Soumis par Le Vaguerèse Laurent le
LE CARNAVAL DE LA PENSEE, VIE ET MORT DE FRIEDRICH NIETZSCHE, PHILOSOPHE INACTUEL
Michel Boccara, chercheur au CNRS, sociologue et directeur de recherches à l’Ecole doctorale de Recherches en psychanalyse de Paris VII, nous propose un film tourné sur les pas de la vie et du cheminement de pensée de Friedrich Nietzsche. Une pensée du tragique étendu à l’existant, qui se situe dans une quête opposée au christianisme, dans un rapport à la vérité et à la connaissance.
Ce film très original nous emporte au rythme d’une fraicheur, d’une poésie, d’une esthétique superbe, dans le monde intime de Nietzsche. Un monde d’où les pensées jaillissent, dans une immédiateté qu’affectionne Michel Boccara. Nous participons aux sources de la création de la pensée de Nietzsche, ce « précurseur de la psychanalyse », intronisé comme tel par Freud. Ces deux hommes, reliés comme « maîtres du soupçon » selon Paul Ricoeur, ou « illustres frères » par Hanns Sachs, se sont démarqués de la majorité pensante de l’époque de par leurs styles de pensée, dans une exigence de vérité. Des styles indépendants et complémentaires, qui résistent aux visions totalisantes du monde et nous éclairent aujourd’hui dans une période d’obscurcissement. Nietzsche qui avait annoncé dès 1882 l’effondrement du monde occidental dans une extraordinaire actualité, n’est pas si « inactuel » que cela, un inactuel peut-être à entendre « in-actuel »…Ce métapsychologue sauvage selon Paul-Laurent Assoun, s’est intéressé aux questions majeures de l’angoisse, de l’énigme du corps comme épicentre du réel, de la culture et du lien social. Le Nietzsche médecin de la civilisation fait face au Freud du Malaise dans la culture. Freud a été contemporain de Nietzsche dans sa jeunesse, il était étudiant au moment de la reconnaissance et de la gloire de Nietzsche qui a représenté pour lui une « noblesse inaccessible ». La pensée des Considérations inactuelles influencera Freud dans sa Métapsychologie.
Ce n’est pas au Nietzsche de la rencontre possible et manquée avec Freud, que s’est intéressé Michel Boccara, mais au Nietzsche du Zarathoustra, ce livre « pour tous et pour personne » écrit en dix jours en 1883 au moment de la mort de son ancien ami Wagner, dans une écriture mythique sous l’inspiration d’un ancêtre. Un Nietzsche dyonisiaque, celui qui parlait avec Zarathoustra, qui possède comme potentiellement tous les hommes l’immédiateté dyonisiaque. Ce Nietzsche auquel Jung va s’intéresser en lui consacrant plusieurs séminaires. Jung a aussi écrit sous une « dictée de voix », son livre Les sept sermons aux morts, mais il a masqué son ancien Philemon ; il a masqué ses voix… Il analysera le Zarathoustra de Nietzsche comme une série de visions.
Ce film a été présenté à Toulouse le 15 décembre 2018, dans une journée marquée par les manifestions violentes des Gilets jaunes, dans un climat d’insurrection. Il a été accompagné d’un débat dans lequel je participais, accompagnée d’Emmanuel Brassat, chercheur et Professeur de Philosophie, membre de Dimension de la psychanalyse.
Ce film de Michel Boccara a le mérite d’explorer sans tabou ces zones mythiques, limites du rationnel, au fondement de la pensée de Nietzsche, dans un « ça parle » qui se rapproche de la théorie du ça, comme il l’écrit dans Le gai savoir.
Monique Lauret
Le DVD du film est accessible sur commande à michel.boccara1@orange.fr
Tarif : 30 euros pour les deux dvd (le film de 2h 18 + des bonus) et 20 euros un seul
P.L Assoun, Freud et Nietzsche, Puf, 1992.