Connaissance de l'Inconscient

MICUEL DE AZAMBUJA

Et puis, un jour,
nous perdons pied

Voici le livre d'un psychanalyste qui ne prétend ni
renouveler la métapsychologie freudienne ni fabriquer
de nouveaux concepts. Son auteur a préféré nous inviter à
Raccompagner dans sa promenade incertaine. Avec lui
nous devenons des « détectives flâneurs ».

En cours de route, nous rencontrons Icare et le tableau
de Bruegel : Renvoi et la chute — c'est un des thèmes du
livre —, mais aussi des héros de VIliade comme Achille et
Hector, et, plus surprenant, des personnages de films, de
dessins animés, de récits de science-fiction, ou des écrivains
chers à l'auteur comme Cortâzar, Walter Benjamin, Sebald.

«Je pense à ceci», «Cela me fait penser à... » : la pensée
avance sur un mode associatif, non linéaire, et du coup
suscite chez le lecteur d'autres associations.

Freud n'est pas absent — ce qu'il nous a appris sur la
fonction de l'idéal, sur le deuil, la perte, la douleur — ni
les séances d'analyse quand le sol se fissure et semble trembler sous nos pieds.

La légèreté et la gravité peuvent aller de pair, souvenons-
nous de la démarche, proche de la danse, de Gradiva, pour
peu que le style de l'écrivain, à la fois délicat et ferme, soit
au rendez-vous.

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Miguel de Azambuja : « Et puis un jour, nous perdons pied » Paris Gallimard 2010 122p 13,90 Euros.

Il existe plusieurs catégories de promeneurs et de multiples façons de se promener, Solitaire ou a plusieurs, nocturne ou diurne, promenade amoureuse ou familiale chacune a son charme. Enclins a l’insomnie, certains choisissent de parcourir les rues endormies de la ville, a la recherche d’une issue a leur vie qu’il s’agisse de la perdre ou de la trouver. La marche peut être rapide et angoissée, confiner a l’errance ou être calme et paisible. Elle s’accompagne le plus souvent d’un mouvement de la pensée, dialogue intérieur qui peut évoquer l’association libre. Partir en promenade, fut-ce sur des chemins balises, c’est toujours partir a l’aventure, chercher plus ou moins volontairement a se perdre pour avoir le plaisir de la crainte : angoisse de la nuit qui vient avec ses mystères, du croisement incertain, du village en vue mais encore lointain et qui ne dit pas son nom, de la rencontre soudaine avec l’inconnu homme ou bête. Freud on le sait était un marcheur infatigable. Je me souviens avec une certaine émotion avoir parcouru dans les Dolomites tel chemin bien nomme chemin de Freud, car parcouru par lui un demi siècle auparavant.

Parmi toutes ces formes de promenades, il en est une qui a tout son prix, celle ou aucune espèce de performance n’est en vue mais seulement le plaisir de la marche en compagnie. C’est bien moins le paysage si beau soit-il qui en fait le prix mais le plaisir de la conversation. Avec toujours une certaine appréhension car le charme est lie a l’incertain qui suppose la crainte du vide. Mais c’est cette même crainte qui provoque la parole. La promenade s’apparente ainsi paradoxalement à une prise d’alcool ou de drogue dont on sait que leur première fonction est de desinhibition et d’apaisement de la sensation de vide que suscite l’incertain de la rencontre avec l’autre et avec soi-même.

Ce plaisir de la conversation en marchant est-il encore de mise aujourd’hui ? Je le crois tant la mode du trekking fait partie des activités de nos contemporains- L’exotisme fait alors prétexte a la rencontre, moins avec l’autochtone, la barrière de la langue fait obstacle a la rencontre- qu’avec son compagnon de route.

Miguel de Azambuja est un compagnon de promenade comme on aime à en rencontrer. Partir avec lui, c’est rompre la monotonie, du quotidien, un pied en l’air l’autre sur la terre : pas d’autre façon de marcher depuis la nuit des temps. Fragile équilibre de la vie, incertitude du présent comme de l’avenir, fantômes du passe qui resurgissent, souvenirs de l’enfance, lectures, scènes de théâtre ou de cinéma. L’homme est cultive, d’une culture plaisante, qui invite la pensée vers l’élan dont elle a besoin pour s’élever et devenir soudain légère. Quelque chose de la nécessaire déliaison, peut-être au fond le seul bien a trouver au cœur d’une analyse.
L .Le Vaguerèse

Miguel de Azambuja, né à Lima (Pérou), exerce la psychanalyse à Paris. Il est membre du comité de rédaction de
la revue semestrielle penser/rêver. Et puis, un jour, nous
perdons pied est son premier ouvrage.