Nymph()maniac, 2013.Lars Von Trier

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La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.

Lars Von Trier Nymph()maniac, 2013.

Ceux qui ont envie de voir un film pornographique, heureusement accessible dans les salles d’art et essai seront déçus. Le dernier film de Lars Von Trier, s’il exhibe une belle ( ?) collection de « bites » de toutes les couleurs et de toutes les formes, n’en est pas pour autant très excitant. En revanche, on rit souvent, par exemple dans ladite séquence où se succèdent comme d’autres photos d’identité, dans les films policiers, ces étranges cartes de visites ou de visiteurs.

On ne sait pas encore très bien ce qu’est ce film, ni s’il a un sens, un propos, il faudra attendre la deuxième partie pour en savoir davantage. Pour l’instant, on peut rejoindre l’analyse de M. Mandelbaum, dans Le Monde.fr, sur l’art consommé du teasing, autrement dit, de façon plus appropriée pour ce film, sur « la pêche à la mouche ». Le poisson étant le spectateur, le réalisateur a entrepris de l’attirer par des bandes annonces, plus ou moins obscènes, des discours, des attitudes, des promesses et provocations : des leurres. Le récit est lui-même sous l’emblème de la pêche, un vieux pêcheur très savant ayant recueilli une jeune femme en piteux état, affalée dans une cour immonde, agonisant peut-être. Le pêcheur et la pécheresse se retrouvent quelques instants plus tard à boire un bon thé bien chaud. Elle lui raconte alors ses turpitudes de « nymphomane ».

Voilà le spectateur appâté.

« Nymph », dévoile cependant le pêcheur philologue, désigne la « mouche », ce leurre très coloré, très dansant, qu’on agite au bout d’un hameçon, pour attraper le poisson. C’est situer la manie érotique à un niveau assez inattendu. Autant dire que la nymphomanie est davantage du côté de l’attente, de la quête, de la stratégie, qui peut être celle du cinéaste vis-à-vis du spectateur, de la dragueuse, du pêcheur, que du côté du poisson et de son appât qui frétillent au bout de la ligne. Alors, qui pêche qui ? Car si la jeune femme incarnée par Charlotte Gainsbourg est la mouche, la nymphe, on peut se demander qui tient la canne. Est-ce le réalisateur, un des hommes dont la longue série sera dévoilée au fil du film, comme au fil de l’eau d’une rivière ? Une femme peut-elle pêcher elle-même en étant à la fois la mouche qui attire et le pêcheur ? Ne sera-t-elle pas, in fine, la victime de son geste ?

Et qui est le poisson ? Le spectateur, le pêcheur qui a attrapé la nymphe ?

Peut-être le numéro 2 nous l’apprendra-t-il.

Distance

En attendant, la nymphe raconte son histoire dans un dispositif très curieux puisque Charlotte Gainsbourg est doublée par une autre actrice, Stacy Martin, censée la représenter plus jeune. Ce dispositif, inspiré par le désir du vraisemblable, dépasse cependant celui-ci et au fur et à mesure que l’héroïne rejoint l’âge de la narratrice, on se demande pourquoi le réalisateur continue à utiliser son double ou sa doublure. Cela crée un effet très intéressant de distance entre la scène du récit, dans laquelle la narratrice apparaît en pyjama, le visage tuméfié mais non sans charme, et la scène racontée dans laquelle l’héroïne, nue, réalise ses défis sexuels. C’est comme une sorte de portrait de Dorian Gray ; le corps reste incroyablement indemne de toutes ces péripéties sexuelles, toujours virginal et léger, blanc, jeune, tandis que le visage s’est marqué. On imagine bien sûr que l’on en saura davantage sur ces coups au second épisode : le premier se termine par un « je ne sens plus rien » pathétique et l’on se doute que la demoiselle va tenter de « sentir » des choses, au risque de s’adonner aux plaisirs masochistes que la bande annonce nous promet, pendant que défile le générique. Mais en deçà de toute explication logique, ce rapport entre le corps inaltérable et le visage meurtri, entre les deux scènes et les deux corps crée une étrangeté entre deux états d’une femme, et non seulement entre deux âges, comme entre l’érotisme du corps et celui du visage, celui de la parole et celui du sexe.

Le film est donc plutôt énigmatique et amusant, quand le sexe n’y est pas associé au malheur et à la souffrance. Il est moins érotique que la vie d’Adèle qui nous donnait deux chapitres en un, et l’histoire de Joe n’est pas sans rappeler les aventures mélancoliques racontées dans le dernier film d’Ozon, Jeune et jolie. La chair est plutôt triste ici et là. Et les grimaces de plaisir ressemblent à s’y méprendre aux rictus de la douleur. Mais le dispositif de Lars Von Trier fait apparaître autre chose qui tient dans le plaisir de raconter.

