Pourquoi le travail est devenu souffrance
GERARD HADDAD, agronome de formation, devient psychanalyste dans les années 1970, après avsir rencontré Jacques Lacan. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Le Jour où Lacan m'a adopté (Livre de Poche, 2004), Le Péché originel de la psychanalyse (Seuil, 2007), et Lumière des astres éteints (Grasset, 2011).

TRIPALIUM
Pourquoi notre rapport au travail est-il marqué par la souffrance, comme en témoigne Pétymologie du mot «tripalium», terme latin désignant un instrument de torture ? Et pourquoi certains peuples refusent-ils le progrès technique, s'enfermant dans le sous-développement? Telles sont les questions que se pose Gérard Haddad, agronome en Casamance, au Sénégal, dans les années 1960.
Il a alors l'intuition de subdiviser les opérations de travail agricole en unités minimales. Apparaissent ainsi trois, et seulement trois, structures élémentaires du travail. Puis il découvre que ces trois structures ressemblent étrangement à celles définies par Freud dans le travail du rêve. Ce qui établit un pont entre activités corporelles et activités psychiques.
Le problème s'éclaire d'une lumière nouvelle: en rejetant le progrès, les Africains casamançais refusaient d'abandonner leur mode de travail, sacré à leurs yeux, car il les liait à la terre de leurs aïeux. À la fois structurelle et psychanalytique, cette analyse nous livre une clé majeure, inexplorée, pour comprendre la souffrance que l'homme moderne ressent devant les tâches toujours plus technicisées qui sont les siennes.

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"Encore un bon petit livre de Gérard Haddad : "Tripalium".

A partir de son expèrience d'ingénieur agronome en Afrique dans les années 60 - avant son analyse avec Lacan et la reprise de ses études de médecine-psychiatrie -, le psychanalyste Gérard Haddad fait une analyse très fine de la moderne "souffrance au travail".

"Tripalium", "torture" en latin, est l'étymologie du mot "travail".

L'éloignement toujours pus grand de l'être humain avec la terre - le "labour" -, les élèments, et la dislocations des liens familiaux et sociaux, a fait que le sens autrefois noble et sacré du travail (lié aux pulsions orales et sexuelles), s'est éffrité, faisant souvent place à la perte de sens et l'insatisfaction profonde des humains dans leurs activités professionnelles.

Le monde du "tertiaire" (ah, les "bureaux !") et sa froide éfficacité technologique, technocratique, pourtant si "rationnel" en apparence, fait des ravages sur les psychismes humains.

Haddad se souvient aussi d'un spectacle de Peter Brook sur les Iks dans les années 70, ce peuple rendu fou de cruauté sur ses propre membres parce que le "progrès" l'avait obligé après la Seconde Guerre mondiale à passer de sa raison d'être de "chasseur" à des travaux plus agricoles (les circonstances de cette mutation d'activité inattendue sont bien expliquées dans le texte).

L'évocation des camps de concentration nazis est aussi présente ("Arbeit...") : cruauté de l'homme sur l'homme, perte de dignité, etc..., sous l'égide absurde du fronton célèbre d'Auschwitz : "Le travail rend libre"...!

Ce livre fait écho indirectement pour le lecteur à tous les drames humains vécus récemment en France, sur des lieux de travail célèbres : Orange bien sur, mais aussi les administrations, la santé, etc...

Bonne et utile lecture !"
Nathalie Cappe