la peste

« - Savez-vous, lui dit ce dernier que le département n’a pas de sérum ?

- Je sais. J’ai téléphoné au dépôt. Le directeur est tombé des nues. Il faut faire venir ça de Paris »

« La plupart étaient surtout sensibles à ce qui dérangeait leurs habitudes. Ils étaient agacés ou irrités et ce ne sont pas là des sentiments que l’on peut opposer à la peste »

 

A. Camus La Peste

Tout d’abord, merci à tous ceux qui ont eu la gentillesse de répondre à mon invitation. Je rappelle qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent ajouter leur commentaire à la suite du texte qui figure sur le site en page d’accueil.

 

Pour résumer les réponses que j’ai reçues je dirai qu’un certain nombre d’entre vous a simplement répondu qu’ils étaient d’accord. D’autres ont émis des réserves ou des remarques qui résument bien les considérations qui peuvent entrer en jeu dans nos décisions et que je partage pour l’essentiel à des degrés divers.

 

La question du bénévolat a été soulevée et donc de la gratuité. D’autres ont répondu qu’ils étaient déjà engagés ailleurs avec des circuits notamment hospitaliers avec lesquels ils étaient en lien auparavant. Certains ont souligné qu’ils avaient reçu des propositions de cet ordre venant en particulier de la FEP dont le caractère publicitaire les avait heurtés. Certains m’ont dit continuer à recevoir des patients sans se laisser entraîner à fermer leur cabinet permettant à leurs patients de continuer à venir s’ils le souhaitaient pour poursuivre leur travail. D’autres enfin m’ont fait parvenir des textes et des informations que je ferai circuler s’ils me semblent avoir une valeur pour la réflexion qui nous réuni.

Que conclure de tout cela et donc que faire avec cet outil qu’est le site œdipe et le réseau qu’il constitue de fait.

S’agissant directement de la question que j’ai soulevée, il me paraît urgent de ne pas se précipiter. L’offre d’écoute venant de divers organismes est à mon sens surabondante. Elle résulte je pense du désir de « faire quelque chose » ce qui n’est évidemment pas condamnable mais qui mérite réflexion. Le site œdipe a toujours défendu le fait que s’y inscrire en tant que psychanalyste ne constituait en aucun cas une garantie. Par ailleurs la question est bien qu’est-ce qu’un psychanalyste peut apporter de spécifique dans l’écoute sinon son habitude d’accepter de se taire, ce qui évidemment n’est pas rien. Mais peut-être suis-je trop radical ? On verra. Je continue à être à l’écoute de vos réactions. Pour le moment je continue à surseoir à cette décision.

Ce qui est également à souligner c’est l’importance du bruit médiatique et de ses effets. Pour ma part j’ai continué à recevoir les patients qui acceptaient de se déplacer et j’ai aussi accepté des consultations en vidéo. Pour cela j’ai besoin de calme et j’ai donc supprimé les informations tant à la radio qu’à la télévision. Il me semble que pour exacerber l’angoisse il n’est pas de meilleur moyen que de se brancher du matin jusqu’au soir sur les différentes sources d’information. De même grâce aux réseaux sociaux la France semble s’être transformée en un immense café du commerce. Je n’ignore pas que prendre contact avec ses proches : famille, amis, collègues peut être positif mais il y a une sorte d’inflation qui traduit l’angoisse et la peur mais ne fait que l’amplifier et non la contenir. Surtout c’est souvent celui qui appelle pour prendre des nouvelles qui a besoin qu’on le rassure.

Peut-on, entre nous, échanger à une autre niveau ? Ce serait bien, c’est du moins ce à quoi je voudrai parvenir. Le résultat n’est pas garanti.

