Dolto pédophile? sans blague

Françoise Dolto

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Françoise Dolto

Dolto pédophile ! sans blague.

 

Tout d’abord, une invitation, celle de revoir l’interview que j’ai faite de Caroline Eliacheff au sujet de son livre sur Dolto. : https://www.oedipe.org/prixoedipe/2019/livre/francoise-dolto-une-journee-particuliere-0

 

 

Ensuite, une surprise. Celle de voir le Canard Enchainé être à l’origine d’une rumeur qui montre une totale méconnaissance de l’œuvre de Françoise Dolto. C’est plus inquiétant que le reste, car c’est un journal qui garde pour ceux de ma génération un certain crédit. Donc, pour survivre aux réseaux sociaux, il faut apparemment se conduire de la même façon ? Être dans la dénonciation, le jugement à l‘emporte-pièce, l’amalgame, et suivre, voir provoquer la vindicte populaire dont on sait la propension à prendre des vessies pour des lanternes ?

 

 

Lorsque Freud fait à Vienne une conférence dont chacun sait qu’il évoque la sexualité y compris O scandale, la sexualité infantile, on lui fait savoir qu’il peut dans un premier temps s’en tenir à des généralités, puis on fera sortir les dames et il pourra alors continuer en présence des vieux messieurs qui, on peut le craindre, s’attendaient à quelques gaudrioles.

Cette histoire de la sexualité infantile fait depuis de siècles couler beaucoup d’encre mais voilà ; Rien à faire, ça dérange. On n’entend plus parler de Jung mais pour lui aussi ça ne passait décidément pas.

 

Il se trouve que j’ai bien connu Françoise Dolto et que moi le tout jeune psychanalyste je n’ai pas toujours été d’accord avec elle. Seulement voilà, quand on n’était pas d’accord tous les deux on se le disait (ce qui au passage n’était guère le cas à l’Ecole Freudienne) et cela faisait donc un certain contraste. Elle parlait beaucoup aux médias ; C’était son choix pour que ça bouge. Je n’y étais pas tellement favorable et je n’étais pas le seul mais c’était SON choix.

 

Elle faisait confiance à l’intelligence de ceux qui la lisaient ou l’écoutaient. C’est le même que je fais chaque fois que j’écris sur œdipe. Je fais confiance à l’intelligence de ceux qui me lisent. Et je continuerai tant que cela sera possible.

 

J’extrais de la réponse de Catherine Dolto quelques éléments. Dont on pourra lire l’intégralité en annexe.

 

« Françoise Dolto respectait la liberté d’autrui à un point qui l’a souvent desservie.

Elle n’était pas prudente vis-à-vis d’elle-même. Elle ne cherchait pas à contrôler

l’usage fait de sa parole. Des conversations privées ont été enregistrées puis

publiées comme des entretiens professionnels, sans sa relecture, voire sans son

accord. Elle prêtait toujours à ses interlocuteurs l’intelligence de comprendre ce

qu’elle leur disait et l’honnêteté de ne pas travestir ses propos. Ces traits de

caractère, qu’elle gardera jusqu’à sa mort, l’ont exposée à bien des déconvenues »

 

 

« Oui, elle est de ceux qui, en 1977, ont

demandé que la majorité sexuelle passe de 18 à 15 ans. Contrairement à ce

qu’écrit le Canard Enchaîné, il ne s’agissait pas « d’assouplir le Code pénal sur

les détournements de mineurs », mais d’éviter le renouvellement d’affaires

comme celle de Gabrielle Russier[1]. Quoi de choquant ? En 1980, le Parlement a

changé la loi en ce sens. C’est aujourd’hui l’article L227-27 du Code pénal,

texte dont personne ne dit qu’il est pro-pédophile et qu’il faut revenir en arrière. »

 

« C’est donc au niveau de l’inconscient que Françoise Dolto se situe quand elle

parle de relations sexuelles entre enfants et adultes, qu’elle juge inacceptables.

Quand elle dit qu’une femme ou un enfant peut éprouver une forme de plaisir –

interdit, donc refoulé, donc culpabilisant - au moment de l’agression, elle ne dit

pas que cela l’autorise, ni que cela amenuise ses conséquences destructrices. On

peut à la fois penser et dire cela et condamner férocement toute agression

pédophile. C’est cette approche complexe d’une réalité qui l’est aussi qui est si

difficile à entendre aujourd’hui, car elle n’est pas binaire. Le « parler vrai » de

Françoise Dolto dérangeait, mais elle a fait avancer les idées. »

 

« Dire que les enfants ont des désirs sexuels n’a jamais signifié pour

Françoise Dolto qu’il fallait que ces désirs illicites soient satisfaits, surtout

par des adultes prédateurs. Les éduquer c’est les informer très clairement

des interdits et de la loi pour leur apprendre à reconnaître les désirs

malsains des adultes pour pouvoir leur signifier qu’ils n’ont pas le droit de

les satisfaire. »

 

Un commentaire de Françoise Dolto après lecture du texte qui lui est reproché :

« Je n’ai jamais vu cet

article fait après interview sans nuances qui trahit ma pensée ».

