Groupe des revues

Figures de la psychanalyse/Logos/ananké, « L'adolescent vers la psychanalyse », N°9, Éd. Érès. 216 p. Numéro réalisé sous la direction de Christian Hoffmann,

Libres cahiers pour l'analyse, « Obstination de l'inconscient », n° 9, printemps 2004, Éd. In Press, 141 p. Numéro réalisé sous la direction de Catherine Chabert et Jean-. Claude Rolland

L'Unebévue « Psychanalystes sous la pluie de feu », n°21, Hiver 2003-2004, Éd. L'Unebévue, 223 p.

Cliniques Méditerranéennes, « Passion, amour, transfert », n° 69, 2004, Éd. Érès, 366 p. Numéro cordonné par Patrick de Neuter.

Penser/rêver, « Des érotomanes », n°5, printemps 2004, Mercure de France, 244 p.

Figures de la psychanalyse/Logos/ananké « L'adolescent vers la psychanalyse »,

Comme chaque fois qu'il est question d'adolescence dans un ouvrage ou une revue de psychanalyse, on est conduit à s'interroger sur ce que recouvre cette notion. Non pas qu'il soit bien difficile de repérer le moment où s'effectue le tournant qui conduit l'adolescent à ne plus être un enfant, tant ses comportements laissent à ce sujet peu de doute, mais pour un psychanalyste, une approche anthropologique ne saurait suffire.

On est ainsi conduit à s'interroger sur la spécificité de l'ensemble de ces comportements. La fugue est-elle ainsi seulement adolescente ? Et les grossesses, sont-elles spécifiquement adolescentes de chercher comme bénéfice un réconfort narcissique ou une identité sociale ? Si l'on fait ce choix, il faut alors pour le moins renoncer à lier l'adolescence avec une classe d'âge.

L'adolescence est-elle un concept psychanalytique ? À cette question préalable, les auteurs qui pour la plupart appartiennent à un groupe intitulé « le Bachelier », groupe lui-même intégré dans l'association « Espace Analytique » répondent affirmativement : « Le bachelier, institut de psychanalyse de l'adolescence, réunit des psychanalystes lacaniens qui considèrent que l'adolescence est le concept psychanalytique d'un processus psychique que la sociologie et l'anthropologie n'épuisent pas. »

Si donc l'adolescence est un concept dont on peut dire qu'il n'est pas admis par tous, en revanche, les adolescents eux, sont assurément une réalité palpable pour les adultes et les institutions sociales qui les côtoient ou les accueillent.

Ils se montrent d'ailleurs toujours plus réceptifs à l'offre qui leur est faite par les psychanalystes et sont en passe d'être nos meilleurs clients, prenant la place des hystériques dont, ils sont, dans leurs excès et leurs inconséquences, dans leur quête d'absolu et de vérité, sans doute les proches parents.

C'est cette parenté que soutient Juan-David Nasio : « adolescent et hystérique ont la même vision puérile de la relation affective. Ils perçoivent les gens qu'ils aiment à travers le filtre déformant d'un même fantasme infantile. Pour eux, l'univers se divise en deux classes, les phalliques et les châtrés, les forts et les faibles, les dominateurs et les dominés, dernière catégorie à laquelle ils croient appartenir (…) chez l'adolescent, la peur d'être faible et dominé se traduit par l'angoisse de s'engager dans un couple et vivre la demande de sa compagne comme une exigence insatiable. »

L'adolescence, chaque auteur en convient, ne modifie pas la structure des fantasmes infantiles, elle les habille de nouveaux supports. Patrick Delaroche, témoigne pour sa part de l'aide que le psychodrame peut leur apporter de façon spécifique en leur permettant de lancer ou de relancer ce travail nécessaire.

L'adolescent s'emploie souvent à freiner des quatre fers contre la vie qui l'entraîne entrevoyant que derrière le mirage de la sexualité offerte comme un festin, se cache la camarde qui attendra patiemment son tour pour réclamer son dû sauf si, comme c'est hélas trop souvent le cas, l'adolescent lui-même ne l'invite avant l'heure à sa table

« L'adolescent, identifié à un héros du « tout possible », immobilisé en lui-même, peut se dresser dans l'une ou l'autre formule de la puissance pure en refusant de sacrifier ses possibilités dans une création qui n'en réaliserait qu'une part, stratégie qui se solde d'une déréalisation. » nous dit Antoine Masson.

