algérienne

Le débat qui a suivi la publication dans le journal "Le monde" de la tribune concernant les dérives de la pensée dite décoloniale  et qui a été suivie d'une "réponse" dans le journal "Libération" a vite tourné court. Je le regrette car il touche au point d'articulation de la psychanalyse avec d'autres disciplines notamment l'Histoire, la sociologie et la politique entendue comme ce qui fonde avant tout la démocratie et son usage et ses dérives. Une chose m'apparaît certaine, le psychanalyste ne saurait se dire hors du monde et hors de l'histoire dont il doit être au mieux instruit. Cela est d'ailleurs vrai de toutes les disciplines scientifiques ce qui rend sa pratique et sa vie à la fois riche et toujours en mouvement. Cela fut vrai du temps de Freud, cela l'est toujours aujourd'hui contrairement à ceux qui pensent que la psychanalyse est une secte qui se tient à l'écart des progrès scientifiques (quand ils existent) et de la rumeur du monde.

On m'avait promis un dossier sur le sujet, il n'est pas venu. Entre temps, Un texte signé de Sylvia Lippi et Patrice Maniglier m'est parvenu. Même si je pense qu'il  attribue à certains des pensées plus angéliques qu'elles ne le sont en réalité, je trouve que ce texte a le mérite de nourrir utilement le débat. Bref, j'ai décidé de le soumettre à votre réflexion. A cette occasion j'ai appris la disparition de la revue "Les temps Modernes" et ce n'est pas le moindre intérêt de ce texte que de le faire savoir. Signe des "temps modernes" s'il en est. Le débat donc ne passerait plus par l'écrit mais se transporte avec les distorsions qu'on ne saurait oublier sur la toile. Certes, la publication "papier" ne s'adressait qu'à des gens à priori déjà convaincus. La toile n'ouvre pas ce champ contrairement à des idées reçues. Au moins, l'argent ne fait pas barrage, mais à contrario, il ouvre à des réactions épidermiques plus qu'à une réflexion plus approfondie. 

Si donc vous prenez le temps de le lire, c'est que vous pensez que les quelques minutes que vous consacrerez à cette lecture ne sont pas des minutes perdues. C'est même la principale raison pour laquelle je vous le soumet. Si vous voulez y répondre faites le en prenant le temps de la réflexion au même titre que les auteurs ont pris le leur pour argumenter leur position. Si vous êtes inscrits sur le site vous pouvez directement l'ajouter en commentaire de ce texte.

Je vous invite également à regarder cette vidéo sur les dérives du supposé anti-racisme dans une université américaine; le terme utilisé d"extrême gauche dans le commentaire  me semble peu approprié, et il est redit à foison; Là encore, il faudrait savoir de quoi on parle; Mais, comme vous êtes lecteurs du site oedipe, je vous fait confiance pour prendre la distance nécessaire à la réflexion.

LLV

« La controverse qui secoue le monde de la psychanalyse suite aux récentes tribunes publiées dans Le Monde et Libération à propos de la pensée décoloniale révèle que la discipline fait aujourd’hui l’objet de nombreuses idées reçues. N’est-il pas temps de s’allonger et de réfléchir à ce que la psychanalyse peut apporter aux débats de société

? (Un article qui aurait dû voir le jour dans feu Les Temps Modernes, et qu’AOC accueille chaleureusement à l’occasion du Salon de la Revue).

 

On connaît la plaisanterie : « Que font deux trotskystes quand ils se rencontrent ? Un schisme. Et deux staliniens ? Une purge ! » On peut   avoir l’impression qu’elle vaudrait tout aussi bien pour la psychanalyse,  qui ne manque pas de querelles. Rares sont celles cependant qui arrivent jusqu’aux rivages du débat public. Et plus rares encore celles qui le font en ayant pour enjeu une certaine idée de ce qu’est la psychanalyse, de la manière dont elle habite le monde culturel, politique et scientifique, et de ce qu’elle peut y apporter.

 

Il arrive que des psychanalystes s’expriment, à titre d’experts, comme si la psychanalyse disait ses vérités. Il arrive aussi que la psychanalyse soit attaquée ou défendue au titre de ses bienfaits ou méfaits sur les personnes qui s’y confient. Mais presque jamais les querelles internes à la psychanalyse, les disputes sur sa définition et son sens même, n’arrivent à remplir les colonnes des journaux. Tout se passe comme si celle-ci était devenue une sorte de boîte noire, à prendre ou à laisser. »

 Lire la suite : https://www.oedipe.org/article/psychanalyse-et-decolonisation

 

LA VIDEO : elle nous est proposée et introduite par R.Lamrani

 

https://www.youtube.com/watch?v=u54cAvqLRpA

 

"Le véritable antiracisme est celui qui dépasse l'idée même de race, pas celui qui la reprend à son compte en l'inversant. Le fameux « retournement du stigmate », qui transforme une identité subie en une identité revendiquée et défendue activement (la valorisation qui remplace la dévalorisation, la « fierté » en lieu et place de la honte : I'm black, I'm proud ; black is beautiful, ...), ne permet nullement de dépasser la race et d'effacer la « ligne de couleur » dont parlait Du Bois. Il aboutit dans le pire des cas à une forme de racisme en miroir.

Le racisme, c'est en effet cette idée très simple que certaines catégories d'individus sont naturellement dotés d'attributs négatifs, et son corollaire, que d'autres catégories d'individus en sont dépourvues. Remplacer la naissance et la biologie par la société, comme le font les théoriciens postmodernes de la race qui parlent d'une « race sociale », ne contribue nullement à dénaturaliser la « race ». Au contraire, l'assignation à une identité figée – et la division qu'elle fonde – est ici reconduite, même si ses signes sont inversés. Le « racialisme » aboutit dans les faits à autoriser et célébrer le racisme et sa vision manichéenne chez ceux qui en sont les principales victimes : les propos et les comportements les plus abjects s'en trouvent ainsi cautionnés. Le racisme , l'identitarisme  ne sont nullement un phénomènes exogènes, spécifiques, dus à la nature particulière d'une communauté, à ses caractéristiques propres ou à son essence immuable. Ce sont des phénomènes historiques et social, qui trouvent ses racines dans le monde objectif où vivent tous les individus et toutes les communautés : le monde de la société capitaliste, dont le seul but est de se conserver et qui trouve à se nourrir (remarquablement bien) dans la fragmentation de la société actuelle, fragmentation de la société civile en une multitude de communautés séparées, ennemies, aux droits spécifiques garantis par les institutions nationales et européennes (on parle aujourd'hui de « droits des groupes », « droits des minorités », « discrimination positive », pour désigner les droits spécifiques attachés à des individus du fait de leur appartenance à une communauté particulière), repli des individus dans la sphère privée, réduction des individus à leur communauté, croyance, foi, haine... tels sont les ingrédients qui composent la soupe infecte où l'on veut noyer les êtres humains.

Amicalement 

 

Rhadija Lamrani"