Le texte et l’image

La petite chambre, traitée comme une gravure ancienne, dans ses tons éteints, est le cadre minimaliste, austère et paisible d’un récit habilement interrompu et repris, dans une érotique du récit qui renoue avec le jeu qu’un Jean Eustache avait inventé entre l’image et le texte dans ses propres films. De nombreux livres anciens, reliés, apparaissent au fond de la pièce, et tout part justement d’un livre, le traité anglais d'Izaac Walton (1593-1683), Le Parfait Pêcheur à la ligne. Le texte est donc central ici, pour une œuvre qui revendique une organisation en chapitres et en volumes (un et deux) outre le constant récit qui commande toutes les scènes.

En fait, il s’agit de jouer du rapport entre le récit en images et la discussion qui en résulte. Évidemment, c’est un peu plus compliqué puisque la discussion est également en images et comporte un récit : la relation piquante entre le vieux pêcheur, un peu psychanalyste, et la pécheresse, relation dont le spectateur attend évidemment quelque intrigue.

Jean Eustache, quant à lui, avait poussé le bouchon le plus loin possible, se contentant dans Une histoire sale (1977), de filmer les personnages racontant une histoire qu’il n’illustrait jamais, prouvant merveilleusement la force des mots capables à eux seuls de susciter un imaginaire érotique. Cependant la contemplation des visages et des corps, tandis qu’ils se racontaient avec délices (Lonsdale !), cette « histoire sale », suffisait à exciter le plaisir et l’intérêt du spectateur. Il faut préciser que cette histoire tournait autour du regard sur le sexe féminin et sur la possibilité supposée ou réfutée qu’il existe un certain point de vue d’où on découvrirait totalement ce sexe, à travers le trou percé au bon endroit, dans la porte des WC. Quelle perspective pour un film !

Lars Von Trier ne va pas aussi loin, puisqu’il met en scène les récits de sexe, mais la parenthèse de son titre n’est pas sans évoquer ce trou, cette ellipse qui ne peut que rester in-montrable, obscène (voir sur ce point l’article de Jacques Mandelbaum). Et il construit donc un dispositif complexe qui relève de ce jeu de dupe et de voyeurisme, façon XVIIIème siècle où l’on ne saurait dire ce qui, des mots et de l’image, excite davantage l’imagination. Pendant que des gens très convenables discutent, la jeune femme étant dans un lit, certes, mais recouverte d’un pyjama pudique que lui a charitablement prêté le pêcheur, les scènes les plus crues sont jouées, sur « une autre scène », plus ou moins réaliste, plutôt moins que plus, du reste, comme autant de sketches assez inattendus et souvent comiques. Ces scènes sont parfois aussi étranges dans leur mise en scène qu’un rêve ou un fantasme ; ce serait la manière dont l’auditeur anonyme se représenterait la chose, peut-être, ce qui donne de la réalité sexuelle une image à la fois très frontale, très crue et cependant très médiatisée, comme impossible à atteindre directement.

Moralité, immoralité

Il s’agit d’en raconter le plus possible, comme pour la jeune femme de collectionner les amants. On ne sait si le réalisateur conteur a pour but, à l’instar de son héroïne, de prouver au spectateur auditeur qu’elle est une « mauvaise personne » ou d’épater celui-ci, voire de le faire jouir de tant d’histoires érotiques. C’est toute l’ambiguïté morale du conte érotique. Comme l’auditeur n’est jamais convaincu de l’ignominie, toujours prêt à justifier, dédramatiser, relativiser, il ne peut que provoquer, en toute innocence, une escalade, ce qui permet à tous d’y prendre, sans malice, un plaisir pervers. Et de philosopher en attendant la suite.

Qu’est-ce qui est mal dans le sexe, finalement, semble interroger l’auditeur ? Il ne voit jamais qu’une mouche qui s’agite pour attraper des poissons et qui se fait bien attraper, en réalité. Détresse de la jeune fille dont l’histoire familiale assez pitoyable est brossée pour plus de réalisme psychologique, défis destructeurs : on a bien compris que la jeune fille se fait mal plus qu’elle ne fait le mal.

