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"Je l'ai tué dit-elle, c'est mon père"
Traducteurs:
Acheter ce livre
Diego Nin, Raquel Capurro
« Je l'ai tué, dit-elle, c'est mon père »
Avec un envoi de Christine Angot
EpeL juin 2005.
352 pages, 12 illustrations.
Documents traduits de l'espagnol (Uruguay) par
Françoise Ben Kemoun.
Préface et postface des auteurs traduites par Martine
Barbé
I
Prix : 39 euros
Montevideo (Uruguay), été 1935. Un fait divers secoue la ville : une jeune fille, étudiante, future institutrice, tue son père d'un
coup de revolver. Elle a presque 22 ans. Iris Cabezudo est l'aînée de cinq enfants d'une famille bien établie dans le pays après
l'immigration de ses grands parents.
Ce parricide est le point de départ d'une histoire complexe et passionnante dont il est possible de suivre le déroulement à
travers les documents qui composent cet ouvrage. Publié pour la première fois en 1995 (Uruguay), réédité en 1997, le voici
traduit en français.
Articles de presse, jugements, expertises médicales, textes biographiques dont la qualité littéraire a d'emblée été reconnue,recueil de témoignages, etc., composent un ensemble rare par sa diversité. Les auteurs ont choisi de présenter la quasi-totalité
des documents, notamment les déclarations devant le juge, une version écrite par la mère décrivant ses « vingt-deux ans de
mariage », les récits d'Iris elle-même...
Mis en présence de la multiplicité des points de vue offerts par les principaux protagonistes, chacun pourra ainsi mener sa
propre enquête.
La famille Cabezudo
La famille d'Iris faisait partie de la classe moyenne d'un pays alors prospère. La mère, institutrice, très fière de son métier, l'abandonna néanmoins au moment de son mariage. Mais peut-être était-ce pour mieux l'exercer au sein de sa famille, qui devint ainsi le lieu d'une mise en œuvre de ses idéaux dont enfants et mari allaient faire les frais.
Le père, géomètre, farouche adversaire des médecins, membre d'une société de « théosophie et de vie naturelle », écrivit dans la revue de ce groupe plusieurs articles contre les pratiques médicales de l'époque. Il avait, quant à lui, une autre vision du
comportement de sa femme, relevant systématiquement les indices supposés de présences masculines en son absence. Une jalousie de plus en plus furieuse semblait l'habiter au moment de sa mort.
Sous les menaces de meurtre proférées par le père à rencontre de la mère, le climat familial était devenu irrespirable et inéluctable la décision d'Iris, qui cherchait à donner une « solution » à ce problème.
Le procès
Presse et justice accueillent d'emblée la version maternelle des événements que la jeune fille reproduit, ou presque, comme en écho : le père tyran menaçant et violent, la mère victime de cette violence dont les enfants étaient témoins. Expertises
psychiatriques à l'appui, le juge conclut à un non-lieu : Iris aurait tué sous la menace de la folie meurtrière de son père. Elle fut donc remise en liberté, après une année de prison, retourna dans sa famille et acheva ses études d'institutrice.
La vie continue
Iris découvre, surprise, que son acte n'a pas eu les effets escomptés. Bien loin d'avoir mis un terme à l'enfer familial, il l'a renforcé. La mère continue à multiplier des reproches sans fin à l'adresse du mort, à parler du père comme s'il était encore vivant. Iris découvre alors ce qu'elle nomme le « malentendu » entre elle et sa mère. Son adhésion première à la version maternelle des faits est remise en question. Elle avait mal compris puisque sa « solution » s'avérait inefficace, inutile. Elle commence à scruter la conduite de sa mère.
À l'hôpital
Sa nouvelle version des événements amène Iris, en décembre 1956, à prendre rendez-vous chez un psychiatre pour demander qu'on examine sa mère : elle la tient pour folle.
La réaction du psychiatre est immédiate. Diagnostiquée et hospitalisée comme paranoïaque. Iris doit maintenant se défendre, se battre toute seule, sans avocat, plus démunie face à l'ordre médical qu'après son crime. Désormais, elle s'explique par écrit.
Mais, aux yeux des psychiatres, ces pages ne peuvent véhiculer qu'un faux savoir.
L'année suivante, soit vingt-deux ans après le crime, la Revue de Psychiatrie d'Uruguay publie quelques pages d'Iris écrites à l'hôpital psychiatrique. Le médecin qui s'occupa du cas, se laissant gagner par la beauté de son style, les avait offertes à la
revue dans le cadre d'un travail sur la « Dangerosité des paranoïaques ».
L'enseignement
Mais voici qu'un autre aspect de la vie d'Iris s'éclaire ainsi : elle témoigne de ses difficultés d'institutrice, de ses désaccords avec les directrices d'école et les autorités de l'Éducation. À tel point qu'en 1956, elle est proche d'être mise à la retraite. Les
archives de l'Éducation livrent de nombreux textes à travers lesquels Iris donne son point de vue sur la fonction enseignante, le système d'enseignement, les dangers liés à l'intrusion des catholiques dans la laïcité de l'école uruguayenne, si chère à ses yeux.
Il est ainsi possible de découvrir de très pertinentes observations sur le métier d'enseignant, mais aussi de voir Iris tisser, comme une toile d'araignée, le réseau de ses persécuteurs.
Les auteurs du recueil se sont appliqués à rechercher les liens signifiants qui unissent le scénario familial au scénario
professionnel. Le psychiatre, lui, ne manque pas de les associer, mais de la pire façon, en autorisant Iris à sortir de l'hôpital
sous deux conditions ; quitter la maison paternelle et accepter sa mise à la retraite. La voici contrainte à couper ses racines, à
vivre sans le moindre appui.
Vagabonde
Vagabonde dans sa propre ville, à quarante-quatre ans. Iris n'a plus d'avenir. Logée parfois dans des pensions, elle les quitte pour échapper encore et toujours à ses persécuteurs.
Il a été possible de suivre les traces d'Iris jusqu'à sa mort en 1985, à 72 ans, grâce à quelques documents qui signalent ses brefs passages à l'hôpital psychiatrique, ou encore grâce au témoignage d'une ancienne institutrice qu'elle visitait parfois dans ses
dernières années. .
Les voisins de la vieille maison familiale, vide et délabrée au moment de la parution de cet ouvrage (Î995), ont raconté aux
auteurs les histoires du quartier concernant cette famille, et les dernières années de chacun de ses membres, tous décédés avant la mort d'Iris.
L'ouvrage
L'intérêt de ce livre tient d'abord à la richesse de sa documentation et aux nombreuses questions qu'il permet de poser. Quel
rapport peut-on établir entre le crime (qui lui fait dire à la police : « je l'ai tué, c'est mon père ») et ce délire par lequel elle
essaie vainement de s'expliquer, de résoudre une affaire familiale qui - dit-elle - « prend toujours de nouvelles formes que je
n'arrive pas à bien saisir mais qui me tiennent toujours dans l'angoisse » ?
Les auteurs s'appliquent à suivre les traces du rapport mère-fille et à renfermement d'Iris dans le discours maternel sous deux
formes successives : adhésion sans partage, puis refus forcené.