré le fait que j'aime beaucoup la plupart des acteurs qui y participent. Pierrot en tête. De ce désintérêt et cet ennui J'étais moi-même étonnée, tant mes proches m'avaient vanté l'arrivée de cette série "psy", connaissant mon investissement dans ce "champ" disciplinaire. Je m' ennuyais au bout de 5 minutes à chaque épisode... Les récitations pédagogistes, comme apprises par cœur, du psy me semblaient ridicules, messages déformants des signifiants et concepts analytiques. Les postures des personnages-patients aussi. Et j'ai donc arrêté de regarder au bout du 6 ou 7ème épisode. Bref, une série trop bavarde qui ne me parlait pas du tout.

L'un des souci de cette série c'est qu'elle semble faire la promotion de l'idée que ce qui justifierait vraiment d'aller voir un psy ce serait un évènement collectif qui aurait traumatisé "tout le monde"... Or bien des gens - et j'en étais quand j'ai poussé la porte d'un analyste - portent des difficultés et des "traumas" (selon le mot à la mode), des mal-êtres, intimes et singuliers, qui justifient tout autant, sinon plus, d'aller essayer d'y entendre quelque chose d'un peu consistant. Quitte à y découvrir qu'il y a aussi, oui, des évènements collectifs qui ont profondément marqués notre subjectivités d'enfant.

Pourquoi avoir eu besoin en effet de faire tourner la venue de ces patients autour de l'évènement tragique de novembre 2015 ? Parce que la série US partait de l'attentat du 11 septembre 2001 ? Il me semble qu'ils auraient pu avoir un peu plus d'originalité et de finesse. Dernière note : je partage l'avis de Bégaudeau (audio très intéressant partagé par Laurent le Vaguerèse dans son dernier mail) quand il dit que cette série est finalement comportementaliste sous le vernis "analytique". Et qu'elle joue beaucoup trop sur un prétendu "NOUS", abrasant la notion de singularité. Soit dit en passant Bégaudeau fait un bel hommage à la psychanalyse, la vraie, dans cet interview, et ça par contre c'est une (très bonne) surprise.