Détresse collective, expérience individuelle
Psychanalyse et vie quotidienne. Détresse collective, expérience individuelle

Sous la direction de:

 
 

Psychanalyse et vie covidienne

Détresse collective, expérience individuelle

Sous la direction d'Ana de Staal & Howard Levine

Avec les contributions de Christopher Bollas, Patricia Cardoso de Mello, Bernard Chervet, Joshua Durban,
Antonino Ferro, Serge Frisch, Steven Jaron, Daniel Kupermann, Howard Levine, François Lévy, Riccardo Lombardi,

Michael Rustin, Elias et Alberto Rocha Barros, Ana de Staal, Jean-Jacques Tyszler

Parution le 19/02/2021

153 x 220, 284 p.

ISBN 978-2-490350-16-2

25 €

Réunissant une quinzaine de contributions de psychanalystes de nombreux pays et différents courants, Psychanalyse et vie covidienne propose une première approche de la façon dont la pandémie de Covid-19 pourrait infléchir la pratique psychanalytique.
Des changements imposés au cadre (séances en ligne), jusqu’à la prise en compte du trauma de l’isolement et du

bouleversement de notre l’ancrage social (exigé par le confinement et les gestes de protection sanitaire), en passant par l’ébranlement de notre déni «ordinaire» de la mortalité (« cela n’arrive qu’aux autres »), ce livre explore ce que la pandémie peut nous apprendre sur la façon de comprendre et de traiter individuellement la détresse collective.
Il met nos outils psychanalytiques à

l’épreuve des profonds changements psychosociaux et environnementaux que le XXIe siècle nous réserve.

Ce livre est publié simultanément en français, en anglais et en portugais ; voir, pour les éditions étrangères :

Phoenix Publishing House, Oxford, RU, et Editora Blucher, São Paulo, Br.

 

NICOLE FARGES

 

NOTE LE LECTURE

PSYCHANALYSE ET VIE COVIDIENNE

 

 

L’idée de cet ouvrage, Psychanalyse et vie covidienne, a germé en Avril 2020, en plein confinement, chez deux analystes, Ana de Staal et Howard B. Levine. Face à la propagation du virus, ils ont proposé à une quinzaine d’analystes de témoigner des effets de la pandémie sur leur pratique analytique. Il s’agissait de se confronter aux questions essentielles de l’argument : quelle est la capacité de « résilience » de la psychanalyse ? Les fondements du cadre peuvent -il être transposés ?

Si le virus n’a que faire des frontières, des systèmes politiques, des conditions sociales, la réponse des auteurs, dans une belle métaphore, a été de s’affranchir des barrières linguistiques et des chapelles théoriques pour proposer une réflexion ouverte, de portée universelle, sur ce qu’est pour nous la psychanalyse au temps de la Covid et au-delà. Plus précisément, sur l’ancrage de la psychanalyse dans la vie quotidienne. D’où ce beau titre condensé : la vie covidienne.

Chaque auteur s’est adapté à la contrainte pour apporter sa contribution singulière selon la diversité des lieux, des populations, des pathologies, des situations politiques et sociétales.

De façon attendue, la question du cadre est au premier plan avec le passage du divan/fauteuil à ce qu’on a nommé la psychanalyse à distance (téléphone ou visio). Et le texte de Bleger « psychanalyse du cadre analytique » est une référence qui traverse l’ensemble des textes.

Mais la réflexion des auteurs a largement débordé la question du cadre pour aborder les liens de la situation sociale et politique avec la gestion de la pandémie, ses effets d’ouverture et de remise en chantier au niveau théorique et clinique questionnant l’avenir de la psychanalyse.  

L’ouvrage se décline en cinq parties. Il s’agira d’en dégager les grands axes de réflexion.

La première partie concerne l’arrière-plan : les deux auteurs analysent le contexte social, politique dans lequel surgit la pandémie. Christopher Bollas établit une analogie entre virus biologique et virus social par exemple aux USA. La folie présidentielle attaque la perception de la réalité et favorise indirectement la propagation du virus.