Dans ce très beau texte où les poètes servent d'appui métaphorique à son exposé, Antoine Masson nous décrit avec des mots justes ce « moment de l'adolescence » compris comme le point où se concentre l'ensemble des forces contradictoires qui s'exercent sur l'adolescent :

« Tout comme le poème a besoin d'un lecteur pour exister, la mise en forme encore utopique de soi-même dans le “moment adolescent” aura besoin de forcer la reconnaissance pour devenir le présent subjectif d'un monde. ».

Libres cahiers pour l'analyse, « Obstination de l'inconscient »,

Obstiné l'inconscient ? Suggestion irrévérencieuse qui en sexualise le champ, le titre annonce en premier lieu, la manière par laquelle le numéro 9 de la revue Libres cahiers pour la psychanalyse souhaite aborder la question. À l'appui, en avant-première, une publication de la nouvelle traduction de Remémoration, répétition et perlaboration, un texte de 1914. Face aux choix de traduction proposés par l'équipe dirigée par Jean Laplanche, le lecteur avisé est ici invité à revoir ses résistances. Qu'il n'en soit pas découragé, l'aspérité du texte pourrait être l'occasion d'une découverte, d'une traversée. Qu'il se laisse égarer autour d'une promenade comparative entre une traduction et une autre, en ramassant quelques bijoux tel le mot « Sehnsucht », désormais reconnu intraduisible par le nouveau Vocabulaire Européen des Philosophies (dirigé par Barbara Cassin) et il verra exhumé le mot désirance venant ainsi remplacer aspiration. Qu'il mesure les écarts suscités par les traductions de « Deckerinnerung », ancien souvenir-écran, ici souvenir-couverture, ou encore « Wiederholungszwang » autrefois compulsion de répétition (cf. Vocabulaire de la Psychanalyse) désormais contrainte de répétition et le voici dépaysé, incité à revoir les concepts. Enfin, le souci de cette nouvelle traduction à marquer une distinction entre les termes allemands « Phantasie » et « Phantasma » le contraindra à penser la réception de l'œuvre freudienne en France, les avatars de ses traductions et leurs incidences sur la manière de penser et pratiquer la psychanalyse.

Inspirés toutefois par l'ancienne traduction (parue dans La technique psychanalytique), sept auteurs ont collaboré à la rédaction du présent numéro dont nous vous proposons un aperçu. Il est important de signaler que les références à l'article freudien présentes dans l'ensemble de contributions, ne sont point harmonisées avec la nouvelle traduction. Ce qui parfois pourrait prêter à confusion.

Le préambule présente les grands axes du texte de Freud et analyse sa particularité en rapport à l'histoire de l'élaboration théorique freudienne. Si le répété est l'acte par lequel le refoulé revient et que par son statut d'acte, il échappe à la remémoration, qu'est-ce qui, à l'inverse, favorise dans la répétition cette remémoration située essentiellement sur le plan du récit ? C'est le fait que le refoulé qui cherche à s'y rejouer, le fait à travers la relation transférentielle, inhérente à la répétition.

La notion de répétition d'action avait été avancée, deux ans auparavant, par Freud dans « La dynamique du transfert » mais c'est « surtout le surgissement, du cœur même de la clinique, d'une notion aussi essentielle dans la métapsychologie à venir contrainte de répétition (…) qui donne rétrospectivement à ce texte une toute autre portée qu'aux autres textes techniques ».

La manière dont Freud introduit la troisième section du texte relative à la perlaboration, « j'aurais pu m'interrompre ici si le titre de ce chapitre ne m'obligeait à y exposer encore une autre partie de ma technique psychanalytique », ne passe pas inaperçue. Ceci permet de mettre en évidence et les résistances et les avancées freudiennes.

À partir de l'expérience d'héritage de blessures de mémoire du génocide arménien, Janine Altounian, se propose d'illustrer la pertinence de remarques freudiennes concernant les termes répétition, remémoration, perlaboration et établit un parallèle avec ce qu'elle nomme les souvenirs gelés chez les héritiers des transmissions traumatiques de l'Histoire. Pour ce faire, la traductrice de Freud développe en préalable quelques observations linguistiques assez éclairantes à propos « d'un des signifiants majeurs du texte freudien » à savoir « erinnern ». À noter également le très utile relevé des trente et une occurrences du radical « erinner » dans l'œuvre de Freud que la germaniste livre à la fin de cet article intitulé, « Violence et remémoration ».

