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Substances de l' imaginaire

de George-Henri Melenotte

Témoin d'une pratique qu'il est courant d'appeler désormais « toxicomanie », un vocable médical
qui contribue à la stigmatiser, George-Henri Melenotte a entrepris d'interroger méthodiquement les idées
reçues au sujet de la drogue et, corrélativement, d'explorer à nouveaux frais la catégorie de l'imaginaire,
aujourd'hui fort peu prisée : lieu de l'illusion, de la facticité, de la tromperie qui, dit-on, égare le sujet en
quête de vérité. Au point que d'aucuns, chantres apocalyptiques de la postmodernité, prédisent que
l' impact direct de l'image, sans biais symbolique, participerait à l' engendrement de la violence : l'image
nue dicterait au monde sa modalité brute, signe d'émergence d'une nouvelle subjectivité, privée de la
prérogative kantienne d'exercer la raison critique, mais aussi de l'embarras dû au symptôme (freudien).
Selon ce point de vue sociologique, l'imaginaire se ramènerait sommairement à l'image. Il est donc
nécessaire de l'examiner de plus près.

Privilégiant le point de vue de l'usager du plaisir, George-Henri Melenotte s'attache au
bouleversement que fait connaître la pratique de la drogue à celui qui s'y adonne, et qui porte sur
l'expérience de l'image du corps propre, et principalement sa fluctuation : Substances de l'imaginaire
fait valoir la très grande diversité des formes de subjectivation qui se construisent à chaque fois que l'on
pratique la drogue. Il s'appuie sur les expériences et le travail de Henri Michaux, Michel Foucault et
Joël-Péter Witkin.

Dans la deuxième partie de Substances de l'imaginaire, l'analyse de ces fluctuations de l'image se
poursuit et s'élargit avec Lacan et son élaboration de l'image spéculaire, rendue instable par
l'introduction de l'objet a. L'étude lacanienne de l'imaginaire prend ici place pour éclairer l'usage que
Lacan en a fait. Une modalité jusque-là négligée de l'image est alors prise en considération: son
étrangeté. Ce n'est pas un nouvel imaginaire que Lacan découvre ainsi mais l'un de ses nouveaux modes,
qui intègre l'angoisse dans le rapport au semblable.

Dans quel état se trouve l'image du corps propre dès lors que s'y manifeste l'objet a ? Lacan
présente trois modalités de cette nouvelle configuration : révélation, transformation et mue. Ainsi, après
l'invention de l'objet a, deux qualités de l'image disparaissent de l'horizon : la fixité et l' Urbild qui
donne à l'image sa valeur d'archive.

Le livre s'achève en s'ouvrant sur deux questions laissées en suspens : celle de la belle image d'où
peut surgir inopinément son envers, l'horreur, et celle de la persistance, dans la psychanalyse, de la
cocaïne, en dépit de son abandon par Freud, au moment même où il invente la psychanalyse.