À propos de Sophie Robert & Co

 

 

 

 

 

 

 

 

Notre « communauté » est donc en émoi. À moins qu’elle ne soit occupée à se distraire. Quoi qu’il en soit, Madame Sophie Robert a réussi à faire que de nombreux psychanalystes croient devoir (et donc pouvoir) se référer à l’identité de quelque chose comme « la psychanalyse » et la défendre.

 

 

Je crains que l’on ne puisse, à s’alarmer ainsi, que donner des primes à la platitude et à la boursouflure. Non qu’il faille s’interdire de prendre des positions publiques: tout au contraire, il le faut parfois, et même quand il n’y a pas le moindre espoir d’être entendu; mais, me semble-t-il, autrement. En essayant, par exemple, de rester vigilant à l’égard de la masse de préjugés, d’intérêts et de fantasmes solidifiés à l’intérieur comme à l’extérieur de ladite « communauté » à l’endroit de ce qu’on appelle, comme de ce qui s’appelle, « la psychanalyse ». Nous pourrions, par exemple, nous qui nous appelons psychanalystes, nous demander ce que nous avons à faire dans les différentes institutions où nous tenons à intervenir: hôpital, université, médias, Institutions européennes, théâtre, etc. Non que nous n’ayons par définition rien à faire en-dehors de nos cabinets, ou qu’il serait nécessairement préférable que nous nous abstenions d’en sortir. Mais enfin, le minimum serait tout de même que celles et ceux qui tiennent à le faire se demandent ce qu’ils veulent à vouloir, et donc à prétendre, ici soigner, là enseigner, là offrir une « expertise », chaque fois au nom de « la psychanalyse ».

 

 

La psychanalyse, me semble-t-il, devrait obliger à repenser beaucoup d’assurances, et d’abord quant à ses propres limites, aux limites de son champ, et donc se demander où elle peut avoir lieu. Car à force de militer pour l’extension et la multiplication des tribunes sur lesquelles les psychanalystes pourraient (voire devraient) prendre la parole, ils mettent leurs soi-disant compétences au service parfois de la niaiserie la plus criante, en l’occurence celle de Madame Robert. La bêtise crasse et la malhonnêteté répugnante

 

dont celle-ci fait preuve devraient les laisser indifférents, car il s’est toujours trouvé, depuis les tout débuts de l’histoire de la psychanalyse, des personnes qui ont voué leur vie à tenter de la discréditer - et cela continuera. So what? Ça n’est pas de ces mouvements de résistance là que pourrait venir la fin de la psychanalyse, mais bien plutôt de la résistance que lui opposent les psychanalystes eux-mêmes et leurs institutions. Il faut dire ces choses-là, il ne faut pas faire semblant de croire que cette résistance-là n’existe pas, il ne faut pas passer le temps à passer des compromis, il ne faut pas se raconter d’histoire à ce sujet. Bref, les inepties de Madame Robert n’ont pas plus d’intérêt ou d’importance que n’en ont celles de Monsieur Onfray, ou que Le livre noir, pour ne parler que des tentatives les plus récentes de jeter le discrédit sur la psychanalyse.

 

 

A-t-on peur de Madame Robert, des effets que pourraient produire - mais où? chez qui? quels types d’effets? - les niaiseries qu’elle porte sur la place publique? Et pourquoi, surtout, a-t-on besoin de se défendre, de protester du sérieux, de l’importance, même de la scientificité (et ce, parfois, avec les arguments les plus ridicules) de ce que l’on fait, du danger qu’il y aurait à interdire que ce que l’on fait continue d’être fait? Les psychanalystes n’ont pas davantage à être intimidés, ni même impressionnés, par les brûlots de Madame Robert, qu’ils n’ont à l’être par les neurosciences, la pharmacologie, le marché ou la religion (toutes choses au demeurant fort respectables). Comme le suggère Adam Phillips, les psychanalystes devraient s’intéresser davantage à de nouvelles manières de vivre, plutôt qu’à des manières de guérir. Et ils ne devraient pas perdre leur temps à essayer de convaincre qui que ce soit de la valeur de ce qu’ils font.

 

 

 

 

Michael Larivière, 8.XI.2019