Pour ma part je souhaite juste indiquer l’existence d’un auteur dont j’ai retrouvé un ouvrage dans ma bibliothèque : « Un virus n’explique pas une épidémie » Norbert Gualde qui montre que tout cela était prévisible depuis longtemps (le livre date de 1999 !) et qu’il existe des articulations extrêmement étroites avec les bouleversements écologiques que nous produisons ; Il a depuis écrit de nombreux ouvrages et je suis persuadé qu’il y a beaucoup à apprendre des épidémiologistes quand ils parlent de ce qu’ils prêchent souvent dans le désert et depuis longtemps. (il n’y a pas qu’Amazon qui livre cf la page d’oedipe qui indique les coordonnées des librairies indépendantes auxquelles on peut s’adresser)

Bien sûr il y a des documents dont beaucoup ont déjà eu connaissance. C’est le cas de ce spécialiste de Santé publique Suisse. J-D Michel

http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-fin-de-partie-305096.html

 

Son texte m’a fait penser qu’au moment où il aurait fallu choisir entre deux politiques celle du dépistage massif version Corée du sud et celle du confinement, il manquait sans doute l’un des termes nécessaires à ce choix. Cela m’évoque cette petite histoire que je vous livre et que je cite souvent :

Napoléon : canonnier, pourquoi n’avez-vous pas tiré le canon

Canonnier : Sire pour 99 raisons

Napoléon : diable, lesquelles

Canonnier : La première c’est que nous n’avions pas de canons.

Napoléon : Bien, je vous fais grâce des 98 autres.

 

Par ailleurs j’ai reçu de Marie Allione, que je remercie, une traduction de la réponse au texte de Recalcati que je vous ai fait parvenir. La voici ;

La version italienne est ici :http://temi.repubblica.it/micromega-online/coronavirus-le-illusioni-consolatorie-di-recalcati/

Daniela Scotto di Fasano est psychanalyste, membre ordinaire de la Société Psychanalytique Italienne et de l’I.P.A., elle développe en Italie et à l’étranger une activité de formation, a fait partie de la revue Psiche et de la rédaction de SPI Web. Elle a représenté le Centre Psychanalytique de Pavie à la Commission Nationale Enfants et Adolescents de la SPI. Sont parues ses nombreuses publications en Italie comme à l’étranger.

Ces quelques notes le sont inspirées de la lecture de l’article de Massimo Recalcati paru le 14 mars sur le journal La Reppublica. Son discours est – comme souvent ceux de Recalcati – insidieusement dangereux, et ce déjà dès le titre : La nouvelle fraternité. Je dis qu’il insidieusement dangereux, au-delà du fait qu’il est superficiel et plein d’erreurs, parce qu’il flatte le lecteur, lui donnant l’impression de se sentir bon et fraternel sans se donner aucun mal. Le mal que se donnent ceux qui, sur le front (c’en est un aussi de craindre l’âge avancé) se battent les travailleurs sociaux, ceux de la santé, de la sécurité publique… Recalcati doit une grande part de son succès médiatique au fait qu’il écrit presque toujours exactement ce que le lecteur désire entendre, offrant un miroir bienveillant, en collusion avec le lecteur, lui donnant l’impression d’être plus intelligent, inspiré, grand sans s’en donner la peine ni être discuté. C’est la confirmation, comme dans tous ses écrits, de la bien connue banalité revêtue de ses pompeuses frusques. Il fait exactement le contraire de ce qu’on attend du psychanalyste : combattre les illusions, se mettre en question, dévoiler ce qui semble évident et faire reconnaître les préjugés. Entre des paroles grossières et des citations issues de Google, la dimension de l’inconscient est non seulement perdue, mais aussi éludée.

 

