Le transfert doit être deviné

Freud nous confie cette phrase énigmatique et surpre-
nante-.«L'interprétation des rêves, l'extraction d'idées et
de souvenirs inconscients des associations du patient
ainsi que les autres procédés de traduction sont faciles à
apprendre ; c'est le patient lui-même qui en donne toujours
le texte. Mais le transfert, par contre, doit être deviné. »
Cette injonction : le transfert doit être deviné, est loin d'être
fortuite puisqu'une vingtaine d'années plus tard, alors qu'il a
apporté d'importants remaniements à sa théorie, Freud main-
tient : « Le transfert, destiné à être le plus grand obstacle à la
psychanalyse, devient son plus puissant auxiliaire, si l'on réussit
à le deviner chaque fois et à en traduire le sens au patient ».
Ce deviner, récurrent et délibérément choisi par Freud, est suffi-
samment intrigant pour que l'on s'en saisisse.
Catherine Muller, psychana/ysre formée auprès de Jacques Lacan,
ne se dérobe pas devant ce mot inattendu, en retrait du champ
conceptuel. Elle restitue la passion de Freud pour l'énigme et ses
déchiffrages tout en réactivant les liens qu'il entretenait avec l'Anti-
quité. Par sa lecture de cet erraten (deviner) freudien, et des autres
termes qu'il convoque dans son sillage, l'auteur nous fait prendre la
mesure de la base étroite et vertigineuse sur laquelle s'est édifiée la
rationalité psychanalytique qui allie la rigueur scientifique à l'univers
poétique et mythique.