En intitulant son article « Présent-composé », Adriana Helft interroge la particularité du temps expérimenté et éprouvé en analyse et avance l'hypothèse d'une temporalité virtuelle. Si « l'inconscient ignore le temps » serait-il pour autant étranger à toute expérience du temps ? À partir de l'affirmation freudienne de 1914 selon laquelle il faudrait traiter la maladie non pas comme une affaire historique mais comme une puissance actuelle, l'auteur développe l'idée d'une subversion temporelle liée à la temporalité particulière ouverte par l'instauration des conditions de l'analyse qui bouleverse les trois temps du cours chronologique. Pour illustrer cela l'auteur n'hésite pas à établir quelques analogies, à solliciter d'autres domaines tel le travail esthétique accompli par le cubisme et affirme que « ce que la peinture cubiste, par un geste iconoclaste, accomplit sur l'espace, l'expérience analytique semble le réaliser sur le temps ». Le questionnement d'un cas clinique permet à l'auteur de mettre en lumière certaines de ses conclusions et de montrer qu'en « inventant sa propre temporalité l'expérience de l'analyse est, par conséquent, un passage délicat, celui par lequel le passé agit dans l'actualité, devient praesentia, à disposition, à proximité. L'actuel ainsi reconduit et rendu présent est mis à la portée et part vers l'horizon ».

À quoi œuvre l'analyse ? Question à laquelle Dominique Scarfone essayera de répondre en interrogeant l'économie de l'élaboration freudienne à propos de la perlaboration. Selon l'auteur, bien qu'en 1914 Freud en parle peu, il y accorde une réelle importance. Elle serait ce qui à ses yeux, « exerce sur les patients la plus grande influence modificatrice ». Toutefois, l'auteur montre que l'optique freudienne de 1914 situe la perlaboration du côté de l'analysant, tandis que celle de Winnicott dans « La crainte de l'effondrement » souligne l'importance de l'aide de l'analyste. Là où Freud parle de restitution du passé, le psychanalyste anglais signale la constitution d'un passé. L'article « L'utilisation de l'objet » où Winnicott affirme qu'il est essentiel que l'analyste sache se laisser utiliser, permettra à D. Scarfone d'avancer ses hypothèses. Pour celui-ci « les erreurs de l'analyste sont inévitables mais constituent des aspérités nécessaires où pourra s'accrocher ce qui ayant eu lieu, n'avait pas encore trouvé lieu ». La situation de l'analyste est donc paradoxale et les « accidents contre-transférentiels » seraient des passages nécessaires à l'élaboration en tant que celle-ci est une prémisse à la sortie d'analyse. Malgré l'intérêt de l'article, le lecteur risque de se perdre dans la quantité d'analogies, citations et références (J.-F.Lyotard, Hanna Arendt, J.Laplanche, J.-B.Pontalis, W. Benjamin et d'autres encore).

Quatre autres articles, dont un de Laurence Kahn particulièrement dense, viennent compléter ce numéro.

L'Unebévue, « Psychanalystes sous la pluie de feu ».

L'Unebévue est constituée en association 1901. Les membres du Comité de lecture - qui appartiennent à l'École lacanienne de psychanalyse - s'adjoignent ponctuellement des « alliés » non-membres de ce collectif. Les articles de cette livraison s'ordonnent autour de la transcription de l'intégralité du séminaire de Jacques Lacan L'insu que sait de l'une-bévue s'aile à mourre. Elle est suivie d'un « album de photographies » des figures topologiques qu'il a tracées au tableau entre le 16 novembre 1976 et le 17 mai 1977. On y trouvera une interview de Julia Kristeva, qui avait été invitée par Lacan à son séminaire, une fiction dialoguée de François Dachet et trois textes respectivement de André Pézard, traducteur de Dante, de Mayette Viltard et de Jean Allouch. Le titre de ce numéro : « Psychanalystes sous la pluie de feu » évoque aussi bien les feux de l'amour que les feux de l'enfer.

Le texte de Mayette Viltard « De la pluie de feu au nouvel amour » rend compte des choix qui structurent l'ensemble. Il s'agit pour elle de se situer à ce point où Lacan effectue un passage du discours aux langues, après deux années où les petites lettres ont pris le pas sur la topologie1. On a là une esquisse de la relation de Lacan à Dante, de ce trajet qu'il effectue de 1960 à 1977 entre éloignements et retours, de son élaboration sur le rapport de l'amour au langage. Et le Paradis est revisité : « Parce qu'il a échappé à la mort, au déterminisme absolu du signifiant, à la nuit obscure inconsciente, Dante en chair et en os, grâce à sa langue maternelle, va pouvoir parler, guidé par Virgile que commande Béatrice, qu'Amour fait parler ».