Le devoir du psychanalyste est en fait de demeurer et de faire demeurer les pieds sur terre, apprendre et enseigner à renoncer aux illusions, continuer à penser même quand les vagues de panique nous font chanceler, continuer à soutenir des espoirs raisonnables et non des dénis maniaques de l’éventuelle amertume du réel. Je dis insidieusement dangereux parce que, en ces jours marqués par la peur, par la suspicion (celui qui me croise dans ma rue sans masque, qui a ouvert la porte de la pharmacie ou du magasin avant moi, qui prend l’ascenseur, et ainsi de suite, tous ceux-là peuvent m’infecter), par la tension que comportent inévitablement la limitation des libertés et la cohabitation forcée qui devient plus pesante et plus pénible (c’est ainsi qu’on relève une augmentation des violences domestiques), comment peut-on dire (je le dirais ingénument s’il ne s’agissait pas d’un « influencer « comme Recalcati) de fraternité nouvelle ? Nous avons tous vu ces scènes de supermarchés assaillis à la télévision, nous avons assisté aux trains pris d’assaut par ceux qui ne voulaient pas qu’on les empêche de quitter Milan, devenue d’un coup le terrain insidieux de la diffusion massive du virus. Sans parler des centaines de médecins et infirmiers de l’hôpital Cardarelli de Naples qui se sont mis en maladie (c’est Ciro Mauro directeur des urgences qui le dénonce) ou des Américains qui font la queue pour acheter une arme. Homo hominis virus, pour paraphraser l’expression latine de Plaute lupus est homo homini (Asinaria, a. II, sc. IV, v. 495), est le titre d’un roman d’Ilaria Palomba (Meridiano Zéro, 2015) qui explore l’individualisme et le besoin de confrontation et de tous les profits possibles qui, tel un virus, caractérisent une tranche consistante des sociétés contemporaines.

 

Comment peut-on croire, si ce n’est seulement mon impression, — et nous faire croire – en une illusion de consolation, en la certitude de Recalcati que « grâce au Covid-19 naît la nécessité d’édifier des frontières et des barrières de protection. Mais non pas celles auxquelles nous a habitués le souverainiste identitaire, mais en tant que geste de solidarité et de fraternité ». Solidarité et fraternité ? Il a fallu arriver à un décret ministériel prévoyant des sanctions pénales pour finalement rester reclus à la maison, pour cesser de s’entasser dans les bars, pizzerie et restaurants. Quand les rues de Milan, les Navigli, la Darsena, les plages de Ligurie et de Toscane étaient bondées de gens qui jouissaient du soleil, collés les uns aux autres comme pour un très beau jour normal de printemps. Il a fallu l’intervention des forces de l’ordre, avec patrouilles et mégaphones pour nous ordonner, en dernier recours, de rester à la maison. Est-ce que c’est un geste de solidarité et de fraternité que celui du premier ministre Boris Johnson qui invoque comme moyen pour affronter le coronavirus l’immunité de masse et qui signale aux citoyens qu’ils doivent se préparer à perdre ceux qui leur sont chers ? Il me semble que ce n’est pas par hasard que Recalcati ouvre ainsi son article : Les nazis nous ont appris la liberté a écrit Jean-Paul Sartre au lendemain de la libération de l’Europe du nazi-fascisme. » Terrible.

 

Je ne sais pas comment Sartre a pu écrire quelque chose d’aussi aberrant. Il est faux de dire que nous aurions besoin d’Hitler pour apprendre à être libres ! Nous sommes devenus fous ? Croyons-nous vraiment que pour Primo Levi, sans en faire un exemple, ce soit Hitler qui lui ait “enseigné” la liberté ? Et croyons-nous vraiment que le coronavirus soit en train de nous apprendre la fraternité ? Comme nous l’ont montré les supermarchés dévalisés ? Les personnes enragées sur les trains ? Ou l’appel à une immunité de masse ? Sommes-nous si sûrs que sans le décret et les sanctions pénales nous serions tous frères, tous généreusement reclus dans nos maisons ? Recalcati fait des homélies, il ne fait pas des discours scientifiques ni même moraux. Et encore moins dans ce cas psychanalytiques. Camus, dans L’homme révolté (1951) parle de la liberté en tant que concept intrinsèquement relatif. L’individu, écrit-il, doit accepter l’existence de limites, de la modération. Hélas c’est exactement ce que nous n’avons pas su faire. Le conflit entre justice et liberté requiert un constant équilibre, l’acceptation de ce qui nous est le plus limité aujourd’hui par le virus : la liberté. On voit que Sartre a lu L’homme révolté avec mépris. Recalcati, dribblant avec son habileté coutumière les problèmes connexes au fait qu’un être humain, Italien aussi bien qu’Espagnol ou que Chinois ou autre, n’a pas choisi “fraternellement” la réclusion, malheureusement la nôtre n’a pas été de fait un choix. Nous avons dû paradoxalement avoir plus peur des sanctions que du virus… C’est alors qu’entre en jeu la psychanalyse qui, comme nous l’enseigne Freud et Melanie Klein ensuite, montre que dans les aires les plus archaïques de notre psyché dominent l’agressivité, le besoin de s’accaparer les biens des autres autant que nous le pouvons. Sans réfléchir aux conséquences de nos actes prédateurs. Pourquoi cette attitude cannibale, digne de Caïn ? Parce que nous avons peur.

