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Résister à la servitude
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La question que posait Étienne de La Boétie dans son
Discours de la servitude volontaire est plus que jamais d'ac-
tualité : « Pourquoi les hommes libres deviennent-ils escla-
ves ? Pourquoi le grand nombre est-il soumis au petit nom-
bre ? Pourquoi le pouvoir de l'Un est-il plus grand que ceux
des uns ? ».
De nos jours, le capitalisme a décloisonné les frontières et
les cultures pour faire du monde un vaste marché, inaugu-
rant une servitude inédite, car désirée, espérée, attendue.
Un nouveau mal guette l'homme : celui de ne voir son ave-
nir que dans ce qui est calculé, contrôlé, pesé, mesuré, évalué,
calibré, répertorié, assigné à des pratiques homogénéisantes,
livré à des machines neuronales, cognitives, économiques
qui prétendent le définir et le déterminer pour le réduire en
fin de compte à un homme quelconque, sans qualités.
Résister à la servitude, c'est reconnaître que l'homme est
incommensurable, qu'il ne peut être ni évalué, ni chiffré,
ni défini, ni adapté, pas plus qu'il ne peut être rendu à lui-
même en le réduisant aux lois de la biologie, de l'économie
de marché et de la démocratie d'opinion. La résistance est
un esprit de dissidence, de dissonance au regard des discours
dominants. Résister veut dire immédiatement, sans délai,
rouvrir chaque lutte possible pour un monde à venir, parce
que l'inaccomplissement de l'homme est essentiel au monde,
c'est cela qui constitue son à-venir ; 1 oublier c'est accepter
d'être déterminé par toutes les lois qui restreignent sa liberté
et son désir, qui pérennisent les servitudes.