homosexuelle chez freud lesbienne dans le siècle

Traducteurs:

INES RIEDER ET DIANA VOIGT

Traduit de l'allemand par Thomas Gindele
Ce que vous n'avez pas lu dans le compte-rendu de Freud : échantillon.
' L'année précédente, il s'était passé quelque chose de terriblement humiliant pour elle. Elle accompagnât sa mère à l'une de ses nombreuses cures, cette fois-ci au Semmering. [...] Le père était resté à Vienne, à cause de son travail. Lors de ces cures, la femme angoissée et misanthrope qu'est sa mère se transforme en véritable vamp. Elle flirte, fait la coquette au point que sa fille meurt de honte et de dégoût. Les messieurs lui toument autour, tels des mites autour de la lumière. Ce que sa mère fait avec eux, elle ne tient pas à le savoir. En tout cas, elle soupe, dîne et se promène avec ses admirateurs, comme si elle n'était pas mariée. Et voilà qu'un jour elle dit à un monsieur qui trouvait Sidonie jolie et bien élevée, qui voulait faire un compliment à la mère sur cette fille si réussie, que ce n'était pas son enfant, mais celle d'une connaissance. Elle l'avait tout simplement reniée, pour avoir l'air plus jeune, pour dévier l'intérêt que cet homme portait à Sidonie. La douleur de Sidi en fut si grande qu'elle courut en plewant dans sa chambre, passant les jours suivants seule dans la forêt, juste pour ne pas voir cette horrible femme manifester sa haine contre tout ce qui est féminin. Chaque femme lui est une concurrente et une adversaire, même sa propre fille.
Circonstances. Ce 9 juin 2001, on célèbre, à Vienne, le centenaire
de la naissance de Jacques Lacan Thème choisi: le passage à l'acte (ce concept lui est dû). On m'invite à intervenir. Il se trouve que je suis en train d'étudier les différentes versions du passage à l'acte de ladite « jeune homosexuelle » que Lacan construit à plusieurs années d'intervalle. L'ultime, en 1963, lui sert d'appui pour une reformulation du sens du « retour à Freud », mot d'ordre lancé à Vienne en 1955. Un demi-siècle plus tard, en ce même lieu, l'occasion m'était ainsi donnée d'aller dire qu'il s'agissait, depuis 1963, d'un « retour à... ce qui manque à Freud ».
Prenant la parole après mon exposé, le professeur August Ruhs, qui présidait la séance, annonça, pour la toute première fois publiquement, qu'il avait rencontré la « jeune homosexuelle » de Freud, devenue, depuis, une très vieille dame. Il croyait aussi savoir que deux lesbiennes s'étaient longuement entretenues avec elle, peu avant sa mort, et avaient rapporté ses propos sous la forme d'un récit de sa vie, celle d'une lesbienne tout au long du xx~ siècle. Leur livre était récemment paru.
Ines Rieder et Diana Voigt ont proposé aux membres viennois de l'International Psychoanalytic Association de venir leur en parler : refus catégorique des deux Sociétés. Par cécité sur « ce qui manque à Freud » ?
Alors que pratiquement tous les cas publiés par Freud, ont fait l'objet de recherches historiques ces vingt dernières années, la « jeune homosexuelle », a été tenue à l'écart des investigations.
La voici donc qui, post mortem, prend la parole, dit sa version de sa rencontre avec Freud, mais aussi sa vie mouvementée (scandale de son amour viennois d'une
prostituée nobiliaire,juive exposée au national socialisme avant de connaître un exil bientôt désargenté).
Bien des questions, laissées sans réponse par le texte de Freud, se trouvent là résolues.
Et Freud démenti, sur certains points (dont le récit lui-même du passage à l'acte). Les lectures de Lacan et d'autres exégètes en sont-elles affectées ? Qu'on en juge, sur pièces.
Jean Allouch

Sidonie Csillag, homosexuelle chez Freud, lesbienne dans le siècle
D’Inès Rieder & Diana Voigt
EPEL 2003
Traduit de l’allemand (Heimliches Begehren. Die Geschichte der Sidonie C. Eine verbotene Liebe in Wien) par Thomas Gindele
Préface de Jean Allouch

Ines Rieder et Diana Voigt ont, après l’avoir rencontrée, écrit la biographie de ladite “ jeune homosexuelle ” de Freud (Cf. “ Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine ” (1920) in : Sigmund Freud, Névrose, psychose et perversion, PUF, 1999).

Dans son essai, Freud parle d’une de ses patiente âgée de 18 ans. Ses parents l’ont amenée en consultation pour “ la tendresse avec laquelle elle poursuit une dame du monde ” plus âgée qu’elle, ils lui demandent de la ramener “ dans la norme ”. Après avoir constaté que l’homosexualité féminine a été négligée par la psychanalyse, Freud observe le père et la mère de la jeune fille, il ne leur laisse aucun espoir sur l’accomplissement de leur désir. Après quelques mois d’observation, puis d’analyse, il constate que sa patiente “ n’est pas une malade ”, qu’ “ elle ne se plaint pas de son état ”, il mène alors une réflexion sur les mécanismes psychiques qui l’ont conduite à sa décision dans le choix d’objet.

C’est donc après avoir rencontré la patiente de Freud, devenue une vieille dame, que nos deux auteures écrivent cette biographie. Les amourres de celle qu’elles nomment “ Sidonie Csillag ” — dont sa longue liaison avec la Baronne Léonie von Puttkamer — sont superbement brossées et ce, dans le contexte politique autrichien et européen de l’époque : le national-socialisme.
Suivre la vie quotidienne (de 1917 à 1999) de Sidonie Csillag au fil de ses relations amoureuses ; suivre les péripéties de son émigration vers Cuba via Berlin, Königsberg, Moscou, la Sibérie et l’Océan Pacifique ; suivre sa nouvelle vie et ses flirts à La Havane ; suivre son retour en Europe en 1949 et les retrouvailles avec toutes ses amies — ou presque ; suivre sa dernière liaison, son troisième grand amour — elle a 70 ans — avec Monique qui en a 50, a de quoi tenir le lecteur en haleine au long de ces 400 pages.

Ce livre ne fait pas une relecture psychanalytique du “ cas ” étudié par Freud, il est à la fois le journal intime de “ Sido ” — par exemple la version qu’elle donne de sa rencontre avec le psychanalyste viennois — et son album de voyages.

Inès Rieder, née en 1954 à Vienne, est traductrice, journaliste indépendante et écrivain.
Diana Voigt, née en 1960 à Vienne, où elle fonde sa propre agence littéraire, est coéditrice et coauteure de plusieurs publications.

D’autres analyses de “ Sidonie Csillag ” sur :
http://www.oedipe.org/fr/freefind?query=La+jeune+homosexuelle

Michèle Jung
Le 19-01-04

une rencontre se tiendra en présence d'Inès Rider le mercredi 28 février à l'Atrium Magne 12, rue Charlot 75003 Paris à l'initiative des éditions EPEL