L’enseignement de Freud est précieux qui nous dit que la perception de l’existence de l’autre est vécue (et est !) comme limite du Moi. Parce que nous avons peur d’avoir peur. Voilà pourquoi il est important d’apprendre en grandissant et d’élaborer un sentiment interne de persécution considéré inconsciemment comme irrémédiable avec les moyens du travail psychique. Pour nous mettre dans les conditions de nous protéger nous-mêmes en protégeant les autres du mal que nous pouvons leur faire. Parce que c’est paradoxalement au moyen de la survie de l’autre que je peux garantir la mienne. Et non pas par la peur, ni au moyen de la peur de la punition. C’est ce qu’a montré Piaget en instituant la différence entre pensée concrète et pensée abstraite ou morale. Il y a une phrase d’un patient qui m’avait profondément frappée : le mal est l’ombre de nos pas, qui m’est revenue en tête en ces jours de coronavirus. Si la jeunesse savait est le titre d’un roman de Doris Lessing paru en 1983. Voilà. Nous ne sommes pas conscients depuis notre jeunesse du fait que le mal – telle est notre vulnérabilité – est l’ombre de nos pas. Grâce à une division pour ainsi dire “protectrice” nous cheminons fièrement et, pour autant que nous le savons et comme nous le percevons, en nous sentant invulnérables. Mais si quelque chose surgit dans notre vie en altérant la certitude des limites, compromettant notre sécurité, nous découvrons concrètement le choc de la vulnérabilité. La nôtre. Celle de ceux que nous aimons.

 

C’est Shakespeare, repris par Freud dans L’interprétation de rêves, qui dit qu’en naissant nous devenons débiteurs envers la nature d’une mort : la nôtre. Et le coronavirus nous l’a brusquement rappelé. Recalcati parle en psychanalyste au grand public. Mais la, psychanalyse en ces jours de douleur travaille pour faire en sorte que le contact traumatique avec notre finitude soit toléré et affronté sur le mode le plus humainement utile à nous tous. Et non pas comme le dit Recalcati bonnement réduit à quelque chose qui apportera une nouvelle fraternité. Non. Il fait là un déni maniaque qui cherche à rendre concrète une chose terriblement inquiétante parce qu’on ne voit pas ce qui de la pandémie nous menace. Il y a dans notre expérience un prototype de la peur où est quelque chose dont on peut se défendre parce qu’on le touche, on le voit, on le sent. Mais aujourd’hui le coronavirus nous contraint à faire avec une invasion diffuse des constituants du danger, c’est, comme l’écrit un autre psychanalyste, Francesconi, une sensation diffuse de ne pouvoir reconnaître ce qui caractérise l’ennemi, qui donne au danger une forme invasive, métastatique et invasive de maladie porteuse de mort. Nous sommes face à cet horizon que Bion appelle la terreur sans nom. Voilà ce qui est insidieux dans le discours de Recalcati : nous ne pouvons pas comprendre où est et comment attaque l’ennemi, nous ne pouvons pas nous protéger parce que nous ne le voyons pas, mais nous pouvons nous réfugier psychiquement dans l’illusion d’une fraternité tout à fait neuve. Bien différente de celle découverte et vue sur le terrain, sur le front, de ceux qui – par choix ou par profession – ne peuvent faire autrement. Une solidarité qui nous apprend obtorto collo à accepter d’être déprimés et apeurés : c’est une chose saine, affirme un autre psychanalyste, Bolognini. En apprenant à tolérer notre peur sans déclencher une guerre – en massacrant un vieux Chinois rencontré sur son chemin, en faisant comme en France des “Pizza Corona”, en écrivant sur les réseaux sociaux des messages offensants et insultant notre Constitution venue de ceux qui de plus sont investis du rôle officiel de conseillers communaux – mais pas non plus en recourant à des homélies ou des pompeuses déclarations qui n’ont que peu ou pas à voir avec la psychanalyse.