 

Pour Mayette Viltard, si Lacan a été démonstratif quand il a abordé l'amour courtois et la sublimation du désir en 1960, en 1977 il préfère dire qu'il s'embrouille et partir d'une erreur pour, dans les dernières séances de L'insu que sait…, tenter de cerner une définition de l'amour ; un nouvel amour, celui dont il est question dans ce texte ; l'amour de transfert qui doit être arraché du narcissisme par l'érotisme.

On a là une articulation avec le texte de Jean Allouch qui écrit « transmour ». A propos de la fin d'analyse il se demande comment l'analyste peut être « Le meilleur aimé ». Pour lui le discours analytique loge la mort dans l'amour, c'est-à-dire que « l'analyste est mort à l'endroit de ses sentiments ». Ou bien dans une autre formulation  « il s'exclut comme corps, il est là comme corps exclu ». Il a à permettre à l'analysant de réaliser cet amour qui le fait parler. A la fin de l'analyse c'en est fini des « jaculations de l'amour ». « C'en est fini … pour un nouvel amour ? ». C'est sur cette question que Jean Allouch clôt texte et revue. Ainsi sommes nous fondés à supposer que le transmour, l'amour de transfert, ouvre à un nouvel amour. Nous dirions celui auquel Lacan fait allusion à la toute fin de son séminaire sur les fondements de la psychanalyse : « un amour sans limite, parce qu'il est hors des limites de la loi, où seulement il peut vivre ».

La lecture des écrits de cette revue ne nécessite nullement une fréquentation préalable de la ‘littérature' psychanalytique. On peut les lire pour le plaisir, et il est grand, mais aussi les reprendre pour bénéficier des avancées théoriques qu'ils proposent, notamment sur le transfert et sur la fin d'analyse. Nouvel amour et nouvelle lecture de Lacan vont ici de pair.

Cliniques Méditerranéennes « Passion, amour, transfert ».

De la psychose à l'amour… tel serait le chemin parcouru en vingt ans par les Cliniques Méditerranéennes qui, inaugurées en 1983 par un colloque sur la psychose, célèbre cet anniversaire par un 69e numéro sous-titré « Passion, amour, transfert ». Vingt ans de réflexions et d'interrogations, vingt années de travaux et réflexions qui témoignent, selon les mots de Roland Gori, qu'existe en France « une authentique communauté freudienne » qui se spécifie de son rapport éthique à l'inconscient, de la mise en œuvre d'une méthode qui opère par le transfert et son analyse et par la « précession de la clinique sur les échafaudages de la théorie. »

« Faut-il réduire la vie amoureuse à ses excès ? » questionne donc Jacqueline Schaeffer tandis qu'à la suite de Jacques Hassoun, Didier Lauru se demande, lui, si les passions sont « traitables » et si le psychanalyste s'autorise à être passionné. À la première de ces questions il répond par l'affirmative mais laisse la seconde ouverte.

Dans « la passion comme sinthome » Patrick de Neuter, qui a coordonné le numéro, introduit une topologie des passions amoureuses et, prenant appui de ce que Lacan a introduit à propos du sinthome, propose d'analyser les passions amoureuses comme des « prothèses » servant au névrosé à consolider sa structure. Ce serait à cette fonction essentielle occupée dans l'économie du passionné à qui elle éviterait la déstructuration ou la mort psychique ou physique que la passion amoureuse se distinguerait de tous autres liens bruyants et compulsifs. Quant à savoir si la passion est « traitable », de Neuter suggère que si le quatrième rond du sinthome est irréductible, il pourrait bien, et sans dommage, être remplacé par un autre moins ravageant, plus praticable ou source de moins de souffrance, voire source de plaisir et de bonheur.