Michaël Rustin se réfère au modèle de Trotski, « la théorie du développement inégal et combiné » pour éclairer la situation actuelle : la coexistence d’un secteur très moderne, développé, avec une société sous-développée, à l’arrêt. Ce développement inégal révèle une vulnérabilité des populations en lien avec les capacités des systèmes sociaux à les contenir.

La deuxième partie a pour axe principal la dimension traumatique de l’onde de choc Covid. Bernard Chervet analyse les effets psychiques de la pandémie à partir du « bris du déni » antérieur portant sur l’existence des grandes épidémies. Cette dimension traumatique sollicite un recours aux défenses anti-traumatiques comme le recours à la perception sensorielle et la recherche de causalité,

Alberto Rocha Barros et Elias Rocha Barros repèrent les résonnances symboliques en lien avec des fantasmes spécifiques. Ils mettent aussi l’accent sur le potentiel traumatique de cette expérience qui les amène à revisiter le concept de traumatisme.

Enfin Daniel Kuperman envisage la catastrophe pandémique comme un événement traumatisant mais également structurant au niveau de nouvelles modalités de jouissance de la vie. Il se réfère à son pays, le Brésil pour y épingler les négationnismes en place avec le gouvernement Bolsonaro qui a des effets sur les comportements non adaptés des citoyens par rapport au virus.

La troisième partie, au cœur de l’ouvrage, aborde la question du cadre évidemment centrale. Pour Antonino Ferro, le travail à distance constitue par sa généralisation rien moins qu’une révolution. La psychanalyse résistante au changement rejoint ainsi « le monde moderne ». Ce texte est une réflexion sur l’élasticité et l’invariance du cadre, plaidoyer pour une liberté ouverte par la pandémie.

Ana de Staal, à l’origine de ce livre avec Howard Lévine, nous propose une réflexion sur le cadre à partir de sa problématisation actuelle (Roussillon, Urribarri, Ferro) autour du fonctionnement mental du patient état-limite, en particulier. La pandémie sert de « révélateur » à ces changements quant à l’analysabilité.

Enfin, Serge Frisch ose une question originale autour des effets de la pandémie sur les sociétés de psychanalyse. Celles-ci ont perdu leur fonction contenante, ce qui a généré l’exarcerbation des conflits antérieurs. Il préconise de prendre soin de nos sociétés.

La quatrième partie aborde les changements dans les pratiques. Riccardo Lombardi nous parle du contre-transfert angoissé de l’analyste et de la perte de l’asymétrie des positions. L’immuabilité du cadre temporel constitue un facteur contenant.

François Lévy pose la question des patients qui ont refusé le travail à distance, ce qui met en évidence une problématique au niveau des liens à l’objet. Ce refus peut générer une atteinte narcissique et un désinvestissement côté analyste.

Enfin Jean-Jacques Tyszler décrit un travail original avec des enfants de migrants pour lesquels existe un déficit du fantasme lié au traumatique. Il s’agit alors de restaurer un imaginaire narratif.

La dernière partie nous présente de très beaux journaux cliniques avec des patients en convalescence de covid (Steven Jaron) ; avec une petite fille autiste de 3 ans (Patricia Cardoro De Mello) ; avec des enfants confrontés à des angoisses osmotiques diffuses (Joshua Durban).

Howard B. Lévine propose une conclusion sous forme d’ouverture sur une réflexion à venir. Beaucoup de patients ont développé une névrose actuelle traumatique. C’est l’intériorisation antérieure de la fonction analytique qui permet de maintenir, à distance, une efficacité thérapeutique.

En conclusion, ces textes témoignent de la créativité, de l’originalité des analystes très engagés pour défendre la psychanalyste du XXI ème siècle. La covid est un défi à relever pour repenser nos concepts et repérer dans l’urgence et dans l’après-coup ce à quoi on tient en psychanalyse et ce qui nous relie par-delà les frontières.