Je joins ce petit commentaire reçu hier d’une correspondante non psychanalyste :

Pourquoi ? Les lieux de plaisirs simples et libres sont devenus la propriété privée et l'exercice du pouvoir de dirigeants qui, dans les domaines qui sont les leurs, sont incapables de protéger la nation.
Alors, le bon peuple, nous, on va voir de quoi ils sont capables !
Et ils sont capables de beaucoup quand cela ne coûte rien, ni créativité, ni finances, ni invention de gestions nouvelles adaptée à une situation nouvelle.
Ainsi, sont interdits, en vrac et non limitativement :
les forêts, les berges des fleuves, les plages et la mer, l'achat d'une seule baguette en boulangerie (un maire du sud), quelques minutes de douceur sur une pelouse de la capitale (le Préfet de police de Paris), etc.
Si la gestion de tout ce qui est public n'était pas si calamiteuse, on pourrait :
Laisser les forêts libres et limiter le nombre de promeneurs,
Ouvrir les plages et la mer et organiser les baignades,
Limiter les visites en EHPAD à ceux qui sont testés négatifs et qui veulent fournir les blouses, masques, charlottes et surchaussures de protection (puisque l'état ne peut rien fournir) au lieu d'imposer une interdiction totale pour se débarrasser de la question.

Pourquoi notre société qui est capable d'organiser le nombre de clients dans un supermarché est-elle incapable de limiter le nombre de promeneurs dans un parc ?
Et pourquoi, en temps de confinement, faudrait-il interdire les moments de bonheur de chacune et chacun, si chacune et chacun respecte la sécurité commune ?

Pourquoi ?

Isabelle Marina
Mail : isabelle.marina@orange.fr
Mobile : 0614393021

Et aussi celui-ci reçut de Paul Machto

À la façon de … (Martin Niemöller[1]),

 

 

Quand ils nous ont dit : La loi du 31 juillet 1991 instaure la maîtrise des dépenses hospitalières.

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas économiste

 

Quand Claude Evin a parlé d’hôpital-entreprise à la fin des années 80, Je n’ai rien dit, je n’étais pas entrepreneur,

Quand les gouvernants ont mis en œuvre la gestion-comptable en 90, pour les hôpitaux,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas dirigeant,

 

Quand Sarkozy et Bachelot ont mis en œuvre la loi H.P.S.T qui a donné le pouvoir au « patron » de l’hôpital, le directeur et rendu une administration toute-puissante,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas administratif, Quand la gestionnite bureaucratique s’est mise en place,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas gestionnaire,

 

Quand Hollande et Marisol Touraine, ont supprimé 17500 sites de santé et supprimé 17500 lits,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas comptable,

 

Quand quelque trois milliards d'euros d'économies furent prévus, dont 860 millions issus de la "maîtrise de la masse salariale", c’est-à-dire la suppression de 22.000 postes, soit 2% des effectifs,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas fonctionnaire,

 

Quand les salariés de l'hôpital psychiatrique du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), ont fait la grève de la faim en 2018,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

 

Quand les services d’urgences se sont mis en grève en 2019, Je n’ai rien dit, je n’étais pas urgentiste.

Quand Macron et Buzyn se sont moqués du mouvement des soignants au cours des dix derniers mois,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas soignant,

 

Quand les sbires de Castaner sont venus réprimer les manifestants des hôpitaux,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas hospitalier.