 

Voilà, je n’ai pas vraiment envie d’en dire davantage, mais  tout cela est franchement nauséabond.

LLV


[1] « l’affaire Gabrielle Russier » a fait à l’époque la « une » des journaux. Cette enseignante de 30 ans (dans mon souvenir) avait eu une relation sexuelle avec un de ses élèves et s’était ensuite suicidée devant le harcèlement dont elle avait été l’objet.

Comments (3)

Portrait de Le Vaguerèse Laurent
24/01/2020 Le Monde Le désir peut exister, mais cela ne change rien à ce qui est permis et défendu Serge Tisseron Le psychiatre revient sur les propos, qu’il juge « problématiques », de Françoise Dolto autour du viol des mineurs. Il faut distinguer, explique-t-il, ce qui peut être « désiré », par un enfant comme par un adulte, et ce qui est réellement « souhaité » L es propos tenus par Françoise Dolto autour du viol des mineurs et de possibles désirs sexuels de l’enfant pour l’adulte ( daté du 8 janvier) sont assez problématiques pour que la réponse ne se contente pas d’envisager le , le revirement freudien qui a remplacé la théorie du traumatisme par celle du fantasme, ou encore la confusion que le lecteur peut faire en croyant que la psychanalyste parlerait de décisions conscientes, alors qu’elle parle de ce qui est censé se passer dans l’inconscient de la victime. Le Canard enchaîné « climat de l’époque » Il me semble que ces propos sont assez graves pour justiíer d’aborder un point théorique majeur dont la psychanalyse, à partir des années 1950, et notamment la psychanalyse lacanienne, à très largement sousestimé l’importance. Ce point, je l’ai déjà expliqué, en 2005, dans mon ouvrage : (Albin Michel). Il concerne la place de ce que Freud appelait les « processus secondaires » : un domaine aujourd’hui largement étudié par les neurosciences, sous le nom de « compétences exécutives ». En eìet, à la suite de Freud, et sous l’inîuence lacanienne, la psychanalyse s’est orientée vers le « tout désir ». Vérités et mensonges de nos émotions Du coup, penser la situation de l’enfant confronté à la perversité d’un adulte séducteur ne pouvait conduire qu’à deux options. Soit l’enfant est animé d’un désir sexuel pour l’adulte et on peut se demander en eìet s’il y a viol ; soit l’enfant est en attente de tendresse, comme l’a largement montré le psychanalyste hongrois Sandor Ferenczi du vivant même de Freud, et l’adulte qui prétend répondre aux attentes de l’enfant lui impose en réalité ses propres désirs de manière traumatique. Nous ne savons guère ce qui se passe dans la tête d’un enfant, mais même si l’enfant pouvait un échange sexuel avec un adulte, ce n’est pas ce qu’il nous faut prendre en compte. Car, sauf s’il a été précédemment abusé, il ne le pas. De la même façon que « désirer » et « faire » sont deux choses très diìérentes (la justice ne condamne pas quelqu’un pour ses désirs, mais pour ses actes), « désirer » et « souhaiter » le sont aussi. désirer souhaite Par exemple, je peux désirer faire du parapente, mais je ne le souhaite pas parce que je suis convaincu que je me casserais le cou ! Ou bien, je peux désirer la mort d’un proche qui me fait souìrir, mais je ne la souhaite pas parce que, par ailleurs, j’aime sincèrement cette personne. Cette intuition, que nous pouvons ne pas souhaiter ce que, pourtant, nous désirons, nous fait parfois dire que nous « voulons » et ne « voulons pas » à la fois quelque chose. Mais cette formulation est ambiguë, car elle risque de laisser croire qu’il s’agit de deux désirs opposés, ou même d’un désir et de l’interdit qui lui est associé. Mais la distinction entre « désirer » et « souhaiter » nous permet de comprendre que les deux termes de cette opposition ne sont pas identiques. Le « désir » ne connaît que sa propre logique, alors que le « souhait » est construit au carrefour de l’ensemble des préoccupations d’un sujet. L’être humain n’éprouve pas en eìet à tout moment seulement des préoccupations liées à ses désirs. Il éprouve aussi diverses formes d’attentes narcissiques et d’attachement, et, à tout moment, il doit concilier ces trois registres. Avoir les moyens psychiques de refuser Et cette situation n’est pas particulière aux relations entre adultes et enfants. C’est la même chose entre deux adultes. Une femme, par exemple, peut désirer une relation sexuelle avec un homme, et en même temps, ne pas souhaiter cette relation pour des raisons liées au moment, à ses investissements d’attachement ou à ses préoccupations narcissiques. Mais si cette distinction n’est pas clairement posée par elle, elle risque de croire qu’elle « veut » et ne « veut pas » en même temps. Et si elle tente de formuler les choses ainsi, elle risque de passer, au mieux, pour une personne « ambivalente », et au pire pour une « hystérique qui ne sait pas ce qu’elle veut ». Cette confusion intérieure peut devenir dramatique et conduire à un viol dont l’agresseur pourra dire ensuite qu’à ses yeux, ce n’en était pas un. Mais si nous introduisons la distinction entre « désirer » et « souhaiter », nous disons que cette femme a pu à la fois désirer cette relation, et en même temps ne pas la souhaiter, et que c’est sa parole qui devait primer sur son désir. Le désir, même partagé, ne suffit pas à lui seul à justi er le rapprochement sexuel, il y faut également le consentement mutuel qui prend en compte beaucoup d’autres aspects. C’est ce qu’a voulu dire, en son temps, le slogan : « Quand une femme dit non, elle dit non. » Et chez l’enfant, les choses sont plus compliquées encore. Il n’a pas, autant que l’adulte, les moyens psychiques de refuser, non seulement à cause de l’obéissance due à l’adulte, mais aussi parce que les processus secondaires sont encore trop fragiles chez lui. C’est justement ce que veut ignorer le pervers, et ce qui peut le rendre aussi convaincant. Il perçoit le désir que sa victime peut avoir de lui et brandit ce désir comme une justi cation de son acte. A la limite, il se présente comme un défenseur des droits du désir contre les censeurs et les puritains ! Ce désir peut exister, mais cela ne change rien à ce qui est permis et défendu. Car nous n’avons pas à nous guider sur les désirs que nous percevons chez ceux qui nous entourent, et qui relèvent de leur vie psychique intime, mais sur leurs souhaits, qui relèvent des synthèses que ces personnes font entre les exigences contradictoires de leur personnalité. C’est cela le respect, et il est dû, de la même manière et dans les mêmes proportions, aux enfants et aux adultes. Serge Tisseron est psychiatre, dessinateur, auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont le « Petit traité de cyberpsychologie » (Le Pommier, 2018)