Seule la scène magistrale où une femme, jouée par Uma Thurman, fait irruption dans la cuisine de Joe, pour voir celle qui lui a pris son mari, vient nommer ce mal que Joe a fait en jetant son dévolu sur son mari, en prenant leur papa aux enfants, qu’elle a amenés, du reste, pour qu’ils voient le lieu de la « débauche ». Mais cette scène grandiose et farfelue, théâtrale à souhait, n’est pas vraiment pathétique. Débordée par sa rhétorique, par la fantaisie de la mise en scène, l’abattage formidable de la comédienne, c’est une scène de brio, de drôlerie, qui suscite stupéfaction, amusement et plaisir du spectateur. Elle semble démontrer que ce plaisir du spectateur est certes, immoral, puisque loin d’être désolé pour cette femme, il s’amuse franchement de la mise en scène ; mais également que le plaisir du spectateur n’est pas du ressort du pur voyeurisme et qu’autre chose se joue dans le bonheur du spectacle.

Les scènes érotiques (muettes) nous laissent le plus souvent indifférents ou amusés, elles sont répétitives, brutales, essentiellement provocantes, gênantes parfois et rarement sensuelles, tandis que les scènes où les personnages se parlent, se rencontrent, s’affrontent ou se promènent sont passionnantes ou émouvantes.

Lorsque la caméra filme les scènes érotiques, le principe est la répétition et la variation, la vitesse, la frontalité, la tension. Les lumières ne mettent pas en beauté les corps, la jeune femme étant particulièrement maigrichonne et peu sensuelle, les corps d’homme défilant comme pour éprouver leur diversité cocasse au fil de postures identiques. Les hommes qui se succèdent semblent choisis pour figurer l’inverse de l’Adonis musclé du film pornographique, ils sont résolument banals, ordinaires. Enfin, lorsque Lars Von Triers insère une image de pénétration, dans un angle à peu près impossible, le choc (on est quand même stupéfait) est contrebalancé par la sensation d’inutilité et de laideur.

On est amusé par ce geste provocateur et tellement vain. On se dit que ces images n’ont même pas besoin d’être refaites, qu’il en existe des banques où il n’y a qu’à puiser, tellement elles sont interchangeables, anonymes en quelque sorte. On sait que le cinéaste a eu recours à des doublures, empruntant à des acteurs de pornographie ces inserts. Mais justement, cela apparaît comme des inserts, des bouts de corps rapportés qui n’ont rien à voir avec les personnages et leur érotisme propre. Cela exprime peut-être une tension entre le corps qu’on peut reconnaître comme sien et les parties du même corps que l’on ne peut intégrer totalement, qui nous apparaissent comme étrangères, étranges, telles qu’elles se révèlent dans des mouvements qui échappent et qui caractérisent les ex-tases, ces « parties » qui débordent le corps propre en quelque sorte.

On est ici aux antipodes du travail d’un Patrice Chéreau dans Intimité ou de Mishima dans L'Empire des sens, qui réclament de leurs acteurs une présence totale à la limite de la pornographie, dans une unité réellement érotique qui lie organiquement les corps qui s’aiment mais également le corps sexuel au corps qui vit l’histoire, et au visage. Le film de Lars Von Trier joue plutôt de la disjonction et de la syncope. Pour lui le sexe sépare, morcelle, même et surtout quand les corps s’emboîtent bêtement. C’est ailleurs que dans le sexe lui-même que le « compositeur » trouve l’unité organique, à la différence d’un Chéreau qui trouvait l’unité organique, profonde, dans « l’intimité » sexuelle ou d’un Mishima qui mettait en scène l’impossibilité même de la séparation des sexes amoureux.

Lars Von Trier met davantage en beauté les images de la nature et dans son aura, la relation tendre entre le père et sa fille, peut-être au cœur du film comme relation idéalement amoureuse, avec sa part d’attirance sexuelle interdite et qui, bien au-delà du discours psychologique qui la sous-tend, est le prétexte à des scènes tendres, poétiques, autour du visage du père, comme objet érotique d’une part, et de la nature environnante comme objet sensible, autour duquel s’harmonisent les scènes. En fait, le travail esthétique joue de la décomposition des corps (abîmés, fragmentés, mis en inserts, coupés par le cadre) pour recomposer de façon fine et ludique un corps filmique dans lequel nature, homme, corps et visages, entrent en correspondance.

Nature de la sexualité

Il est peut-être intéressant, à ce stade, de revenir à l’ouvrage sur la pêche que Lars Von Trier a sans doute lu et dont Wikipédia nous signale que :

« Au-delà des multiples conseils touchant les rivières les plus poissonneuses, les qualités respectives des mouches artificielles ou les différentes espèces de poissons, l’ouvrage est avant tout resté célèbre en raison de son atmosphère très particulière, faite de sérénité et de communion spirituelle avec la nature ».