 

Quand Macron a supprimé en 3 ans 4172 lits dans 3000 services de santé publique,

 

Je n’ai rien dit, je n’étais pas hospitalisé,

 

 

Mais quand le coronaromachin, le Covid 19, est arrivé, qu’il nous est tombé dessus,

 

Là, j’ai paniqué :

 

Ø Il n’y avait plus assez de lits pour les hospitalisations, plus assez de places en réanimation,

 

Ø Il n’y avait plus assez de soignants pour nous soigner,

 

Ø Il n’y avait pas assez de masques pour protéger les soignants

 

Face à la pénurie organisée depuis trente ans par ces gouvernants irresponsables appliquant la même politique néolibérale,

 

o     ils ont commencé à trier les malades à soigner,

 

o  à laisser de côté les malades et les soignants en psychiatrie,

 

o     à isoler les personnes âgées dans les EPHAD,

 

à  les oublier.

 

 

·      Alors j’ai commencé à applaudir les soignants le soir à 20h., sans honte de n’avoir rien dit pendant toutes ces années,

 

·  J’ai donné le titre de « héros » à ces soignants, que je n’ai pas soutenus pendant ces onze moi

 J’ai réalisé que le service public c’est très important, indispensable, dans notre pays,

 

Mais…

Quand est-ce qu’ENFIN vais-je DIRE ou HURLER quelque chose ?

Quand sera-t-il possible de commencer à se révolter vraiment ?

Quand sera-t-il possible de commencer à construire un autre monde ?

Quand sera-t-il possible d’inventer un nouveau système alternatif à la deshumanisation néolibérale et au chacun pour soi ?

Quand sera-t-il possible de mettre en œuvre une société où le collectif et le partage aillent de pair avec l’individu et le singulier ?

Quand y aura-t -il assez de monde pour se lever et être tous ensemble pour protéger la planète, instaurer la décroissance, une démocratie citoyenne à échelle humaine, privilégier l’humain sur la machine et sur l’économie, développer de nouvelles solidarités, de prendre le temps de vivre, de penser, de lire, ... d'aimer ?

 

Martin Niemöller était un pasteur luthérien allemand et un théologien (1892–1984) a écrit un poème sur la lâcheté des intellectuels allemands au moment de l'accession des nazis au pouvoir et des purges qui ont alors visé leurs ennemis, un groupe après l'autre. Niemöller était anti-communiste et a initialement soutenu l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler. Il se désillusionne avec les propos de Hitler sur la suprématie de l'État sur la religion, et fnit par diriger un groupe de religieux opposants au régime. En 1937 il est arrêté et enfermé aux camps de concentration de Oranienburg-Sachsenhausen et Dachau. Il est libéré en 1945 par les Alliés.

 

 

Et pour conclure ce long (trop ?) courrier je vous joins ce petit poème.

Le soleil éclaboussait la rue déserte.

Une dame, au-devant de sa porte, lisait, attendant le reflux.

Les voitures étaient rares, les vélos anecdotiques, les trottinettes disparues.

La garde masquée, gantée, patrouillait par trois, à pied souvent, en voiture parfois, réclamant leur attestation aux rares passants esseulés.

Les commerces étaient vides, aux rayons dégarnis, aux caissières sans sourire, voilées de leur masque.

Pas de canonnade pourtant, nul tir de DCA dans la nuit silencieuse.

On aurait dit l’exode, l’occupation, du moins ce qu’en racontaient nos ancêtres à la veillée.

La campagne bruissait un peu plus. Un père au dehors devisait avec son fils, à plus d’un mètre l’un de l’autre tandis que les corbeaux croassaient sur la chaussée désertée.

Nulle autorisation de caresser le chien du voisin, quelques bonjour rapides à distance respectueuse.

Les chevaux dans les près s’ennuyaient, étonnés de cette absence humaine.

L’eau du canal était limpide, des carpes y frétillaient. La pollution même avait déserté la vie.

Les gens se calfeutraient, se cachaient.

Parfois, un léger bruit à la porte nous indiquait la présence discrète d’un voisin venu pousser le pion un instant sur l’échiquier.

La nuit silencieuse montrait des ombres furtives se glissant en habits de murailles sous des porches se refermant bien vite.

Derrière, un tripot discret où se mêlaient les dès et les cartes, dans l’attente de jours meilleurs.

L’état laïc avait instauré le carême.

Pierre Benoit

 

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui :

 

Laurent Le Vaguerèse

secretariat@oedipe.org