JEAN-CLAUDE ROLLAND

Hamlet : J'aurais mieux aimé rencontrer mon pire ennemi
au Ciel, Horatio, que de vivre un pareil jour...
Mon père ! il me semble que je vois mon père.

Horatio : Où, monseigneur?
Hamlet : Avec les yeux de l'âme, Horatio.

Le discours de la tragédie est précieux pour comprendre
le destin auquel la cure analytique contraint la parole de
l'analysant. Celui-ci parle d'abord « de quelque chose » puis,
comme la fée de Cendrillon fait d'un potiron et de quatre
rats un carrosse et un attelage, le transfert détourne sa
parole de cette fonction référentielle, la transforme en un
chemin ou en un «véhicule» (ainsi que le shivaïsme désigne
la monture sacrée permettant aux dieux de commercer avec
les vivants), un chemin qui le conduit sur des terres psychiques inconnues de lui, lui fait rencontrer des images : certaines viennent d'un passé si lointain, si effacé du souvenir
qu'elles ne lui sont nullement familières ; d'autres sont d'une
époque plus récente et heureuse. Certaines relèvent du fantastique; d'autres de la banalité- Certaines sont marquées
d'effroi ou de douleur ; d'autres revêtent l'habit déceptif des
objets aimés quoique perdus.

Jean-Claude Rolland, membre de /'Association psychanalytique de France, exerce la psychanalyse à Lyon. Il a
publie dans la même collection Guérir du mal d'aimer et
Avant d'être celui qui parle. Il codirige les Libres cahiers
pour la psychanalyse (In Press).