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Préhistoires de famille
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Il est fascinant de constater la réapparition dans le psychisme, de traits et de figures venues des grands parents, vecteurs d’une tradition héritée du passé. Cette transmission, à travers les générations, a suscité de nombreuses publications. Alain de Mijolla s’insurge contre les conceptions quelque peu magiques qui veulent qu’une influence « transgénérationnelle », directement « d’inconscient à inconscient », se voit généralement privilégiée. Il montre comment les voies de la transmission intergénérationnelle peuvent se montrer moins impénétrables qu’il y paraît à qui est animé de la pulsion de recherche, et l’enrichissement que trouve la clinique psychanalytique à en déceler les moyens et les détours.
Préhistoires de famille illustre une psychanalyse vivante, animée, profonde, où la théorie, tient, sans emphase, la place qui doit lui revenir : issue de la réflexion clinique pour éclairer la pratique psychanalytique de tous les jours.
Psychanalyse
Jamais sans famille
Les déterminismes familiaux viennent de loin. Le psychanalyste Alain de Mijolla explore le mystère des origines.
Par DE PARCEVAL Geneviève DELAISI
jeudi 26 août 2004 "Liberation"
Alain de Mijolla
Préhistoire de familles
PUF, «Le fil rouge», 238 pp., 30 €.
Le docteur Alain de Mijolla est bien connu du grand public depuis le succès du monumental Dictionnaire international de la psychanalyse (Calmann-Lévy, 2002), qu'il a dirigé. Mais c'est à partir d'un autre livre, un classique lui aussi, les Visiteurs du moi, fantasmes d'identification, paru aux Belles Lettres en 1981, qu'est tiré le fil rouge qui sous-tend l'ouvrage actuel. C'est dans les Visiteurs que l'auteur était parti sur les traces du secret du poète Arthur Rimbaud, en l'espèce son «fantasme d'identification inconscient» à son capitaine de père, déserteur (lui aussi...) du foyer conjugal lorsque l'enfant avait six ans.
Préhistoire de familles reprend les questions liées aux secrets, au roman familial et à la place des grands-parents dans la transmission intergénérationnelle, d'une manière à la fois synthétique et en même temps très proche, presque familière. C'est un authentique livre de psychanalyste, tant il est vrai qu'est pertinente la distinction faite entre les livres de psychanalyse (manuels ou essais qui peuvent être d'une grande qualité didactique) et les livres «de psychanalystes», imprégnés, eux, d'une expérience personnelle intime et liés à quelque moment de l'autoanalyse de leurs auteurs. Le propos de cet ouvrage concerne ainsi tout un chacun pour peu qu'il se pose l'éternelle question du «qui suis-je ?», que Mijolla reprend et complète en l'enrichissant d'un «de qui et de quoi suis-je fait ?». Démarche qui l'amène à définir de manière précise la notion d'«histoire psychique» du sujet, en même temps que celle de «préhistoire».
Tout commence donc, chez le bébé humain, au moment de l'annonce faite (à la mère et/ou au père) de la grossesse dont il sera issu. L'archange Gabriel ne s'y était d'ailleurs pas trompé (même s'il est maintenant assisté par un test acheté en pharmacie ou une échographie) ! Alors, écrit Mijolla : «Tout, absolument tout ce qui s'est passé, dans le réel ou dans le fantasme des deux parents avant cette connaissance consciente, ou plutôt avant son expression verbalisée (...) me semble relever de la préhistoire psychique du bébé en gestation.» Le psychanalyste plaide pour que chaque être humain ait «droit à sa préhistoire» sans laquelle il ne lui semble pas que le sentiment d'identité du sujet puisse véritablement s'épanouir et s'affermir. Dans le contexte français actuel qui institue et verrouille légalement un certain nombre de secrets de filiation (dans la loi sur l'accouchement anonyme par exemple, ainsi que dans les lois de bioéthique qui rendent définitivement forclose l'identité des donneurs de gamètes et d'embryons), il est courageux d'écrire les lignes suivantes : «Nous sommes rivés, dès qu'un ovule et un spermatozoïde ont décidé qu'ils pourraient faire un peu de chemin ensemble» à cette chaîne généalogique à propos de laquelle Freud écrivait dans «Pour introduire le narcissisme» (1914) : «L'individu est le maillon d'une chaîne à laquelle il est assujetti contre sa volonté ou du moins sans l'intervention de celle-ci.»
Le lecteur psychanalyste (ne peut-on pas également distinguer le lecteur de psychanalyse du lecteur psychanalyste...) comprendra mieux à la lecture de cet ouvrage un des clivages qui divisent depuis quelques décennies le milieu analytique autour de la notion épineuse du «transgénérationnel» versus celle de l'«intergénérationnel». Deux théories s'affrontent en effet sur cette question : on trouve les tenants de la théorie du «fantôme» (les travaux des psychanalystes Nicholas Abraham et Maria Torok ont donné un immense retentissement à ce concept depuis leur livre l'Ecorce et le noyau, paru en 1978) qui pensent possible une transmission de secrets et de fantasmes d'inconscient à inconscient en télescopant parfois la génération intermédiaire ; d'autres (à commencer par Mijolla) récusent le côté trop «magique» du fantôme et penchent pour une transmission des fantasmes d'identification (les «visiteurs du moi») de «préconscient» à «préconscient» via un tiers vivant (un grand-parent le plus souvent) au terme de processus d'échanges qui relèvent de l' «intergénérationnel», voire de l'«intragénérationnel».
Les deux écoles ne peuvent en tout cas que s'accorder sur la notion de «préhistoire» d'un individu, définie par Mijolla comme «tout ce qui relève du mystère de ses origines : histoire réelle et fantasmatique de sa conception, tout cet "avant" qui accompagne les premiers temps de son existence cellulaire et psychique et qui va trouver une expression fantasmatique dans ses théories sexuelles infantiles». Mais l'identité d'un sujet se nourrit aussi de l'histoire des générations passées transmise aux enfants autant par le récit d'événements réels ou imaginaires que par les mensonges et les dissimulations sur les moments plus ou moins honteux des sagas familiales savamment reconstituées ou tout aussi savamment déconstruites. Ce point de vue strictement freudien n'est pas sans rejoindre le concept d'«identité narrative» cher à Ricoeur qui définit l'identité par la capacité qu'un sujet peut avoir de mettre en intrigue son passé, de traduire son histoire sous forme de récit.