jean pierre Lehmann

◊Jean-Pierre LEHMANN                    7 avril 1929 - 13 mai 2020

 

Jean-Pierre Lehmann est né le 7 avril 1929 à Paris dans une famille juive d’origine alsacienne de 3 enfants dont il est l’aîné. Il échappe à l’horreur de la guerre, son père les faisant passer en zone libre dès l’été 1940. Il fait ses études secondaires à Lyon, puis ses études de médecine et de psychologie à Paris. Il rentre ensuite chez les jésuites à Laval puis passe son internat de médecine. La guerre d’Algérie le propulse sur le terrain à Colomb-Bechar pendant deux ans. Il est envoyé ensuite au Cameroun au Collège Scholastica. Il retourne étudier la philosophie à Chantilly et au Puy, étude de théologie et de psychiatrie à Lyon.  Ordonné prêtre par le cardinal Gerlier, il retourne étudier la spiritualité à Paray Le Monial. Il part au Sénégal et en Côte d’Ivoire (1965-1973) où il exerce la médecine et réalise une enquête sur la prophétie et la sorcellerie.

 De retour en France, Jean-Pierre Lehmann souhaite se consacrer à la psychanalyse. Il quitte alors la Compagnie de Jésus. Il épouse Michèle Monin en mai 1974, psychiatre et psychanalyste comme lui avec laquelle il avait étudié la médecine à Paris 25 ans auparavant.

 D’abord membre de l’ex-école freudienne de Paris, Jean Pierre Lehmann s’ inscrit en 1985 au Cercle Freudien. Lors de la dissolution de l’Ecole Freudienne de Paris en 1980 il fait partie de ceux qui firent appel à la procédure de référé judiciaire pour donner un statut juridique à la décision de Lacan de fermer son école. Certains des fondateurs du Cercle Freudien en firent eux aussi partie. Notons qu’un des signifiants de la fondation du Cercle Freudien est l’hétérogène. Jean Pierre Lehmann y trouve sa place. Préoccupé par la  formation, il tient pendant près de trente ans des séminaires de clinique psychanalytique.

De 2002 à 2004 il assure la présidence du Cercle Freudien. Il met en place de nombreuses réunions sur la question de la didactique.  Il souhaite œuvrer pour que chacun puisse trouver sa place, quelques soient les disparités et les divergences. Il tente d’apporter au Cercle Freudien une nouvelle langue, celle de l’infans et de la clinique des bords.

Pendant une.vingtaine d’années il dirige le Centre Michael Balint, lieu très important pour lui, tant pour les consultations que comme lieu de formation pour les analystes  orientés  vers les thérapies de groupe et la relaxation. Directeur attentif, responsable, il ne laisse jamais ses plus jeunes confrères dans l’embarras. Très généreux, il avait l’élégance de dire quand on le remerciait pour le groupe de travail qu’il offrait :  « je ne fais que ce que d’autres ont fait pour moi », soulignant ainsi l’importance de la transmission.

Erudit, homme de culture, « amateur » de musique, ce grand clinicien au parcours singulier, choisit très tôt l’apport de Winnicott. Il est en effet séduit par  l’accent que Winnicott met sur le fait que le  petit de l’homme n’existe pas ex nihilo mais dans une relation à un autre qui le porte et l’anticipe. Face à la position en retrait du psychanalyste, il oppose la conception winnicottienne : celle du devoir du psychanalyste d’aller « au devant des besoins » du patient et même d’aller « au devant de l’expression de sa haine ». Cela   permet au patient de prendre  appui sur l’autre mais cela lui permet aussi une séparation nécessaire. De manière à ce  que deux sujets trouvent leur place, et non pas un-sujet-pour-deux.

Jean Pierre Lehmann ,forgé aux contraintes de l’histoire et des engagements institutionnels avec leurs conflits d’hommes, était cependant animé par une question dont il avait fait son axe de recherche, celle de la présence insue du féminin, de l’infantile et de la dimension psychotique dans le transfert. Il sut tirer les leçons de son premier terrain clinique, au sud de la côte d’ivoire, auprès des prophètes- guérisseurs et d’éventuels villages thérapeutiques.

 Il  s’interroge  de très près sur  l’histoire de femmes très engagées telles que Marion Milner ou Margaret Little. Il rend compte tant de  leur cheminement et de leurs errances que du contre-transfert qui leur a permis de mener à bien le travail analytique.

Dans la même perspective, interpellé par des  femmes prises dans des psychanalyses interminables et passionnées, il se questionne sur les avatars des régressions et du masochisme féminin. Pour cela,   il part des éléments de la théorie winnicottienne du féminin, du masculin et de la position dépressive pour en développer toutes les conséquences tant théoriques que cliniques dans un domaine que Winnicott lui-même n’avait pas eu l’occasion ou le temps de traiter explicitement.

Jean Pierre Lehmann : c’est aussi un style et une grande sensibilité à la subtilité de l’autre.

Son œuvre est exceptionnelle. Elle témoigne d’une pensée libre et personnelle, une façon de vivre authentique loin de toute posture, un engagement fait de générosité et de simplicité, un désir de la formation soucieux des avancées en toute liberté de chacun, tout en demeurant intraitable sur la question éthique.

 Une pensée de l’hétérogène qui peut nous aider dans le temps présent. 

 

Bibliographie :         

La clinique analytique de Winnicott (érès) 2003

Développements de la clinique de Winnicott. Avatars des régressions et masochisme féminin (érès) 2006

Comprendre Winnicott (Armand Colin) 2009

Prophètes-guérisseurs dans le sud de la Côte d’Ivoire ( l’Harmattan) 2012

Marion Milner et Margaret Little. Actualité de leur travail avec des psychotiques.(érès) 2012