Lars Von Trier semble chercher quelque chose comme cela, multipliant les images en « contrepoint », rivières, poissons, parcs, feuillages, qui font écho aux images de la sexualité humaine. La nature est à la fois une dimension de la sexualité qui dédramatise celle-ci, en quelque sorte, et un havre de beauté qui apaise bien souvent, après les images un peu rudes et trépidantes de la vie humaine. C’est au niveau de ce grand organisme vivant que les humains, hors de leur prétendue exception, retrouvent une unité et une fluidité.

Lars Von Trier met en relation des univers aux couleurs, aux rythmes, au langage, différents. Ainsi, le monde humain trouve grâce à nos yeux dans un rapport métaphorique avec la nature. Lorsque les jeunes filles arpentent le train pour ferrer leurs victimes, l’auditeur s’écrie ravi, que cela lui rappelle quelque stratégie de pêche, quand on remonte la rivière pour en découvrir les promesses. L’expression poétique et les images qu’elle suscite subliment la scène plutôt misérable des filles en short sexy cherchant une proie dans le couloir du train. La qualité des images est différente, plutôt pauvre pour le train, avec ses plans écrasés, ses corps indifférents et ternes ; colorée, fluide, pour la rivière. On pourrait faire l’hypothèse que, s’il n’y a pas de rapport sexuel — on s’en aperçoit dans les scènes multiples de sexe —, le réalisateur explore les rapports complexes entre les mots, le son et l’image, entre la métaphore poétique et l’illustration visuelle, entre la formule d’un théorème et des situations, entre des chiffres et des idées, entre quelqu’un qui parle et quelqu’un qui écoute, entre la jeune nymphe et le maniaque qui l’a recueillie, s’il est bien le maniaque du titre.

Décomposition et recomposition

Passages, métaphores, contrepoint, le réalisateur compose et utilise non seulement le montage pour ce faire, mais l’écran partagé, qui lui permet de faire se rencontrer plusieurs réalités hétérogènes en une seule image complexe ; il écrit sur l’image, l’utilise comme un tableau, pour une démonstration ironique ou comme un patchwork : il instaure une polyphonie visuelle, crée une partition dont le modèle est l’écriture savante de Jean-Sébastien Bach. Ainsi le film apparaît comme une composition extrêmement rythmée où alternent les séquences brèves, répétitives, comme des « variations » et les pauses, les étendues ; les enfilades (enfilages) dans le train, avec travellings et plans verticaux, cadrés serré, dans l’espace exigu des toilettes, laissent place aux espaces plus ouverts, horizontaux, des parcs, comme alternent les clichés et les surprises, les répétitions et les ruptures, les corps et les visages. Le film va crescendo, puisqu’on en attend de plus en plus dans le mal et la lubricité annoncés, tout en ménageant des déceptions, des détours. Cela dessine des lignes de tension et des repos. C’est un vrai travail de composition qui met en œuvre les principes d’une écriture musicale et tient le spectateur en éveil.

D’ailleurs le film commence comme une naissance du cinéma, d’un cinéma qui partirait du son. D’abord le noir complet, longtemps. On pourrait fermer les yeux. Puis le son, inconnu, énigmatique, d’un vague gargouillis, peut-être celui d’organes, avant d’être celui de l’eau. Puis l’image enfin et le son sur l’image, de l’eau qui ruisselle sur la pierre. Puis une sorte de ventilateur, qui n’est pas sans évoquer une machine cinématographique, se met à « tourner ». La pierre devient mur, puis décor, rues qu’arpente un corps prêt à devenir personnage. Un autre corps gît au fond de cette cour digne d’un film de Fritz Lang (période allemande). Entre les interstices, entre les murs du labyrinthe, véritable jeu de cache-cache, il l’aperçoit, il s’avance. Le récit peut commencer, le désir d’images et d’histoires existe, avec sa première surprise : celle qui semblait à demi-morte se relève et désire une tasse de thé. On n’a plus qu’à s’installer confortablement pour laisser défiler les pages ou les séquences d’un livre ou d’un film qui tenterait de tout montrer, de tout dire, libéré de la contrainte d’une intrigue particulière et livré au plaisir de toutes les histoires, de tous les discours. C’est un jeu.

Qu’il soit question de sexe n’est sans doute pas innocent pour autant, car de même que chez Eustache, la curiosité liée à la sexualité et le voyeurisme mènent le jeu. Mais le cinéma s’en joue bien plus qu’il ne s’y complaît ou y trouverait son objet ultime.

Par là, on voit que le film de Lars Von Trier loin d’être obscène ou simplement pornographique est un film astucieux et amusant sur l’éros cinématographique.