Le Canard Enchaîné tombe peut-être dans "le faire sensation" proche de la critique amusée. Françoise Dolto a pris une place au niveau de l'enfant qui n'était pas et répondant à un besoin, par contre elle dit tout pouvoir écouter et en même temps de ne pouvoir soutenir des récits tel celui du légionnaire de la guerre d'Indochine. Claude Schauder dans "Image inconsciente du corps, castrations symboligènes et perversions dans l'œuvre de Françoise Dolto" met au jour une limite de son écoute. "elle s'était rapidement trouvée dans l'impossibilité de l'écouter, écœurée et révoltée qu'elle était aussi bien par le contenu de l'énoncé de ses faits et gestes sur de petits enfants durant cette guerre que par les modalités de son énonciation. Elle l'avait donc éconduit en lui disant qu'elle ne pouvait l'écouter et l'orienterait vers quelqu'un d'autre.

Portrait de Le Vaguerèse Laurent

UNE BRÈVE MISE AU POINT AU SUJET DE FRANÇOISE DOLTO ET DE SES DÉTRACTEURS 20.01.2020 RUDY GOUBERT BODART PSYCHANALYSTE DE SINGAPOUR

https://www.rudygoubetbodart.com/single-post/2020/01/20/UNE-BR%C3%88VE-MISE-AU-POINT-AU-SUJET-DE-FRAN%C3%87OISE-DOLTO-ET-DE-SES-D%C3%89TRACTEURS Peu de psychanalystes ont accédé à une notoriété telle qu'ils sont devenus un support transférentiel, non pas seulement pour leurs patients ou analysants, mais aussi pour un nombre considérable de personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées. C'est bien entendu le cas pour Sigmund Freud et, en France, il y a eu Jacques Lacan et Françoise Dolto qui ont incontestablement marqué leur époque. Le transfert, comme nous le savons, n'est jamais que positif ou négatif mais est bel et bien constitué par la combinaison d'amour et de haine. Aujourd'hui, Françoise Dolto est accusée d'avoir soutenu la «pédophilie» (terme totalement dévoyé) ou pour le dire avec le vocabulaire qui caractérise notre époque la «pédocriminalité». Ces accusations ne disent rien au sujet de Françoise Dolto mais en dévoilent davantage quant à notre époque, et plus particulièrement quant aux personnes qui les proférent et à ceux qui les suivent. Ces personnes ne s'arrêtent bien sûr pas à des découpages très arbitraires de certaines entrevues de Dolto retranscrites par une tierce personne. Non, elles s'autorisent aussi à être insultantes envers ce qu'ont été ou sont devenus les enfants de Dolto et qui, selon eux, serait la conséquence des idées loufoques de leur mère. Une fois encore, ces propos ne disent rien au sujet de Dolto et de ses enfants, mais montrent ô combien l'idée de l'éducation que se font leurs accusateurs est entachée d'amour propre. En parlant d'éducation, ces personnes font circuler une pétition où ils réclament la suppression du nom de Françoise Dolto de plus d'une centaine d'établissements scolaires. Comble de l'absurde. De là où elle est, Dolto, doit rire aux éclats. Elle qui était si critique quant à l'éducation nationale et dont les idées pour le moins novatrices (pour ne pas dire «révolutionnaires», puisque ce terme est dorénavant très souvent accolé à la plus haute canaillerie) en la matière n'ont jamais été suivies. Et c'est bien, en partie, pour pallier aux carences de l'éducation nationale