entre corps et chair
les grands classiques de l'érotologie moderne

La performance sadomasochiste Entre corps et chair
Traduction de l'américain par Annie Lévy-Leneveu
La performance du sadomasochisme, Entre corps et chair est une tentative de situer la pratique du sadomasochisme au sein des communautés lesbiennes. Il s'agit aussi, pour l'auteure personnellement, de se situer elle-même, dans son rapport au sexe, au pouvoir, à la mort, selon la voie de cette pratique S/M qui ne lui est pas (« pas toujours ») extérieure. Lynda Hart présente et étudie les fondements théoriques qui amènent la lesbienne S/M dans la position d'être une figure extrême de l'altérité, subissant l'opprobre de tous ceux que domine une pensée patriarcale et une pastorale romantique. Cette pensée va jusqu'à imprégner les courants dominants du féminisme (lesbiennes« vanille »).
S'appuyant sur de nombreuses notations concrètes concemant les avatars de la visibilité S/M, axant son intérêt sur la volonté de savoir ce qui en produit la haine ou, du moins, la peur et le rejet, Lynda Hart engage son travail par la question du statut du fantasme. Elle rapproche le texte d'Anna Freud sur les rêveries d'une jeune fille ayant des fantasmes de fustigation et les romans à l'eau de rose.
Prenant aussi l'exemple d'une nouvelle de Dorothy Allison dans laquelle la jeune héroïne se soutient de fantasmes sadomasochistes au fur et à mesure que la violence de son beau-père et l'abus sexuel se font plus impossibles, elle interroge la nature même du fantasme. Freud n'a-t-il pas produit son étude princeps sur le fantasme dans un texte intitulé « Un enfant est battu ? ».
Diverses questions sont ainsi déployées : qu'est-ce que l'identité ? Qu'est-ce qu'un sujet ?
Qu'est-ce qu'une identification sexuelle ? Qu'est-ce que le « réel » de Lacan ? Une femme, identifiée femme, peut-elle agir des fantasmes sadomasochistes '? Quel est le statut du corps Il Un godemiché estil un fétiche ? une prothèse ?
Lynda Hart consacre son quatrième chapitre aux performances S/M, en particulier à celles de Bob Flanagan, qui subvertit son destin de malade de la mucoviscidose dans ses performances.

Confronter scène sadomasochiste et scène théâtrale pose, à nouveaux frais, la question de la représentation. S'appuyant sur Fredric Jameson, elle conclut sur l'impossibilité d'évacuer la « mort » comme référent à la limite, donnant ainsi au temps présent, celui de la performance, une acuité particulière.
S'agissant de la cure psychanalytique de femmes traumatisées par l'abus sexuel ou l'inceste, elle récuse la pratique modélisée du « tout dire », la visée d'un discours plein, sans trous. Se trouve ainsi interrogée la notion de témoin, les conditions d'exercice et, après la Shoah, le statut de « vérité » du témoignage.
Les notions de témoin interne et de témoin extérieur participent de la conscience d'ellesmêmes et d'autrui que peuvent acquérir certaines femmes, en adoptant une mise en scène de leurs fantasmes dans des jeux de pouvoir avec d'autres femmes engagées dans cette même performance sadomasochiste.
Le livre s'ouvre sur un étrange témoignage, une expérience personnelle où Lynda Hart met en acte ses propres rapports aux catégories faussement binaires de l'extérieur et de l'intérieur, du sujet et de l'altérité.