Que faire face à ça ?

LA RUMEUR

Beaucoup a été dit à propos de l’ouvrage de M. Onfray. Dans la presse et sur internet , un foisonnement d’articles dénoncent sans appel la fatuité du « brûlot ». A ma connaissance, hormis des auteurs du Livre Noir, personne n’est venu le défendre. Les imprécations et les cris de rage de l’auteur face à ses détracteurs signent l’évidence de sa mauvaise foi. Et pourtant le livre est là. Il s’empile dans les grandes librairies et fort de sa surmédiatisation, on peut lui prédire des centaines de milliers de ventes. Le danger ne viendra probablement pas de ses lecteurs. Je m’autorise à penser que ceux qui en auront entrepris la lecture, hormis les inconditionnels de l’anti-psychanalyse qui y trouveront une grande jouissance, ne seront guère convaincus. Mais ce livre est-il fait pour être lu ? N’est-il pas encore plus efficace à simplement alimenter une rumeur ? Il est certainement très triste que l’emprise de l’esprit pepole de notre époque domine largement notre société, mais qu’y faire ? Quelle efficacité à opposer des arguments raisonnés à la bêtise médiatisée ? On entend déjà, des remarques comme : « Il paraît que Freud était un menteur, un faussaire, un charlatan ect».  Le « il paraît » mutant rapidement en affirmation. Ne pas lire le livre d’Onfray permettra au café du commerce (là ou circule ce qui tient lieu de vérité), à la vulgate, d’affirmer péremptoirement que Freud est antisémite et la psychanalyse inefficace, mieux peut-être que si elle l’avait lu.

En ce qui me concerne, j’ai entendu des commentaires du livre noir énoncés essentiellement par des personnes qui ne l’avaient pas lu, et les mêmes affirmations commencent déjà à partir de l’ouvrage de M. Onfray. Le livre d’Onfray existe ce n’est pas la peine de le lire, il vaut même mieux ne pas, pour affirmer haut et fort la culpabilité de la psychanalyse. L’existence du livre, paré de l’aura médiatique qu’il a reçu pour son lancement, devient une simple référence que l’on peut citer sans avoir la nécessité d’en étudier les 600 pages (ne parlons pas d’en vérifier les sources, les quelques ouvrages commentés dans les 53 pages d’une prétendue bibliographie ne le permettent guère). Le crescendo de la polémique confortera celui qui nourrit un parti pris, voire une résistance contre l’analyse, à soutenir M.Onfray, en se référent aux propos tenus lors d’un débat télévisé en s’économisant sa lecture, l’insistance médiatique le consolidant dans ses affirmations.

Face à leur indigence, il n’est pas trop difficile de démonter les thèses de M. Onfray. Il est cependant indispensable de la faire et on ne peut que féliciter E. Roudinesco ainsi que les nombreuses personnes qui ont cherché à rétablir un minimum de cohérence, mais cela sera-t-il suffisant ? Ceux qui ont donné à M.Onfray une audience extraordinaire ne sont-il pas plus critiquable que lui ? Laurent Joffrin était Directeur du Nouvel Observateur lorsque ce magazine avait ouvert une autoroute au Livre Noir, c’est encore lui qui caresse Onfray dans le sens du poil dans un éditorial de Libération, lequel journal n’a pas eu peur de lui consacrer ses cinq premières pages ! Libération s’est certes rattrapé depuis, en publiant plusieurs articles dans la rubrique rebonds, mais le mal n’était-il pas fait ? Malgré toutes les rectifications, tous les commentaires , qui circulent aujourd’hui, les médias ont crédibilisé Le Crépuscule d'une idole. Comment éteindre une rumeur ? Après des décennies, Le Protocole des Sages de Sion a toujours de l’audience!

Jean-Claude Aguerre