Tout amour est-il « une atteinte, une blessure » qui « soumet violemment le sujet à un destin tragique unanimement partagé, quel que soit son sexe » comme le soutient Françoise Bétourné citant abondamment Lacan ? Gérard Pommier n'en croit rien, lui qui, dans « (Ant-éros) Le cercle brisé de l'amour », soutient au contraire que « grâce à l'amour la pulsion se subjective » et que ce serait là l'essentiel de sa fonction. Cherchant à dépasser le clivage désir et amour qu'on retrouve en psychanalyse - chez les anglo-saxons où l'impasse serait faite sur l'implacabilité structurante du désir et chez les lacaniens où elle résulterait d'une tendance à négliger l'amour ou à le réduire au narcissisme – il propose une lecture originale de effets de l'amour de l'enfant par ses parents et dégage le concept de contre-amour qu'il situe au point de retournement de l'amour endogame vers l'amour exogame, i.e. en ce point où l'enfant délaisse ses parents comme objets d'amour pour en choisir d'autres, exogames. En écho au texte d'Anne Levallois, qui rappelle que la structure familiale est « un élément actif et déterminant du processus de maturation de l'enfant », Gérard Pommier réfléchit aux effets de l'amour parental sur la capacité de l'enfant à « aimer au dehors ». Que le corps d'un enfant ait laissé ses parents indifférents n'aurait pas d'implication structurale (aucune psychose, névrose ou perversion n'en découlerait) mais aurait d'importants effets d'inhibition psychique ou d'empêchement social.

Le dossier « passion, amour, transfert », qui représente un peu plus de la moitié de la revue est complété par une suite de textes cliniques dont un original « L'impensé des soins palliatifs ou « beaucoup de bruit pour rien… » de Martine Derzelle et Gérard Dabouis qui interroge « la violence nouvelle [qui] a nom psychologisation outrancière » telle qu'elle sévit dans les lieux de soins palliatifs. À noter aussi, l'intéressant travail avec des grands brûlés de Jacques Cabassut et l'article très fouillé sur les mères enceintes après une mort in utero de Claire Squirès qui, pour rester prisonnière de la notion d'« enfant de remplacement », n'en présente pas moins des notations fines sur l'attente d'un nouvel enfant par celles qui ont connu l'expérience ravageante d'être devenu « mère d'un enfant mort ».

Penser/rêver, « Des érotomanes »

De l'amour, on passera à l'érotomanie, avec le dernier numéro de la revue penser/rêver, dont le n°5 du printemps 2004 – qu'on a cru un moment être le dernier à paraître avant d'apprendre son changement d'éditeur - présente un formidable « Des érotomanes ». Dira-t-on jamais assez tout le bien qu'on pense de penser/rêver, cette revue qui se lit autant pour le plaisir du texte que pour celui de la pensée ? On trouve de tout dans ce numéro, depuis le très savant glossaire de l'érotomane et de l'érotomanie présenté par Paul-Laurent Assoun, un formidable article d'érudition, « Je suis érotique sans doute, mais pas érotomane », dû à la plume de Jackie Pigeaud, un extrait du prochain roman de Phillippe Forest (« Chaque jour je me réveillais… »), une note malicieuse de Jean Paulhan sur l'érotisme et le commentaire tout aussi malicieux de s petite fillee Claire, le « cabinet privé » de Philippe Comar qui explore en quoi le XIXe siècle fut celui où le sexe s'explora en secret, un « Éros maniaque » de Christian David qui développe l'idée d'une pensée de l'amour, « élaboration psychique – mieux, psychosomatique - de l'investissement érotique de l'objet aimé », un « amour des certitudes » de Miguel de Azambuja qui revient sur un épisode de l'analyse de Sabina Spielrein par Jung et rappelle au détour cette superbe citation de Freud : « être calomniés, et roussis au feu de l'amour avec lequel nous opérons, ce sont les risques de notre métier, pour lesquels nous n'abandonnerons certainement pas le métier ». Tout cela sans oublier les rubriques habituelles dont une « Controverse » consacrée à la nature du transfert et comme toujours la savoureuse « Libre chronique » de JB Pontalis qui pour « penser l'intermédiaire » nous fait passer des Limbes au Purgatoire avant de nous laisser au seuil de l'espace transitionnel ouvert par Winnicott. Où l'ensemble de la revue nous ramène. Avec grâce et élégance.

Quand rêver fait penser, et vivre, on ne peut qu'applaudir…

  • 1.

    L'envers de la psychanalyse (1969-1970) et D'un discours qui ne serait pas du semblant (1970-1971). Mayette Viltard a poursuivi sur ce thème avec une intervention intitulée « Quatre discours sans amour » au colloque L'incidence des discours : le discours du psychanalyste et les autres. Centre de recherche en psychanalyse et écritures. Paris, la Sorbonne, 24-25 septembre 2004.