Sous le pavé, la plage.

Sous le pavé, la plage.

Une phrase de Michel Onfray, répétée à l’envie sur les multiples scènes du mensonge médiasé, m’inquiète. Elle bouleverse mon engagement (en voixe d’extinction) à vouloir occuper la place d’un enfant de Sigismund Schlomo qui n’aurait pas fait le meurtre du père Freud. Elle me bouleverse aussi ( père devenu malgré tout) plus prosaïquement, pour la dose d’infantile qu’elle convoque dans la monstruosité productive de son auteur. Une phrase énoncée, comme caution (de bon élève studieux), à la question journalistique sur la monstruosité ( encore) de la tâche accomplie. Enfin quoi, s’attaquer à une idole, cela ne va pas de soi ! Mais si, mais si ! « J’ai lu l’œuvre complète de Sigismund Schlomo Freud pendant mes vacances d’été. » Et, double précision qui donne visage humain à l’ampleur de la tâche (encore) : « dans la version des « Oeuvres complètes » éditées chez PUF », pouf pouf ; aidé en cela, enchaîne Michel Onfray, par le déniaisement offert à l’occasion de « ma lecture anticipée du Livre noir de la psychanalyse ». Je laisse de coté, bien entendu, les lectures qui, de biographes en commentateurs ( je tairai le nom de Jones ou de Debray-Ritzen), furent nécessaires à l’affinage et à la digestion de ce bloc de culture. Etrange posture, n’est-ce pas, d’élève bien appliqué pour qui, somme toute, occupe à l’Université enfin populaire la place du Maître. Mais peut-être n’est ce pas là la lecture, somme toute inévitable aussi, qui m’interroge. Ce serait plutôt l’espace-temps de son exercice. Celui de la vacance. Des plages et des cocotiers de la côte normande propices à l’attention flottante pour qui, au-delà du clapotis des vagues et des cris de l’enfance qui patauge, cherche dans l’interstice des mots imprimés le sens d’un laissé-aller. Celui de Schlomo bien sûr. Mais vous aviez compris qu’il ne s’agissait pas du mien, usurpateur de seconde zone que je suis.

Aussi, pour qui veut comprendre le débat poursuivi par Michel Onfray autour de la figure surdéterminée de Freud dans le milieu psychanalytique actuel, la plage ( comme les médias) est bien le dernier endroit où une "opinion" peut s'engager. Certains, parmi nous (ce « nous » dont vous m’épargnerez de penser qu’il fait corps), ne prennent pourtant pas à la légère le débat inauguré par "Le livre noir de la psychanalyse" auquel le livre de Michel Onfray donne un écho raffiné. En effet, le père originaire (amen) des pratiques psychanalytiques, où la question de l'inconscient percute les conceptions habituelles de l'entendement, est largement soumis par les psychanalystes eux-mêmes à une critique qui, tout en ne l'épargnant pas, donne à la validité de l'ouverture produite une consistance dont les républicains, les hédonistes, les scientifiques et autres humanistes auront bien du mal à se défaire sans se dénier eux-mêmes. Il faut savoir écouter, pourrais-je dire par ex en devenir déformation professionnelle, pour comprendre que ce débat cache, plutôt que de vouloir montrer, une crispation idéologique qui trouve la possiblité de son exercice dans le monde de la désincarnation généralisée ( vive la marchandise !) où nous nous trouvons aujourd'hui reclus. Pourtant, des bulles, non spéculatives, existent où il est possible d'entendre un son de cloche différent de celui qui envahit les organes de fabrication de la "conscience" contemporaine. N’y aurait-il aucun lien, par exemple, entre la question de l'inconscient freudien et celle de la citoyenneté, où tant de sirènes chantent aujourd'hui drapée dans des certitudes primaires ?

Alors, excusez-moi, ce "débat" ne m'interesse guère, tant il offre des deux cotés (celui de la Cause dite freudienne et de la cause toujours tu m'interesses) des postures inutiles d'où nulle réflexion et intelligence ne pourra surgir. C'est d'ailleurs à ce titre que, pour mon petit moi, le livre de Michel Onfray contient un mystère pour lequel, en définitive, je ne me mettrai pas en quête. Car je n'ai pas le temps, je dois terminer la lecture de Freud (est-ce bien le même) commencée il y a près de 40 ans.

Tout cela est crépusculaire.

Michel GROS

15 mai 2050

Comments (1)

C'était des vacances ou des congés payés ?Mon mémoire de Maîtrise de philosophie (c est comme ça le signifiant "m'être" ca pullule à l'université - allez savoir, est-ce que ça n'est pas parce qu'ils ne posent pas la question : qui parle ? ) tentait de dégager le lieu ou deux abords du Penser venait se frotter - philosophie et psychanalyse.Ca m'intéressait...Au temps de Schopenhauer les philosophes étaient des carnassiers, aujourd'hui ils vendent de la mort aux rats.Il sont devenus des hommes... trop hommes.