qu'elle a, avec d'autres, créé La Maison Verte. Le plus étonnant est donc qu'un jour un gouvernement ou un ministre (qui n'ont certainement jamais lu un seul ouvrage de la psychanalyste) aient eu l'idée de donner son nom à des écoles. Françoise Dolto est également haïe par les «féministes» — et c'est d'ailleurs la retranscription d'une entrevue avec l'une d'entre elles qui fait polémique. Françoise Dolto, une femme née en 1908, qui a traversé deux guerres, qui s'est élevée contre son milieu, sa famille pour pouvoir étudier, qui a produit une thèse en pédiatrie dans les années 30 basée sur les idées d'un juif, qui a aidé tant de mères en leur disant, notamment, qu'elles n'étaient justement pas que mères mais aussi femmes, qui a eu le courage de produire des écrits pour tenter d'expliciter la sexualité féminine, qui a insisté sur l'importance du rôle du père dans l'éducation de l'enfant ... oui, curieusement, cette femme est honnie par le «féminisme». Mais aujourd'hui, combien de «féministes» peuvent prétendre lui arriver au dixième de la cheville ? Bien évidemment Françoise Dolto est aussi attaquée au nom de l'enfant et même au nom de son bien-être et de sa protection. Là est certainement le point le plus important. Françoise Dolto n'a jamais parlé au nom de l'enfant, mais au nom de la cause de celui-ci (et aussi de celle de l'adolescent). Françoise Dolto ne parlait pas à la place de l'enfant mais savait que l'enfant — et plus précisément le sujet qu'elle supposait présent même avant sa naissance mais sans jamais le confondre avec celui-ci — était déjà porteur de la parole même lorsqu'il ne pouvait pas encore l'articuler verbalement. Et cette parole parfois enkystée dans le corps — ce qui s'appelle symptôme en psychanalyse — est riche d'un savoir qu'il convient de lire, de déchiffrer, pour l'aider à se dire afin que s'en déleste une bonne part de souffrance. Françoise Dolto disait des enfants qu'ils étaient ses véritables maîtres, que c'était eux qui lui apprenaient son métier. Elle ne confondait pas le sujet avec l'enfant. Et c'est bien de cela dont il s'agit chez celui qu'on appelle le «pédocriminel» : de l'identification ou de la confusion du sujet avec l'enfant. Elle savait que le sujet n'était pas individuel mais qu'il devait être supposé à tous les âges de la vie (et même avant la naissance) avec les épreuves qu'ils impliquent, pour pouvoir le soutenir dans ses «potentialités subjectives», sa «dynamique vitale», ou encore son «allant-devenant». Elle ne confondait ni le sujet avec l'enfant, et par conséquent, ni l'enfant avec son symptôme. Elle ne parlait pas des «enfants autistes» — auxquels il faudrait appliquer des méthodes standardisées pour l'autisme, alors considéré uniquement comme trouble neurologique — non, elle ne parlait pas des «enfants autistes» sans y supposer le sujet de l'inconscient. Elle lisait dans le corps de l'enfant l'être en souffrance, et aujourd'hui encore des centaines de personnes, dont des patients et des analysants, peuvent témoigner de leur rencontre inoubliable avec cette Femme Exceptionnelle. RUDY GOUBERT BODART PSYCHANALYSTE DE SINGAPOUR

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